Sénégal: Lutte contre les Maladies Tropicales Négligées- Les parties prenantes s'engagent

Atelier National d’Engagement des parties prenantes de la lutte contre les Maladies Tropicales Négligées (Mtn) qui s’est tenu du 09 au 11 janvier 2019 à Thiès, Sénégal
7 Février 2019

Les acteurs impliqués dans la lutte contre les Maladies tropicales négligées (MTN) au Sénégal sont résolument engagés à barrer la route à ce fléau qui, au fil des ans, est devenu un problème de santé publique. Au terme d’un conclave de trois jours tenu du 9 au 11 janvier 2019 à Thiès, sous l’impulsion du Ministère de la Santé et de l’Action Sociale, en collaboration avec l’ONG Speak Up Africa, ils ont décidé d’atteindre les objectifs clairement définis dans le cadre du Plan national stratégique de lutte intégrée (PSN) 2016-2020 mis en place par le ministre de tutelle. Une ambition réalisable mais à condition de surmonter plusieurs points de blocage et particulièrement le déficit du financement de la santé, la faible implication des Organisations non gouvernementales (Ong), entre autres.

Les parties prenantes impliquées dans la Lutte contre les Maladies Tropicales Négligées (Mtn) ont réitéré les engagements pris par le Sénégal à travers son Plan national stratégique de lutte intégrée (PSN) 2016-2020.

C’était au terme de l’Atelier National d’Engagement des parties prenantes de la lutte contre les Maladies Tropicales Négligées (Mtn) qui s’est tenu du 09 au 11 janvier 2019 à Thiès.

Des engagements nationaux destinés à éliminer le trachome cécitant, la filariose lymphatique et l’onchocercose d’ici 2020.

Mais aussi de contrôler les schistosomiases et les géo helminthiases en mettant l’accent sur les approches préventives, communautaires et les soins de base.

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Pour parvenir à circonscrire ces maladies transmissibles jadis pas très bien prises en compte dans nos politiques de santé, les acteurs ont ainsi mis le curseur sur l’importance de l’engagement des décideurs politiques, du secteur privé et des membres de la société civile.

Dans leur nouvel élan, ils ont indiqué l’accroissement des ressources nationales et externes afin de financer de manière durable l’élimination des MTN.

Les « combattants des MTN » prônent aussi le renforcement de capacités des programmes nationaux de lutte contre ces maladies et des organisations de la société civile afin de mettre en œuvre des stratégies durables en faveur de leur élimination.

Médias, société civile, ministères multisectoriels, collectivités locales, entre autres recommandent la mise en place de partenariats forts, facilitant les synergies des différents acteurs pour une lutte efficace contre les MTN.

A leur avis, l’élimination des Maladies Tropicales Négligées au Sénégal suppose une approche multisectorielle avec une implication de toutes les parties prenantes notamment les ministères en charge des Finances, de l’Eau et de l’Assainissement, de la Femme, de l’Élevage, de l’Agriculture, des Organisations de la Société de la Civile, des médias, etc.

En termes de défis, les parties prenantes ont convenu d’élaborer et de valider un plan de plaidoyer en faveur de la lutte contre les MTN.

Elles comptent aussi documenter sous formes de vidéos, d’interviews, d’articles, de la situation des MTN au Sénégal et des initiatives du programme MTN.

Dans cette même veine, il est prévu l’organisation d’un atelier de partage et de validation du plan de plaidoyer, la définition d’une stratégie de mobilisation de ressources pour son financement et la Conduite de ses activités bénéficiant d’un appui.

Une ambition possible…

Éliminer le trachome cécitant, la filariose lymphatique et l’onchocercose d’ici 2020. C’est l’un des engagements majeurs du Sénégal réitéré le mercredi 9 janvier à Thiès, lors de l’atelier d’engagement des parties prenantes de la lutte contre ces maladies.

Cette ambition est confortée par un dispositif déjà en cours d’exécution et qui est matérialisé par une disponibilité des médicaments et du matériel pour la mise en œuvre des campagnes de Distribution en masse des médicaments (Dmm).

A cela s’ajoutent la présence de beaucoup de partenaires mais avec des champs d’action réduits ainsi que la participation financière des Centres de Santé (Cds) dans les activités de lutte contre les MTN.

La  Coordonnatrice du Programme de lutte contre les MTN, Dr Fatou Badiane a fait part de réalisations majeures notamment la finalisation de la cartographie des MTN à Chimiothérapie préventive (Ctp) et le traitement de masse contre les MTN à CTP.

A cela, Mme Badiane y a ajouté la mise en œuvre des campagnes de distribution des médicaments depuis 2009; l’évaluation de l’impact des campagnes; l’élimination nationale de la lèpre; l’interruption de la transmission de la maladie du ver de Guinée.

Dans cette même veine, elle n’a pas oublié la gestion des cas de morbidité causés par le trichiasis, les hydrocèles, la lèpre etc. et la collaboration effective avec le Ministère de l’éducation Nationale.

… mais qui semble « hypothétique »

Cette ambition semble « hypothétique » vu l’état des lieux du cadre dans lequel se déroule cette lutte.

La  Coordonnatrice du Programme de lutte contre les MTN, Dr Fatou Badiane, confie que le Sénégal fait face à 10 Maladies tropicales négligées sur les 17 initialement identifiées par l’OMS.

