Kigali — "Au moment où les systèmes commerciaux mondiaux semblent si incertains, il devient évident de privilégier les opportunités sur notre continent", a déclaré Vera Songwe, la Secrétaire exécutive de la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA).
Elle s'exprimait lors de la 18ème session extraordinaire du Conseil exécutif de l'Union africaine, qui se déroulait le 19 mars à Kigali. Elle a souligné que la signature et la mise en œuvre de la zone de libre-échange continentale devraient permettre de protéger l'Afrique contre les menaces économiques mondiales croissantes et affirmer son importance en tant que puissance économique sur la scène mondiale.
Le Conseil exécutif est chargé d'examiner les projets de décisions et de déclarations sur l'AfCFTA qui seront soumis à la signature des chefs d'Etat africains le 21 mars.
L'Afrique "ne sera pas épargnée" par la "vague de protectionnisme et d'anti-mondialisation" qui touche le monde développé, a déclaré Mme Songwe, citant l'exemple des Etats-Unis qui ont récemment annoncé des augmentations des tarifs sur les importations d'acier et d'aluminium. Or le continent africain exporte actuellement 800 millions de dollars d'acier et d'aluminium vers les Etats-Unis.
La Secrétaire exécutive a également noté que les Etats-Unis ont menacé de révoquer les préférences de l'AGOA pour plusieurs pays d'Afrique de l'Est, pour un montant d'environ 450 millions de dollars, si la sous-région ne renonce pas à son plan d'industrialisation qui vise à réduire l'importation de vêtements d'occasion.
Ces orientations, auxquelles s'ajoute la décision britannique de sortir de l'Union Européenne en 2016, portent atteinte à la confiance dans les processus d'intégration régionale, a déclaré Mme Songwe, ajoutant que "l'AfCFTA peut aider l'Afrique à surmonter ces défis".
Pour la chef de la CEA, l'AfCFTA est bien plus qu'une opportunité commerciale pour l'Afrique. C'est également l'occasion de renverser la tendance à laisser « nos jeunes sous-employés, sans tirer pleinement partie de leurs potentialités, alors que parallèlement nos exportations vers les pays hors du continent sont dominées par des biens à forte intensité de capital».
L'AfCFTA constitue aussi une opportunité pour les femmes qui représentent plus des deux tiers des personnes occupées dans le commerce transfrontalier informel sur le continent et qui «font actuellement face à des défis et des risques considérables, harcèlements et abus », du fait qu'elles exercent principalement via des réseaux informels.
« L'AfCFTA simplifiera le commerce transfrontalier et créera un environnement plus favorable pour les commerçants en Afrique», a affirmé Mme Songwe.
S'exprimant aussi lors de la réunion, le président de la Commission de l'Union Africaine, Moussa Faki Mahamat, a déclaré au Conseil : « Nous sommes à la veille d'une décision historique. Je voudrais vous demander d'utiliser votre intelligence et de mobiliser toutes vos ressources politiques et diplomatiques » pour mener à bien l'AfCFTA.
Pour sa part, la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, qui préside le Conseil, a souligné l'importance pour les Etats membres de mettre en œuvre l'AfCFTA qui pourra « nous armer afin d'améliorer nos structures sociales et améliorer les conditions de vie de tous».
En conclusion, Mme Songwe a félicité les membres du Conseil ; le Commissaire au commerce et à l'industrie de l'UA ; ainsi que les autres parties prenantes pour leur « engagement profond » vis-à-vis de l'AfCFTA.
« Cela prouve au monde que là où leur foi vacille, l'Afrique n'a pas perdu sa foi en l'intégration régionale et l'avenir de notre continent», a-t-elle déclaré.
Cependant, Mme Songwe a averti qu'au-delà des progrès réalisés jusqu'à présent, des étapes critiques restent à franchir.
« Nous devons élaborer les agendas nationaux pour la réduction tarifaire dans le commerce des marchandises et des services prioritaires ; compléter l'annexe sur les règles d'origine ; et par-dessus tout, nous devons veiller à ce que l'accord soit ratifié dans le cadre de nos processus nationaux respectifs».
Elle a confirmé que la CEA serait prête à fournir le soutien nécessaire aux gouvernements africains pour faire de l'AfCFTA une réalité, ajoutant que « c'est la voie à suivre si nous voulons nous industrialiser, diversifier notre économie et créer les emplois nécessaires pour nos jeunes».