Afrique: Brahim Fassi Fihri, Président de l'Institut Amadeus, organisateur du forum MEDays – « Des recommandations sont issues des MEDays 2017 en vue du prochain sommet Union africaine – Europe »

16 Novembre 2017
interview

Le cinquième sommet entre l'Union africaine (Ua) et l'Europe est prévu les 29 et 30 novembre 2017 à Abidjan, en Côte d'Ivoire. Le forum international des MEDays dont l'édition 2017 a pris fin le samedi 11 novembre à Tanger (Maroc) a été une opportunité pour les acteurs africains de formuler des recommandations indiquant la trajectoire que devrait désormais prendre l'avenir des relations entre les continents. Le président de l'Institut Amadeus, M. Brahim Fassi Fihri, dans cette interview bilan accordée à l'équipe de AllAfrica.com parle de rééquilibrage du centre de gravité de l'économie mondiale avec une place de choix pour l'Afrique.

Les MEDays tirent à leur fin. Après quatre jours d'intenses échanges, quel bilan pouvez-vous tirer au terme de cette édition 2017 ?

Tout d'abord, j'aimerais exprimer mon immense fierté  et l'immense privilège de pouvoir organiser un événement qui, aujourd'hui, est devenu incontournable dans l'agenda africain mais également international des grandes conférences.

Je crois que pour cette 10éme édition il n'y a pas une plus grande symbolique que la présence lors de l'ouverture de ce forum de son excellence Alpha Condé, président de la Guinée mais surtout président en exercice de l'Union africaine. L'année du retour du Maroc au sein de sa famille institutionnelle.

Pour moi c'est une symbolique importante qui démontre à la fois l'attachement de l'Afrique au Maroc évidemment l'enracinement profond du Royaume du Maroc au sein de son continent d'appartenance.

Après 10 éditions à son actif, est-ce que les conclusions des MEDays ont été insérées et prises en compte dans la définition d'orientations politiques au Maroc et en Afrique ?

Le forum des MEDays, depuis sa création en 2008, s'est toujours voulu être un forum opérationnel, un forum tourné vers l'action, un forum tourné vers la prise de décision. Nous sommes un forum non gouvernemental mais nous avons la chance d'accueillir chaque année des décideurs politiques,   de économiques et des membres de la société civile. Tout ce melting pot de profils permet de faire émerger un certain nombre de recommandations ou de faire évoluer progressivement les débats notamment sur les questions africaines.

Nous sommes très fiers à Amadeus d'avoir contribué notamment au développement des relations entre le Royaume du Maroc et un certain nombre de pays africains avec lesquels le pays n'avait une tradition de coopération extrêmement établi. Je pense notamment aux pays d'Afrique anglo-saxonne et ceux d'Afrique de l'Est.

S'agissant de cette dixième édition, en amont du Forum nous avons organisé une série de workshops en présence d'anciens hauts responsables et à la fois européens et africains, d'ex-premiers ministres ou ministres des affaires étrangères pour pouvoir remettre au président Alpha Condé, une série de recommandations en vu du prochain sommet Union européenne et Afrique qui aura lieu dans une dizaine de jours à Abidjan.

Est-ce qu'on peut dire que l'Institut Amadeus est parvenu à mettre en place un think tank devenu incontournable en Afrique ?

Je crois qu'aujourd'hui, Amadeus est un think thank africain, c'est dans notre ADN. Nous nous concentrons essentiellement sur des questions liées au continent et aux pays du sud, pays émergents de manière générale. Évidemment, nous nous concentrons sur des questions maroco-marocaines mais depuis quelques années, nous essayons de suivre avec attention la réintégration du Maroc au sein du continent.

Comme vous le savez, le Maroc est aujourd'hui, un acteur africain majeur sur le plan économique et politique. Évidemment, sur le plan économique avec la présence des principales entreprises marocaines dans plus d'une trentaine de pays. Mais également sur le plan politique à travers notamment des liens extrêmement étroits avec les pays de l'Afrique de l'Ouest d'où la démarche initiée par son excellence le roi, d'intégrer le Maroc à la CEDEAO.

Aujourd'hui, nous assistons à un schéma ou l'Union du Maghreb arabe est au point mort où l'intégration économique est vitale pour les économies de nos pays. Aujourd'hui, il faut pouvoir s'insérer dans les groupements régionaux et la CEDEAO en est un exemple tout à fait intéressant. C'est une organisation qui est réussie et nous étions assez jaloux de sa réussite alors que pour nous maghrébins l'UMA (ndlr : Union du Maghreb Arabe) est au point mort.

Je crois que la demande d'adhésion du Maroc à la CEDEAO s'insère dans une vision stratégique. La réintégration du Maroc au sein du continent à travers les outils politiques de l'Union africaine mais sur le plan économique, la CEDEAO permet au Maroc de jouer de manière institutionnelle, son rôle de leader économique sur le plan du continent.