A l’en croire, tous les Districts sanitaires sont endémiques à au moins une MTN avec deux groupes dont les MTN à CTP avec la distribution des médicaments (Bilharzioses, Géohelminthiases, Trachome, Filariose lymphatique et Onchocercose) et des MTN à prendre en charge (Lèpre, maladie du ver de guinée, dengue, rage et leishmaniose).

Sans oublier les nouvelles maladies inscrites sur la liste dont les envenimations, les mycétomes, la gale.

Malgré cette présence perceptible des MTN au Sénégal, il est noté une faible connaissance des maladies par les acteurs et un cadre de lutte pas tout à fait cohérent.

Au vu de l’état des lieux, le Sénégal a-t-il les moyens de sa politique ? Serait-on tenté de nous interroger.

Une posture qui s’impose du moment que le Groupe de travail qui planchait sur la mobilisation des ressources, relève une non disponibilité du budget de mise en œuvre du Plan Stratégique national (PSN 2016-2020) qui est la colonne vertébrale de la lutte contre les MTN au Sénégal.

A cela s’ajoutent l’absence de ligne budgétaire dédiée aux MTN, l’absence des critères pour l’allocation des ressources lors de l’arbitrage du budget au niveau de la DAGE, la non disponibilité des ressources humaines étatiques ou leur insuffisance dans le nombre et la capacitation.

S’y greffe la difficulté à quantifier la participation de l’État dans la lutte ainsi que les contraintes à mobiliser les ressources allouées au niveau de la DLM (ponctions opérées par le Ministère de l’Économie, des Finances et du Plan, lourdeurs dans les processus de décaissement).

Dans ce même ordre d’idées, il est noté la difficulté à capitaliser toutes les ressources utilisées dans le cadre de la lutte contre les MTN à partir de 2016, la mise en œuvre des activités exclusivement financée par les partenaires.

Sans oublier le non-respect des engagements de certains partenaires et l’insuffisance de l’implication des collectivités territoriales dans le financement des activités, malgré le survenu de l’Acte 3 de la décentralisation.

La société civile presque « inexistante » dans ce secteur

Dans cette dynamique qui met à nu les manquements qui caractérisent la lutte contre les Maladies Tropicales Négligées au Sénégal, la société civile, généralement plus proche des populations, relève le faible nombre d’organisations non gouvernementales qui s’activent dans ce secteur.

Les acteurs qui étaient présents à l’atelier de Thiès ont déploré le fait que la majorité des OSC (Organisation de la société civile) ne soit pas impliquée dans la lutte contre les MTN et que leurs interventions soient limitées à des Campagnes de distribution massive des médicaments, le dépistage et la référence des cas de trichiasis.

Une situation jugée pas tout à fait rassurante du moment que les OSC font face aux défis de l’appropriation de la lutte contre les MTN, la mobilisation de ressources humaines de qualité ainsi que des ressources financières dans la lutte contre ces maladies.

Dans cette même veine, s’il y a une disponibilité des médicaments et du matériel pour la mise en œuvre des campagnes DMM, il est apparu que les interventions soient limitées.

Une approche de lutte souhaitée au niveau régionale

Face à cette situation, Fara Ndiaye, Directrice exécutive adjointe de Speakup Africa jugent les défis énormes. Elle recommande ainsi une approche régionale de lutte.

Selon elle, les acteurs, dans leur ensemble, doivent travailler à l’appropriation de la lutte par les communautés et mobiliser les financements nécessaires pour trouver les moyens de la politique définie.

Cette approche régionale s’impose du moment que Dr Fatou Badiane, coordonnatrice du programme de lutte contre les MTN confie que plus de 50% des 1,4 milliard de personnes dans le monde sont touchées et réside en Afrique.

En plus de cela, poursuit-elle, toutes les régions du continent sont au moins touchées par une de ces maladies fréquentes dans les zones au climat chaud et humide frappées par une absence d’eau courante, un défaut d’hygiène alimentaire et fécale, une éducation sanitaire insuffisance…

En sommes, les zones pauvres où le plus souvent les enfants s’adonnent à des baignades dans des eaux stagnantes ou les rivières, à des défécations à l’air libre. Une situation qui relève d’un système d’hygiène défectueux dans sa globalité. Des maux dont souffrent la presque totalité des zones péri-urbaines et le monde rural en Afrique.

Devant cet état de fait, Fara Ndiaye appelle à une mobilisation des ressources et un plaidoyer pour l’élimination des MTN en Afrique à travers le projet spécial élargi pour l'Élimination des Maladies tropicales négligées (ESPEN).

Le chef d’équipe, Dr. Maria Rebollo Polo, dans une interview qu’elle avait accordé à AllAfrica.com, faisait savoir que c’est un projet quinquennal lancé en mai 2016 par le Bureau régional de l'Organisation mondiale de la santé pour l'Afrique (OMS/AFRO).

Un projet qui a pour objectif d’accélérer le contrôle et l'élimination des cinq maladies tropicales négligées pouvant faire l'objet d'une chimiothérapie préventive sur le continent africain (PC-MTN), à savoir l'onchocercose, la filariose lymphatique, la schistosomiase, les vers intestinaux et le trachome.

Ce qui suscite un brin d’espoir faisant dire à Fara Ndiaye que : « l’élimination est possible si nous avons un engagement de toutes les parties prenantes pour la mobilisation de ressources, y compris le secteur privé dont l’engagement nous fait tant défaut. Si on arriverait à avoir des plans nationaux de plaidoyer cohérents, on arriverait à éradiquer les MTN », a-t-elle conclu.

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