N'djamena — CEA www.uneca.org/fr/sro-ca) - De l'avis des experts de la sous-région, de faibles charges fiscales, des conditions prohibitives d'accès aux prêts, de faibles taux d'épargne nationaux, une dette publique insoutenable, des canaux de financement restrictifs, des indices de perception politique négatifs et des environnements des affaires difficiles sont autant de facteurs qui limitent les flux de trésorerie nécessaires au financement durable de projets industriels en Afrique centrale.
Dans le cadre de la 34ème session du Comité intergouvernemental d'experts (CIE) de l'Afrique centrale, ces experts, dont des planificateurs nationaux, des économistes chevronnés et autres spécialistes et acteurs du développement, sont réunis dans la capitale tchadienne, N'Djamena, où ils ont entamé des débats intenses sur les moyens de financement de l'industrialisation pour un développement durable dans la sous-région. Le CIE est l'organe de supervision des travaux du Bureau sous-régional pour l'Afrique centrale de la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA).
La session de N'Djamena intervient à un moment où «la majorité des économies de notre sous-région suivent des programmes d'ajustement structurel en raison de la chute des prix des matières premières qui a débuté en 2014, ce qui ne laisse qu'une faible marge budgétaire pour des investissements à long terme nécessaires pour nos efforts d'industrialisation», a rappelé le Secrétaire d'État à l'Économie et à la Planification du Tchad, M. Hissein Tahir Souguimi.
La situation est désastreuse et appelle à une attention particulière et des mesures énergiques, étant donné que «nos systèmes financiers sont encore peu développés et incapables de répondre aux besoins d'industrialisation du secteur privé; nous manquons de financement pour nos infrastructures de transport, pour l'accès à une énergie peu coûteuse et pour notre développement technologique », M. Souguimi a souligné.
Fonds dormants - où sont les preneurs?
Sur la base d'une étude approfondie menée par la CEA, les participants ont appris que l'actif financier en Afrique centrale ne représente que 16,7% du PIB de la sous-région, bien en dessous de la moyenne de l'Afrique subsaharienne (57%). Mais, chose surprenante, la sous-région laisse dormir environ 400 milliards de dollars américains (15% du PIB de l'Afrique) dans des fonds de pension et de sécurité sociale du continent.
«Toutefois, la bonne nouvelle c'est que les sources de financement innovantes ont fait leur preuve ailleurs» et peuvent être adaptées au contexte de l'Afrique centrale, M. Antonio Pedro, Chef du Bureau de la CEA pour l'Afrique centrale, a déclaré lors de la réunion.
« Parmi ces financements, on peut citer entre autres la création de fonds de garantie bien ciblés pour les PME, le recours aux importantes bourses d'investisseurs institutionnels pour la création de fonds de dépôt et d'investissement capables de financer des projets à fort impact sur le développement», a-t-il ajouté.
Il a toutefois mis en garde sur le fait que la mobilisation des fonds pour l'industrialisation ne consiste pas seulement à rechercher des financements. Cela nécessite des investissements aux niveaux macro et micro en vue d'améliorer les infrastructures matérielles et non matérielles pertinentes, notamment garantir la qualité des cadres juridiques et réglementaires et résoudre les autres défaillances du marché et contraintes qui affectent la compétitivité des entreprises.
Vers de meilleurs écosystèmes financiers
Dans le cadre d'un débat de haut niveau coordonné par la personnalité des médias Marie Roger Biloa, les experts ont décortiqué les problèmes liés au financement durable des projets industriels en Afrique centrale.
Selon la vice-présidente de la Commission de la CEMAC, Mme Fatima Acyl, «nous ne devons pas attendre que toutes les conditions soient réunies avant de nous mettre à l'œuvre pour le financement de l'industrialisation - les pays de la sous-région doivent mettre leurs ressources en commun pour trouver des solutions».
Dr. Isaac Tamba, Directeur général de l'économie au Cameroun, a déclaré que le gouvernement de son pays apporte par exemple un financement substantiel à de nouvelles initiatives bancables visant la transformation du café, du coton, du bois, du cuir et d'autres produits. Il a néanmoins reconnu que davantage d'efforts doivent être faits pour acquérir des équipements industriels plus rentables permettant de répartir la charge fiscale entre plusieurs entités industrielles.
Dr. Rafael Nsue Tung, Conseiller du Président de la Guinée équatoriale, a souligné qu'en raison des ressources limitées des banques de développement de la sous-région, il est nécessaire d'avoir des systèmes plus ouverts et transparents afin de mobiliser des liquidités à travers des instruments comme les titres de créance, car l'opinion publique doit faire confiance au système pour pouvoir y investir. Il a déclaré que les prêts publics doivent être pertinents et contribuer à l'atteinte des objectifs de développement, d'où la nécessité de vérifier les engagements pris par les gouvernements lorsqu'ils empruntent des fonds pour le compte des pays dans le but de financer l'industrialisation.
Par ailleurs, Dr Dominique Njinkeu - ancien facilitateur des échanges à la Banque mondiale (qui désormais négocie des transactions pour le compte d'un fonds d'investissement privé) a fait valoir qu'il était nécessaire de créer des programmes visant à renforcer les capacités des opérateurs économiques et les soutenir dans la recherche d'instruments financiers indisponibles dans la sous-région.
À mesure que les travaux de la session du CIE s'intensifieront, les participants continueront d'établir le lien entre la question centrale du financement de l'industrialisation, le financement des infrastructures et l'idée de tirer parti des ressources de la sous-région de l'Afrique centrale pour sa propre révolution industrielle.