Addis-Abeba, Éthiopie, le 13 mai 2018: Des experts ont demandé aux États d’unir leurs forces pour lutter contre les mouvements illicites de capitaux internationaux, alors qu’il a été révélé que ces flux d’argent en provenance d’Afrique entravaient les progrès du développement sur le continent.
Lors d’une discussion de haut niveau qui s’est tenue à la Conférence des ministres de la Commission économique pour l’Afrique (CEA) de l’ONU, Abdalla Hamdok, le secrétaire exécutif adjoint de l’organisation, a indiqué que l’argent transféré illégalement entre les pays et l’évasion fiscale représentaient aujourd’hui une perte de 100 milliards $ par an pour les États africains. « Je pense que personne ne remet en cause la gravité de la situation. Il s’agit de savoir comment y mettre fin », a-t-il expliqué. « C’est un problème africain. L’unique façon de le résoudre est de collaborer avec nos partenaires ».
Dr. Nara Monkam, directrice de la Recherche au Forum africain sur l’administration fiscale, a mis en lumière la destination des fonds et le profil des personnes impliquées dans le transfert des fonds : « Certaines multinationales utilisent l’évasion fiscale, les fausses factures et des transferts de bénéfices abusifs », a-t-elle affirmé. Selon la directrice, la coopération internationale au niveau continental est nécessaire pour lutter contre ces pratiques. En outre, compte tenu du fait que les flux financiers illicite impliquent des acteurs du monde entier, et que les lois et réglementations des États non africains ont des répercussions sérieuses sur ces flux en provenance d’Afrique, il est devenu urgent de revoir la pertinence des cadres internationaux de lutte contre les flux financiers illicites. Dr Monkam a ajouté que des financements étaient nécessaires pour renforcer l’assistance technique sur les questions fiscales et améliorer les administrations fiscales.
Akingbolahan Adeniran, conseiller juridique du vice-président du Nigeria, a appelé à davantage de mobilisation pour obtenir le retour des fonds illicites. « Sur le plan national, recevoir de l’argent volé est un délit. Pourquoi recevoir de l’argent d’un autre pays n’est pas un délit ? » a-t-il lancé. Outre la perte de revenus pour les États concernés, les mouvements d’argent ont d’autres effets négatifs : ils minent les efforts pour une meilleure gouvernance, contribuent à la dégradation de l’environnement, déséquilibrent la répartition des revenus, renforcent les inégalités et exacerbent les conflits, en particulier dans les pays riches en ressources.
La participation des gouvernements a été jugée cruciale. Le Professeur Annet Wanyana Oguttu, experte en droit fiscal à l’Université d’Afrique du Sud, a exhorté les gouvernements à lutter contre les flux financiers illicites. « Cela est une question de volonté politique », a-t-elle affirmé. « De nombreux pays se sont montrés réticents ».
L’événement a été l’occasion de lancer deux publications de la CEA : A Study on the Global Governance Architecture for Combating Illicit Financial Flows et Base Erosion and Profit Shifting in Africa: Reforms to Facilitate Improved Taxation of Multinational Enterprises. Lors de l’événement, Abdalla Hamdok a remercié l’État norvégien d’avoir financé le débat de haut niveau de la CEA sur les flux financiers illicites en provenance d’Afrique, présidé par l’ancien Président sud-africain Thabo Mbeki. Il a souligné le fait que le pays représentait un « partenaire extrêmement progressiste ». Les pays africains se sont engagés à lutter contre l’argent illicite dans le cadre du point 16.4 des Objectifs de développement durable de l’ONU et de la Déclaration spéciale de l’Assemblée de l’Union africaine sur les flux financiers illicites de 2015.