Afrique de l'Ouest: Le Cinéma mobile pour bâtir un soutien communautaire à l'endroit des consommateurs de drogue

analyse

La réflexion en Afrique de l'Ouest sur la réforme de la politique antidrogue se poursuit. L'objectif ultime visé étant la décriminalisation de la consommation et de la possession de la drogue à des fins d'usage personnel.

La question progresse lentement mais sûrement. Différents acteurs mettent en œuvre des stratégies et utilisent des mécanismes diversifiés pour atteindre cet objectif.

Le Sénégal abrite le Centre de prise en charge intégrée des addictions de Dakar (CEPIAD), la seule structure gouvernementale en Afrique de l'Ouest dédiée à la réduction des risques liés aux addictions.

Le CEPIAD fait un travail remarquable en fournissant un soutien psychosocial, des programmes d'échange de seringues et des traitements de substitution aux opiacés pour les usagers aux prises avec ce fléau.

Malgré la présence de ce centre dédié, les efforts des acteurs sénégalais travaillant sur les questions liées à la drogue ne se sont pas encore traduits en avancées sur le plan des réformes.

Si un dialogue de haut niveau sur les réformes est nécessaire, il doit être accompagné d'une concertation à la base.

Après tout, pour initier un mouvement de réformes, le soutien de la communauté concernée au premier chef est indispensable. Dans ce cas précis, la mise en œuvre de réformes n'est pas possible si des efforts de concertation ne sont pas consentis pour faire de l'expérience vécue des usagers le point central.

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C'est fort de ce constat, qu'en août 2016, OSIWA a diffusé, par l'entremise du CEPIAD, un court-métrage sur l'expérience sénégalaise de réduction des effets néfastes des addictions. Pour ce qui est de cette année, l'essentiel des films ont ciblé de hauts responsables politiques et des acteurs régionaux et internationaux de la société civile.

Cependant, il y a eu un changement d'approche suite à la prise de conscience que le film pourrait également être utilisé comme un outil participatif afin de recadrer le discours et d'élargir le dialogue dans les communautés autour de thèmes localement controversés tels que la drogue et sa consommation.

Afin de mener à bien cette mission, OSIWA s'est associée avec l'Association Culture WAW (anciennement connue sous le nom de MobiCINE), une organisation qui vise à ramener l'expérience cinématographique africaine au Sénégal sous la forme de pop-up, autrement dit cinémas mobiles.

Il s'agit de se rendre dans les quartiers et dans les écoles et y projeter des films et des documentaires avec des messages sociaux dans le but de sensibiliser et de mobiliser les communautés autour d'un thème particulier. Le cinéma est généralement une expérience passive, mais les cinémas mobiles apportent un élément participatif et interactif à l'expérience visuelle.

La phase pilote s'est déroulée sur trois jours du 8 au 11 septembre 2017 avec trois projections en plein air dans les localités ciblées à Dakar que sont Les Parcelles Assainies, Grand Dakar et Medina, trois quartiers qui constituent les « points chauds de la drogue».

Vers les coups de 20 heures, une heure de pointe dans ces zones, l'écran était installé et le court-métrage projeté dans un espace ouvert et tout passant intéressé pouvait s'arrêter ou même s'asseoir et regarder.

Après le film, un intervenant du CEPIAD a joué le rôle de modérateur avec les spectateurs venus de divers horizons et composés d'enfants, de personnes âgées, de consommateurs de drogue, de commerçants curieux et autres passants ; tous manifestant un intérêt certain pour le sujet. Pour beaucoup, c'était un sujet qui n'avait jamais été défloré auparavant, surtout en public.

J'avais espoir qu'en diffusant ce message dans un écran en plein air, le film aiderait plutôt à orienter les consommateurs de drogue vers ce centre dédié à la réduction des risques. Cependant, ce qui s'est produit lors de ces trois jours de projection est pour le moins surprenant.

En effet des garçons et filles se sont rassemblés et, par exemple, écoutent attentivement le partage d'expérience d'un homme qui a combattu la dépendance et qui cherche aujourd'hui à dissuader ceux qui seraient tentés de commencer.

Autre temps fort, cette dame âgée qui s'exprimait au sujet de l'expérience de son fils en matière de consommation de drogue tout en affichant son inquiétude vis-à-vis de la hausse de la consommation de stupéfiants chez les adolescents du quartier. Enfin, un usager de la drogue s'est même fait réprimander par d'autres participants quand il a voulu allumer son joint sur place se demandant « où est le problème !? ».

Pour une première phase pilote, la gestion de ce projet m'a permis de voir et de comprendre les avantages de l'approche du cinéma mobile, adoptée par l'Association Culture WAW, au-delà même de l'aspect divertissant de l'activité.

L'événement a offert une tribune à ceux qui n'ont pas toujours l'opportunité d'être entendus sur ces questions. Les histoires et les expériences des citoyens lambda, des voisins et des membres de la famille, qui sont indirectement ou directement touchés par les mauvaises politiques antidrogue ont été partagées.

Avec l'utilisation du cinéma mobile, nous sommes en mesure de rassembler les gens autour d'une vision commune et de promouvoir l'ouverture d'esprit.

Au détour des différents échanges, un changement substantiel dans la façon de percevoir les usagers de la drogue commence à paraitre en même temps qu'un important soutien communautaire autour des droits des consommateurs de drogue au Sénégal se construit.

Dans la deuxième phase de ce projet, ce même procédé de diffusion du film via le cinéma mobile sera exploré dans les écoles où nous ciblerons directement les lycéens.

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