Quels sont les nouvelles perspectives qui s'offrent maintenant aux MEDays désormais inscrits dans l'agenda africain des grandes conférences ?

Je le dis souvent, le Forum MEDays est un événement porté 100% par une équipe marocaine, par un think thank 100% marocain, donc 100% africain. Nous sommes au service de l'Afrique et il existe, malheureusement au sein du continent, beaucoup de conférences similaires mais importées d'Europe ou d'Afrique du Nord.

Aujourd'hui, il est grand temps de pouvoir miser sur des structures africaines ou des fora africains pour traiter entre nous, mais également avec nos partenaires du nord, des thématiques africaines. Je crois qu'aujourd'hui, on n'a pas de leçons à recevoir de quiconque. Nous Africains, nous regardons nos partenaires européens droit dans les yeux et il est essentiel, à mon sens, d'avoir des structures africaines qui traitent de thématiques africaines.

Je suis effectivement optimiste pour les perspectives du forum international MEDays. Aujourd'hui, nous avons toute la crédibilité pour pouvoir continuer à œuvrer dans ce sens. Et pourquoi ne pas imaginer des MEDays organisés dans des pays d'Afrique sub-saharienne ?

Comment définissez-vous la nouvelle Afrique face au reste du monde dans un contexte marqué par le Maroc qui, non seulement, regagne sa famille mais tente de consolider son ancrage dans le continent avec son adhésion presque acquise dans la zone CEDEAO ?

Aujourd'hui, nous assistons à un rééquilibrage du centre de gravité de l'économie mondiale qui descend du nord vers le sud. En mon sens, il est tout à fait indéniable que l'Afrique sera le continent du 21ème siècle. Les réelles croissances sont sur le continent malgré les crises qui suscitent. Moi je suis profondément afro-optimiste. Je crois que, grâce à la vision de sa majesté le Roi Mohamed VI très vite tourné vers le continent, le Maroc a aujourd'hui son mot à dire, propose un partenariat gagnant-gagnant, multidimensionnel ou l'humain est au centre de cette vision. L'humain c'est au sens large avec les femmes, les jeunes…et c'est ce qui est extrêmement intéressant. Vous voyez le Maroc initier, lancer et porter d'énormes projets d'infrastructures notamment énergétiques pour ne pas citer le gazoduc Nigéria-Maroc ou l'usine d'engrais lancée en Éthiopie, il y a très peu de pays africains qui peuvent porter ce type de projets. Et je suis fier que le Maroc le fasse.

L'Afrique et les nouveaux décideurs du continent sont complètement décomplexés vis-à-vis de leurs partenaires européens, nord américains, chinois ou autres. Les discussions de font d'égal à égal et à mon avis l'Afrique aussi à tout à gagner de diversifier ses partenariats. Ne plus rester dans un carcan classique dans une relation Afrique-Europe qui aujourd'hui est dépassée. Nous sommes à quelques jours du sommet d'Abidjan. Lors de la création en 2000 du sommet Union africaine – Europe, l'UA n'était pas ce qu'elle est aujourd'hui.

L'Afrique aussi n'est pas ce qu'elle était. L'Europe est en crise institutionnelle, identitaire avec l'émergence du nationalisme et de velléités indépendantistes notamment catalane. Au contraire, vous avez en face une Afrique dynamique, forte de sa croissance, forte de son émergence, une Afrique en pleine ébullition grâce à sa jeunesse, sa démographie. Il y aura deux milliards d'Africains d'ici 2050.

Là aussi, nous assistons à un rééquilibrage et je crois que c'est extrêmement positif et j'espère que ce sommet Union africaine – Europe saura déboucher sur des recommandations et des actions concrètes sachant que l'Afrique ne peut pas continuer à construire un partenariat exclusif avec une région. L'Afrique doit être insérée dans ce monde globalisé en démultipliant les champs de coopération avec l'ensemble des régions qu'elle compte.

Quel devrait être la place de la jeunesse africaine dans ce processus si l'on sait qu'elle est exposée à des phénomènes comme le chômage, l'immigration clandestine, la montée des groupes terroristes…

Aujourd'hui, la moitié de la population africaine a moins de 30 ans. Les décideurs politiques  doivent proposer des solutions à cette jeunesse qui a soif de savoir, de connaissance, de développement. Cette jeunesse aussi en pleine ébullition mais qui, à mon sens, regarde de moins en moins vers le nord. Si elle peut rester en Afrique, elle y restera. Je crois que  l'objectif primordial c'est de faire en sorte que ces jeunes puissent  rester au sein de leurs pays respectifs afin de permettre au continent  d'émerger convenablement. Il y a des success-story et à mon avis iles doivent être démultipliés.

Votre dernier mot ?

Je suis extrêmes fier et honoré de la réussite de cette 10ème édition. Honoré à l'intérêt porté aux MEDays et honoré du fait que ce forum soit devenu un événement incontournable au sein de l'agenda africain.

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