Des peintres et designers du monde entier repensent la poupée russe traditionnelle pour promouvoir les réussites historiques des expositions universelles
Deux très importantes dames russes ont visité l'Afrique du Sud ce mois-ci, mais aucune d'elles n'a prononcé un seul mot durant tout leur voyage. Bien sûr, on parle des fameuses poupées matriochkas, exposées dans le cadre d'une campagne artistique lancée en soutien à la candidature russe à l'Exposition universelle de 2025.
Vingt poupées russes uniques, à taille humaine, ont été exposées dans dix villes : Barcelone, Bruxelles, Paris, Milan, Dubaï, Shanghaï, Berlin, Buenos Aires, Londres et Le Cap, pour célébrer les prouesses qui jalonnent la longue histoire de cette prestigieuse manifestation.
Normalement, la matriochka est une série de poupées de taille décroissante, placées les unes à l'intérieur des autres, représentant des femmes arborant des robes traditionnelles slaves. Elles sont devenues parmi les objets les plus emblématiques de la culture russe.
Pourtant, contrairement à une idée reçue, le concept du jouet ne remonte pas au Moyen-âge, mais est né d'un projet artistique à la fin du XIXe siècle. En fait, c'est justement à l'Exposition universelle de 1900 à Paris que la poupée a commencé à se tailler une réputation mondiale. L'œuvre d'art, revisitant des sujets folkloriques avec brio et originalité, a reçu un accueil extrêmement enthousiaste : elle a raflé la médaille d'Or de l'Exposition et est aussitôt devenue l'un des principaux symboles culturels russes.
Elles ont par la suite fait leur grand retour en 1970 à l'Expo de Tokyo où la plus grande matriochka exposée contenait une série de 72 (!) poupées.
Aujourd'hui, la matriochka représente une vaste gamme d'idées et de concepts positifs, ce qui fait écho à la mission de l'Expo internationale. C'est sans doute cette polyvalence, en même temps fortement ancrée dans la culture russe, qui a déterminé sa place au cœur de cette campagne.
Des artistes du monde entier ont développé des designs uniques pour leurs matriochkas, chaque pièce développant un thème distinct et son propre style. L'idée de la campagne est de placer deux poupées dans chacune des 10 villes, une peinte par un designer russe et une autre par une célébrité locale.
Les artistes, dont les œuvres ont été exposées au Cap, par exemple, ont accompli un travail exceptionnel pour singulariser chaque poupée. La matriochka décorée par l'artiste russe Andreï Karpov reflète clairement les figures de l'original, telles que la famille et la tradition, tout en parvenant à attirer l'attention et à susciter l'émotion par une compilation de scènes couvrant la poupée de tous côtés. L'autre poupée, peinte par le grand artiste local Claude Chandler, est réalisée dans son style propre. Il a utilisé des tampons de mousse qu'il a lui-même fabriqués pour produire un effet similaire à la pixellisation, mais avec des mots à la place des pixels.
Les poupées font passer leur message à travers la technologie de la réalité augmentée qui, au-delà d'être plus interactive que des médias traditionnels, représente un mélange parfait entre la tradition et la technologie. N'importe quel utilisateur de smartphone pourra le découvrir en téléchargeant l'appli consacrée à l'Expo et en dirigeant sa caméra vers la poupée. Il pourra ainsi découvrir les 18 merveilles que l'Exposition universelle a apportées au monde. Celles-ci comprennent non seulement des inventions et des technologies, mais également des objets culturels, comme L'Ouvrier et la Kolkhozienne brandissant le marteau et la faucille qui symbolisent le peuple de l'Union soviétique.
Après un séjour dans leurs villes respectives, les poupées se rassembleront toutes à Paris devant l'Assemblé générale du Bureau international des expositions, qui votera le 23 novembre pour la ville hôte de l'Expo 2025. Cependant, elles continuent à familiariser les gens du monde entier avec les merveilles technologiques et culturelles associées à l'histoire des Expositions. Cela comprend notamment des objets qui sont rentrés dans nos habitudes de vie, comme le téléphone ou le rayon X, tandis que d'autres ont changé le visage des villes, comme ce fut le cas de la tour Eiffel érigée à Paris pour l'Exposition de 1889 ou la fameuse grande roue Ferris à Londres, dont le design est très lié à l'événement.
Au vu du nombre d'éléments produits par la Russie présentés dans ce projet en réalité augmentée, la solidité de la présence russe à l'Expo et son rôle majeur dans l'événement deviennent flagrants. Il n'est donc pas surprenant que la Russie soit désireuse d'accueillir l'Expo dans l'une de ses villes. Ayant déjà fait la preuve de sa remarquable hospitalité pour des événements internationaux, la Russie devrait recevoir avec cette campagne la reconnaissance nécessaire pour atteindre son but.