Addis-Abeba, Éthiopie — Une conférence de deux jours sur « Le commerce numérique en Afrique : implications pour l'inclusion et les droits de l'homme » a débuté ce jeudi, à Addis-Abeba, par une table ronde discutant de l'importance des technologies numériques dans la promotion du commerce et du développement de l'Afrique.
Vera Songwe, Secrétaire exécutive, le Commissaire à l'économie pour l'Afrique, le Secrétaire général de la CNUCED, Mukhisa Kituyi, l'ancien Secrétaire exécutif de la CEA, Carlos Lopes et Amani Abou-Zeid, Commissaire aux infrastructures et à l'énergie, à la Commission de l'Union africaine composaient les panélistes.
Mme Songwe, saluant le Kenya qui mène le continent en termes de pénétration d'Internet, ajoute qu'il reste encore beaucoup à faire en Afrique, si le commerce numérique doit faire la différence.
« Pour que le commerce numérique soit significatif, nous devons élargir l'accès à Internet, le rendre abordable, fiable et rapide. De nombreux pays, en particulier nos pays enclavés, ont encore une connectivité très limitée », déclare-t-elle.
Elle dit que la partie du débat sur l'économie numérique consacrée aux droits de l'homme est importante et doit être davantage discutée sur le continent. Mme Songwe prévient qu'une intervention accrue du gouvernement peut tuer l'innovation.
« La numérisation consiste essentiellement à posséder une identité qui est un droit humain fondamental. Avec une identité numérique portable, la question de l'identité peut être résolue pour les migrants », indique-t-elle.
Le Chef de la CEA faisant allusion à l'espace numérique croissant de l'Inde, dit que cela a ouvert de vastes opportunités économiques pour ses citoyens et que l'Afrique peut apprendre d'elle.
« L'Inde dans le cadre du programme Adhaar connait la plus grande révolution numérique avec 1,1 milliard d'Indiens inscrits et 300 millions de personnes vérifiant leurs cartes d'identité chaque jour pour des transactions. L'Afrique peut faire de même », informe Mme Songwe.
L'industrie de l'Internet des objets en Inde atteindra les 15 milliards de dollars d'ici 2020 avec des infrastructures numériques créant d'énormes opportunités pour les acteurs technologiques et dans des applications clés telles que des villes intelligentes, des services publics intelligents, des soins de santé intelligents, un transport intelligent...
« C'est un espace qui croît à pas de géant et, en tant que continent, nous devons en faire partie », fait savoir Mme Songwe.
« Quand nous commençons à parler de systèmes numériques et de ce que nous devons faire, alors la question qui est de savoir dans quelle mesure l'Afrique est équipée pour entrer dans l'ère numérique. Nous avons des téléphones et des systèmes de paiement, mais je pense que nous devons passer au niveau supérieur. Il y a beaucoup plus de travail à faire ».
Elle fait allusion également aux systèmes de gouvernance, à la responsabilité partagée pour le réseau à large bande, à la sécurité sur Internet et l'utilisation des informations, à l'inscription civile et à l'inclusion financière pour ceux qui sont au bas de l'échelle.
État de préparation
M. Lopes, qui est actuellement Professeur invité à l'Université du Cap, dit que les pays africains doivent se préparer à une économie numérique où il sera difficile et délicat de s'y adapter.
Il affirme que les avantages existent et sont cependant, immenses.
Par exemple, déclare M. Lopes, l'explosion de la jeunesse a été bénéfique pour l'Afrique alors que les populations de l'Ouest et des pays comme le Japon diminueront au cours des 20 prochaines années.
L'Afrique dépositaire de sa jeunesse s'adaptera rapidement, ce qui représente un énorme avantage pour le continent à mesure que les pays naviguent dans l'économie numérique, ajoute-t-il.
« Nous devons donc dire à nos décideurs politiques qu'ils doivent faire vite parce que les opportunités se font de plus en plus rares ».
Mme Abou-Zeid informe que la Commission de l'Union africaine travaille beaucoup avec ses partenaires, y compris la CEA, pour préparer les pays africains à la réglementation et au traitement des questions d'économie numérique.
« Nous nous faisons à l'idée que cette économie numérique sera un égalisateur ; encouragera les tendances démocratiques dans nos pays et veillera à combler le fossé entre les zones rurales et les zones urbaines, en particulier en veillant à ce que les filles et les femmes aient accès à l'économie numérique », affirme Mme Abou-Zeid.
Pour sa part, M. Kituyi avoue qu'il faut une plus grande volonté politique sur le continent pour adopter le commerce électronique. Il dit que parfois, certains gouvernements sur le continent sont défaitistes et disent que le commerce électronique est trop avancé et qu'ils n'y parviendront pas.
« On n'insistera jamais trop sur l'importance du pouvoir de transformation de la numérisation. Nous devons rêver et nos gouvernements doivent réagir et devenir réactifs », mentionne M. Kituyi.
La conférence offre une plate-forme aux parties prenantes afin qu'ils partagent et réfléchissent sur les implications importantes du commerce numérique en Afrique en matière d'inclusion et de droits humains.
La conférence était coorganisée par le Centre africain pour la politique commerciale (CAPC) de la CEA, le Bureau régional du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme pour l'Afrique de l'Est (HCDH) et le Bureau de Genève de la Friedrich-Ebert-Stiftung (FES).