L'intitulé volontairement provocateur de cette tribune va très certainement en faire bondir plus d'un et à plus d'un titre. D'abord parce que certains, notamment dans la corporation symbolisée par la figure de Thémis, prendront la comparaison comme une insulte, ensuite parce que la déesse grecque aux yeux bandés étant le symbole par excellence de l'impartialité, toute réflexion critique sur la justice constituerait aux yeux de certains, un crime de lèse-majesté. Or, la justice, instance critique par essence, de débat et d'argumentation, ne saurait se soustraire à ses propres procédures.
Les récents développements judiciaires dans l'affaire Khalifa Sall et le décret de révocation qui s'en est suivi, mais également les péripéties judiciaires des affaires Karim Wade, Imam Alune Badara Ndao, et bien d'autres, ne manquent pas d'interpeller le citoyen que nous sommes, sur une question qui nous semble fondamentale pour le devenir de notre pays : à quoi sert la justice ? Or, cette interrogation pose nécessairement la question du rapport de la justice au politique. Bien entendu, l'idée d'indépendance judiciaire, décrétée de manière incantatoire comme un principe gravé dans le marbre, ne peut que se porter en faux contre une association entre « justice » et « politique », principal argument des dénonciateurs d'une collusion entre les deux instances. L'idée répandue d'une justice neutre est fallacieuse et trompeuse pour la bonne et simple raison que le droit ne relève pas de l'immaculée conception ; il est produit par les hommes, qui décident d'y mettre le contenu qu'ils veulent.
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