Les Etats africains vont renoncer à une partie de leur souveraineté en signant la Zone de libre-échange continentale africaine (Zleca). Le constat est fait par le président du Niger, Mahamadou Issoufou, chargé de piloter le processus de négociation de la ZLECA. Il l'a fait savoir lors de l'ouverture officielle, ce lundi 14 mai à Addis Abeba, de la 51ème session des Ministres africains des Finances, de la Planification et du développement économique de la Commission économique pour l'Afrique (Cea).
(Envoyé Spécial) – La Zone de libre-échange continentale africaine (Zleca) va régler un problème essentiel qui a toujours constitué un blocage dans les échanges entre pays africains notamment la souveraineté nationale que les dirigeants africains gardent jalousement.
Le président du Niger, Mouhamadou Issoufou avise qu'en signant cet accord et ses protocoles, les Etats renoncent implicitement à une partie de leur souveraineté nationale.
Il l'a fait savoir dans une vidéo diffusée lors de l'ouverture officielle des travaux de la 51ème session des Ministres africains des Finances, de la Planification et du développement économique de la Commission économique pour l'Afrique (Cea).
La précision du président nigérien est de taille à partir du moment où la ZLECA est un engagement de l'ensemble des Etats membres de l'Union africaine pour créer un grand marché africain et permettre la libre circulation des biens, des services et des personnes sur le continent avec une suppression totale de toutes les barrières tarifaires.
Chargé de conduire le processus de négociation de la ZLECA, M. Issoufou juge nécessaire cet engagement en se demandant ainsi ce que représente la perte de la souveraineté nationale devant la perspective heureuse d'un bénéficie global de la création d'une Afrique intégrée, prospère et paisible sur la conduite de ses propres citoyens et représentant une force dynamique dans le système international tel qu'il est envisagé dans l'agenda 2063 de l'Union africaine
Pour lui, l'Afrique est un continent trop balkanisé sur près de 84 mille kilomètres de frontières avec des obstacles tarifaires et non tarifaires qui limitent les échanges entre les Etats du continent.
Il a mis en exergue ces contraintes et invite à un changement de paradigme afin de réaliser les ambitions de développement.
C'est dans cette dynamique que le Premier ministre de la République fédérale démocratique d'Ethiopie, M. Abiy Ahmed a invité les Etats afin d'initier des politiques agressives pour amener les jeunes et les femmes à jouer pleinement leur rôle dans ce processus.
Pour lui, le moment est venu de se passer des énergies négatives et accélérer les choses pour une entrée en vigueur rapide de la ZLECA.
Il estime qu'avec cette initiative de libre échange, les acteurs doivent imaginer ce que sera l'Afrique en 2030 et 2063 et utiliser tous leurs talents pour un continent productif.
Pour le Secrétaire général adjoint des Nations Unies, Mme Vera Songwe, par ailleurs, Secrétaire exécutif de la CEA, il s'agit du panafricanisme économique de l'Afrique et personne ne doit être laissée en rade. Elle invite les acteurs à continuer la lutte pour une indépendance économique de l'Afrique.
Le vice-président de la Commission de l'Union africaine, M. Thomas Kwesi Quartey, pour sa part, pense qu'il s'agit de profiter d'un marché d'un milliard de consommateurs, passer de 55 économies fragmentées à un marché de trois milliards de PIB par an et trois millions de dollars de consommation.
Dans cette dynamique, M. Donald P. Kaberuka, économiste et ancien Président de la Banque africaine de développement (Bad) fait remarque qu'au cours des 30 prochaines années, en raison d'une augmentation de la démographie, l'implication d'un point de vue financier sera une contrainte fiscale sur les dépenses d'éducation, d'infrastructure et de logement. « Nous devons croître de manière durable sans créer de crise financière », a-t-il estimé.
Ce qui fait dire à M. Amadou Ba, Ministre de l'Economie et des Finances du Sénégal que « nous devons assurer une coopération à travers le continent pour mettre l'Afrique sur la voie de l'émergence économique en menant une lutte acharnée contre la corruption ».
Venu partager l'expérience de l'Irlande qui est cité comme un exemple de réussite, M. Philip Lane, gouverneur de la Centrale de ce pays estime que « le libre-échange n'est pas suffisant. Il faudra que les Etats africains mettent en œuvre des politiques efficaces qui permettent le développement d'un secteur privé fort et des entreprises prospères ».
Le Professeur titulaire de politique commerciale à la Cornell University et Maître de recherche à la Brookings Institution, M. Eswar Prasad souligne que « parmi les exigences de base pour établir une zone de libre-échange il y a une bonne intégration régionale, un cadre réglementaire uniforme, des politiques macroéconomiques stables, en particulier des politiques budgétaires ».
Pour rappel, la ZLECA se veut comme une source d'opportunités énormes pour les Etats membres, les citoyens de l'union, les entreprises africaines, les investisseurs étrangers, le marché financier et les autres marchés du monde.
A cet effet, M. Issoufou annonce une vaste campagne de communication afin que tous les citoyens africains s'approprient de la ZLECA et prennent conscience de ses avantages.
A cela, il fait savoir que la deuxième phase des négociations prévue au mois de novembre prochain sera engagée en vue d'adopter les protocoles sur les investissements, celui sur la concurrence et celui sur la propriété intellectuelle.
Pour lui, les pays africains doivent ratifier dans les meilleurs délais cet accord et ces protocoles afin d'accélérer leur entrée en vigueur du moment qu'avec la ZLECA, l'Afrique est en train de poser les jalons historiques dans sa marche vers le progrès économique et social de ses populations. « Sa marginalisation actuelle dans le commerce mondial avec un poids de 2% touche à sa fin », s'est-il réjoui.