Afrique: Les incertitudes qui minent la coopération avec l'Union Européenne

M. Brahim Fassi Fihri, président de l’Institut Amadeus, lors de l'ouverture officielle des MEDays 2017, le mercredi 8 novembre à Tanger
9 Novembre 2017

L’Europe vit des moments de trouble à répétition rythmés par des phénomènes comme la menace terroriste, les flux migratoires, le Brexit, la montée en puissance du fascisme….Un état de fait dont les conséquences déteignent sur les relations entre l’Europe et le continent africain. D’où la nécessité de repenser la coopération entre les deux parties.

Repenser la coopération entre l’Europe et l’Afrique. C’est le souhait exprimé par d’anciens premiers ministres et membres de gouvernement africains et européens qui ont pris part à un panel sur « Initiative Euro-African Talks » tenu le mercredi 8 novembre à Tanger dans le cadre du Forum international des MEDays 2017.

La position unanime est la situation d’incertitude qui pollue l’environnement européen. Un état de fait qui risque de se répercuter dans ses relations avec le du reste du monde dont l’Afrique. « Ce qui se passe en Europe va influer sur ses relations avec l’Afrique mais elle a la capacité à le surmonter », souligne Diocounda Traoré, ancien président de la transition au Mali.

Pour M. Mohamed Methqal, ambassadeur et manageur, directeur général de l’agence marocaine de la coopération internationale, « on a une Europe qui commence à douter de son modèle de développement ».

La preuve, d’ailleurs, est la gestion calamiteuse des flux migratoires qui foule au pied le minimum de droits humains. Comme le stipule M. Mahmoud Jibril El Warfalli, ancien ministre de la Libye : « Aujourd’hui, ce que nous avons, ce n’est pas de l’immigration mais un crime organisé ».

Ce cadre libyen qui a participé à la période de transition s’offusque d’une volonté inavouée pour les européens d’utiliser son pays comme zone tampon pour barrer la route aux immigrés africains qui tentent de regagner l’Europe. « Plus de 5000 africains sont retenues en Libye contre leur volonté grâce à des leaders européens qui payent des milices libyennes qui les empêchent de traverser ».

L’ancien ministre des affaires étrangères du Sénégal, M. Mankeur Ndiaye parle de dignité humaine bafouée. Il s’étonne du fait que des réfugiés syriens sont accueillis à bras ouvert en Europe alors que certains pays développent des politiques pour barrer la route aux migrants africains.

Sur la même lancée, l’ancien président de la Provence région Alpes Côtes d’Azur de France est formel. Selon M. Michel Vauzelle, « l’image morale de l’Europe s’est abimée ainsi que celle de la France avec la question migratoire ».

Le tâtonnement relevé dans la gestion de la migration, M. Dacian ciolos, ancien premier ministre de Malte le justifie par l’importance d’incertitudes qui vont pousser l’UE à se redéfinir et à se réorganiser. Il a tenu à faire remarquer que l’UE d’aujourd’hui n’est plus celle de 2000. « Le processus d’élargissement n’a pas eu le temps de conduire un processus d’intégration des nouveaux arrivants ».

Le clou est que certains pays d’Europe de l’Est vont jusqu’à interdire l’accès à des migrants musulmans.

Face à ces écarts, M. Rida Lyammouri, consultant international sur le Sahel redessine une Europe à deux vitesses avec la volonté de mieux protéger leurs frontières extérieures.

A son avis, l’approche sécuritaire est un peu lourde du moment qu’elle a permis aux terroristes de trouver de nouveaux tuyaux et ce sont les migrants qui en paient le lourd tribut.

Pour lui, la sélection des migrants doit se faire sur les territoires africains et que l’UE doit proposer des moyens juridiques pour les candidats de la migration.

Lawrence Gonzi, ancien premier ministre de Malte, de son côté, estime qu’en plus de la problématique de la sécurité, il faut parler de l’investissement dans les pays sources de la migration.

« L’avenir de l’Europe dépend de l’avenir de l’Afrique »

L’ancien président de la Provence région Alpes Côtes d’Azur de France est formel. Selon M. Michel Vauzelle : « L’avenir de l’Europe dépend de l’Afrique ». Un postulat qui repose la nécessité de changement de paradigme et l’Afrique a aussi sa part dans cette situation.

M. Dacian ciolos, ancien premier ministre de Malte pense que les incertitudes de l’UE sont une chance pour ce continent de se redéfinir et sa relation avec l’Afrique doit aller dans ce sens. D’après lui, l’Afrique doit faire l’effort de comprendre l’UE avec la réalité qu’elle vit aujourd’hui.

Avant d’ajouter que l’élargissement de l’UE peut être une chance pour l’Afrique dans ses relations avec les européens et le continent noir doit mettre sur la table des propositions et non seulement des attentes de la part de son partenaire.

« L’UE va s’avancer vers une politique d’intégration économique, fiscales, commerciale…par rapport à cette problématique, si les pays d’Afrique se positionnent, ils peuvent tirer leur épingle du jeu ».

Même son de cloche pour Jawad kerdoudi, président de l’institut marocain des relations internationales.

En tant qu’économiste, il dit être favorable au retour à la mondialisation qui a permis à des pays comme l’Inde et la Chine de mieux nourrir leurs populations. « Les pays africains doivent faire beaucoup d’efforts pour ne pas toujours continuer à penser avec les pays anciens colonisateurs ».

Dans la même dynamique, M. Lyammouri pense que l’intégration régionale est un impératif entre les pays du Maghreb et ceux du Sahel.

Diocounda Traoré souligne que « le temps n’est pas à la fragmentation ou la séparation mais au regroupement pour faire face aux phénomènes planétaires ».

Ce qui amène Michel Vauzelle  à se demander : « Est-ce que le pouvoir des peuples se trouve représenté aux Nations Unies ou à Davos, non dans des palais mais dans des palaces ?»

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