Le secteur de la santé africain ne se porte pas mieux. Des professionnels ont diagnostiqué mille et un maux dont souffre ce secteur vital.
« Santé en Afrique : la gouvernance sanitaire en Afrique à l'épreuve des nouveaux défis ». C'est le thème autour duquel l'édition 2017 des MEDays avait convoqué la réflexion dans le cadre d'un workshop animé par des responsables de la santé issus de différents pays africains.
Le diagnostic sans complaisance fait pendant un tour d'horloge a révélé les stigmates d'un secteur qui souffre de plusieurs maux. Des symptômes qui ont pour noms : déficit de personnel de santé qualifié, inaccessibilité des médicaments, absence de stratégies ou de visions, manque de coordination efficace au niveau des systèmes de santé…
L'ancien ministre ivoirien de la santé, Dr Thérèse N'Diri Yomana mis les pieds dans le plat en brandissant les difficultés notées dans la mise en œuvre de la couverture maladie universelle dans les pays. « La déclaration sur la couverture maladie universelle a été faite depuis 2012 mais nos pays peinent à mettre en place ce système ».
A son avis, depuis les réformes imposées par le Fonds Monétaire International (Fmi) dans les années 80, avec les Programmes d'ajustement structurel (Pas), plusieurs pays ont du mal à rattraper le retard et à faire face aux charges de la santé.
Ce qui, selon elle, explique le manque de coordination efficace relevé au niveau de nos systèmes de santé.
Dans cette même dynamique, Mme Layla Sentissi, Directrice de l'Association marocaine de l'industrie pharmaceutique (Amip) rappelle avec conviction qu'«un pays qui n'est pas en bonne santé ne peut pas se développer ».
Dans son diagnostic du secteur de la santé africaine, Mme Sentissi met le doigt sur l'absence de bases de données fiables sur lesquels se référer.
Mme Hakima Himmich, présidente de l'Association de lutte contre le Sida (Alcs), de son côté, a décrié le déficit d'études et de travaux scientifiques sur le secteur de la santé notamment dans la plupart des maladies, en dehors du VIH/Sida.
D'après elle, il y a un déséquilibre énorme entre la concentration médicale autour des capitales et dans la campagne. Ce qui révèle l'absence d'une véritable décentralisation dans le secteur de la santé. Avant de décrier la forte vulnérabilité des femmes face aux nombreuses maladies.
Des défis draconiens à relever
Suite à ce diagnostic sans complaisance et loin d'être exhaustif. Le Dr Kamal Alami, Directeur d'ONUSIDA Maroc, estime que l'un des défis principal pour l'Afrique c'est le déséquilibre noté dans le secteur de la santé. Ce qui dénonce d'une absence de volonté politique ou de vision bien pensée de la part de nos gouvernants.
Pour M. Alami, tous les axes sont basés sur les programmes verticaux alors qu'il faut aller vers des programmes inclusifs avec des systèmes résilients.
Avant de rappeler le plaidoyer de l'OMS pour chaque pays d'arriver à une couverture médicale universelle. C'est dans ce sens qu'il a demandé au développement la production de médicaments au niveau local.
Mme Layla Sentissi pense qu'un pays comme le Rwanda qui consacre 26% de son budget national au secteur de la santé est un exemple à suite. Ce qui, selon elle, explique son niveau de développement remarquable.
Dans cette même veine, le Dr Thérèse N'Diri Yoman de la Côte d'Ivoire pense que le plus grand défi que l'Afrique doit relever est d'apporter à ses populations des soins de qualité et des médicaments disponibles et accessibles. « Le grand problème c'est comment financier la santé et comment permettre aux populations de se prendre en charge ».
Elle estime que les pays du continent doivent travailler sur la multi-sectorialité, s'essayer à des échanges de spécialistes de santé pour combler de déficit de personnel et créer des centres régionaux de santé pour prendre en charge les patients des pays d'une même région.
Mme Yoman pense que les pays africains doivent avoir la culture de la redevabilité en évaluant leur personnel de santé.
L'expérience de l'industrie pharmaceutique marocaine peut servir d'exemple. Ce qui montre qu'il faut un partenariat public-privé et des initiatives privés
Mme Layla Sentissi, de son côté, pense que l'industrie pharmaceutique est le socle et la base d'un système de santé fiable. Pour elle, il faut une vision à l'image du Régime d'assistance médicale (Ramed) au Maroc qui compte 12 mille officines. « C'est une initiative entièrement publique qui n'a pas associé le public d'où sa défaillance ».
La Directrice de l'Association marocaine de l'industrie pharmaceutique demande aux pays africains de s'inspirer également de l'expérience d'Amérique latine et de l'Asie dans ce domaine.
« Il faut trouver une solution à la contrefaçon des médicaments qui est un fléau énorme pour nos pays ».
La place de la médecine traditionnelle
« Plus de 60% des populations africaines se soignent d'abord chez le tradi-thérapeute avant d'aller à l'hôpital ». C'est le résultat d'une étude qui renseigne sur l'importance de la médecine traditionnelle en Afrique.
Selon l'ancien ministre ivoirien de la santé, Dr Thérèse N'Diri Yoman, « l'initiative de Bamako a déjà proposé aux pays africains les médicaments traditionnels améliorés et ce qui peut rendre accessible les moyens de se soigner et ne pas couper carrément les habitudes traditionnelles des populations ».
Compte tenu de l'importance de la formation pour tout système de santé performant, des directives de l'Union africaine en la matière sont également attendues. « Il faudrait une agence africaine du médicament», recommande Mme Layla Sentissi. Et d'ajouter : « On peut proposer des traitements de qualité qui répondent aux standards internationaux à des coûts accessibles ».
C'est dans sens que l'harmonisation qui est faite au niveau ouest africain et qui doit se poursuivre au niveau des curricula. C'est la même chose pour des programmes de santé transfrontaliers pour prévenir et prendre en charge des pays comme les grandes pathologies.
A cela s'ajoute la coopération sud-sud pour faire évoluer les partenariats.