Afrique: L'élimination des maladies tropicales négligées est enfin à portée de main

* Dr. Matshidiso Moeti, Directrice régional de l'OMS pour la Région africaine, recevant le Prix du partenariat innovant pour la couverture universelle en matière de santé du Dr. Tedros Ghebreyesus, Directeur général de l'OMS. *

Au cours des six dernières années, nous avons assisté à un effort international extraordinaire pour éliminer les maladies tropicales négligées (MTN). Ces maladies dangereuses et dévastatrices menacent la vie et le bien-être de plus de 1,5 milliard de personnes.

Les MTN méritent leur nom car, elles ont reçu très peu d’attention dans le passé. Malgré des décennies de négligence, nous avons récemment constaté des progrès importants dans la lutte contre ces maladies grâce aux efforts coordonnés d’une coalition impressionnante d’organisations philanthropiques, de pays donateurs, des gouvernements et des entreprises privées.

Ces efforts se sont consolidés avec la signature de la Déclaration de Londres en janvier 2012, lorsque les parties prenantes se sont engagées à éliminer dix MTN d’ici janvier 2020. Les entreprises pharmaceutiques ont ensuite versé l’équivalent de plus de 17,8 milliards de dollars américains en dons de médicaments. En mai 2016, le Bureau Régional de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour l’Afrique, a créé le Projet Spécial Élargi pour l’Élimination des Maladies Tropicales Négligées (ESPEN) dans le but de coordonner les actions des pays touchés par les MTN et ainsi, d’accélérer l’élimination d’ici 2020.

L’Afrique supporte près de 40% du fardeau mondial des MTN. Cinq de ces maladies peuvent être guéries et empêchées par la médecine préventive (chimiothérapie préventive ou PC). Au total, 44 pays africains sont endémiques pour au moins une MTN et 42 pays pour au moins deux de ces maladies. Ces pathologies dangereuses et dévastatrices entraînent de graves défigurations et d’autres handicaps à long terme. Elles réduisent l’espérance de vie des personnes, créent des obstacles à l’éducation, à l’emploi et ont un impact négatif sur la croissance économique.

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Le partenariat ESPEN fournit un cadre de coordination solide pour les partenaires et a permis d’obtenir des résultats remarquables au cours deux dernières années. Grâce à cette action coordonnée, nous travaillons, d’une part à combler les lacunes et à atteindre tous ceux qui n’ont pas encore été atteints par les campagnes d’administration de masse de médicaments et, d’autre part à améliorer la gestion de la chaîne d’approvisionnement pour assurer que tous les comprimés reçus atteignent les enfants et les familles qui en ont besoin. ESPEN a travaillé en étroite collaboration avec les Ministères de la Santé des pays touchés par les MTN afin d’élaborer leurs plans d’action annuels nationaux visant à mieux exploiter les médicaments reçus, à intensifier les traitements et enfin, à améliorer la gestion des programmes.

Des progrès impressionnants sont réalisés en Afrique subsaharienne. L’année dernière, le Togo a éliminé la filariose lymphatique en tant que problème de santé publique et, en mai 2018 le Ghana en a fait de même avec le trachome. A travers le continent, les personnels de santé, partenaires et agents de santé communautaires continuent de se rassembler pour aider et protéger les populations les plus vulnérables de nos communautés, nous permettant ainsi de pouvoir franchir des étapes similaires dans d’autres pays d’Afrique. Des progrès sont également en train d’être réalisés dans la gestion des personnes touchées par ces MTN. En février 2018, le Kenya est devenu le 41ième pays sur les 47 États membres de la Région africaine à être certifié exempt de la maladie du ver de Guinée. La lèpre est en train d’être éliminée en tant que problème de santé publique et la trypanosomiase humaine africaine progresse vers l’élimination.

Reconnaissant le rôle essentiel que joue le partenariat ESPEN dans la réduction de la prévalence des maladies tropicales négligées et l'amélioration des systèmes de santé publique en Afrique, le gouvernement des États-Unis vient d'annoncer une contribution de 4 millions de dollars à l’initiative. Néanmoins, malgré une reconnaissance et une assistance économique accrues de la part des pays, des partenaires techniques et financiers et des sociétés du monde entier, ces entités, et en particulier les pays africains, doivent non seulement maintenir leur engagement à lutter contre les MTN, mais aussi accroître leurs investissements.

Pour chaque dollar investi dans lutte contre les MTN, nous obtenons des retombées économiques en Afrique allant de 27 à 42 dollars. Si nous arrivons à atteindre notre objectif d’élimination des MTN d’ici 2020, l’Afrique sub-Saharienne pourrait économiser près de 52 milliards de dollars américains en termes de productivité au cours de la prochaine décennie. D’ici 2030, nous pourrions générer des gains de productivité estimés à 565 milliards de dollars américains dans le monde. Il ne fait aucun doute que l’investissement dans la prévention et le traitement des MTN est l’un des meilleurs choix en matière de santé publique.

Enfin, il faut souligner que l’atteinte des objectifs de développement durable (ODD) ne pourra se réaliser tant que les MTN ne seront pas éliminer. Notre travail pour lutter contre ces maladies, qui touchent les plus pauvres et les plus vulnérables d'entre nous tout comme ceux qui ont le moins accès à des installations sanitaires et des soins de santé, est essentiel pour réduire la pauvreté, mettre fin à la malnutrition et améliorer l’égalité des sexes. En effet, l'ODD 3 désigne spécifiquement les MTN comme cible d'élimination d'ici 2030.

Aujourd’hui, nous devons non seulement célébrer les progrès impressionnants que nous avons accomplis jusqu’ici en si peu de temps, mais nous devons en tirer parti. Nous devons aller de l'avant avec des mesures telles que la chimiothérapie préventive dans les communautés les plus à risque. Nous devons veiller à ce que tout le monde ait un accès précoce à des traitements et à des soins, car personne ne devrait souffrir inutilement de maladies hautement évitables et traitables. Avec plus de 1,5 milliard de personnes encore dans le besoin, dont environ 600 millions en Afrique, ce n'est pas le moment de ralentir. Il est plutôt temps d’intensifier nos efforts et de profiter de cette occasion pour éliminer les MTN une fois pour toutes. Il s’agirait d’un héritage historique de notre génération.

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