Afrique: Laurent Simon, ambassadeur de Plan International – « Si une fille arrive à aller sur un terrain de foot, elle peut dire « non » à d'autres barrières »

Laurent Simon, 42 ans, est cycliste et ambassadeur de Plan International
2 Avril 2019
interview

Laurent Simon, 42 ans, est cycliste et ambassadeur engagé. Il est animé par l'ambition de faire  progresser les droits des enfants et l'égalité en faveur des filles. Sa particularité c'est d'avoir parcouru plus de 12.000 kilomètres à vélo depuis l'Europe pour l'éducation de ces populations cibles d'Afrique. Après un séjour au Sénégal, Laurent Simon continuera sa traversée vers d'autres pays notamment la Guinée Bissau, la République de Guinée, la Sierra Leone, le Liberia, le Ghana, le Togo, le Niger et le Bénin où l'arrivée finale est prévue vers le mois d'octobre 2019. Lors de son passage à Dakar, AllAfrica.com a pu le rencontrer par l'entremise du bureau Afrique de l'Ouest et du Centre de l'ONG Plan International . Entretien.

Quelles sont les raisons de votre présente visite, au Sénégal et en Afrique, globalement ?

D'abord, c'est un plaisir pour moi de répondre à vos questions. Ma raison d'être ici au Sénégal est tout simple. J'ai le rôle d'ambassadeur pour Plan International et après avoir clos la traversée du continent américain qui a duré six ans et soutenu les différents bureaux de Plan International sur le terrain américain, ça me paraissait essentiel de faire le trajet depuis la France jusqu'au Sénégal pour venir soutenir les actions de Plan International en faveur de l'enfance au Sénégal.

Est-ce que vous avez des objectifs particuliers pour chaque pays du continent que vous comptez visiter ?

Alors, il faut savoir qu'on va visiter durant cette tournée africaine huit pays d'action pour Plan International. Donc, après le Sénégal, c'est la Guinée-Bissau, la Guinée Conakry ensuite la Sierra Leone, le Liberia, le Ghana, le Togo et le Bénin.

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L'objectif global, c'est de soutenir les équipes sur le terrain et soutenir le maximum d'enfants alors les problématiques selon les pays peuvent être un peu différents.
Il peut y avoir des problèmes plus liés à l'éducation, décrochage scolaire… Mais cela peut être aussi des pays qui sont plus frappés par les mariages ou grossesses précoces chez les filles.

Après, il peut y avoir des problèmes qui sont, par exemple, plus liés à la communauté qui sont l'accès à l'eau ou les ressources. Donc chaque pays a des problématiques un peu plus fortes mais au final, c'est toujours les enfants qui en souffrent. Donc, le focus c'est l'enfant.

Est-ce que vous pouvez revenir sur les raisons de votre engagement en faveur de la défense des droits de l'enfant ?

Je connais Plan International depuis plus de 20 ans. J'ai débuté en parrainant un enfant au Népal et j'ai commencé mon tour du monde, qui est mon rêve d'enfant, à vélo pour connaître les pays, aller à la rencontre des cultures, des religions, des paysages…
Et moi, je me suis dit que je suis privilégié même s'il a fallu faire beaucoup de sacrifices pour en arriver là. Je m'estime privilégié et je me suis dit pourquoi ne pas partager ça avec des enfants et la Fondation que je connais depuis maintenant plusieurs années.

Et donc c'est ce qui me motive à continuer notre combat et de soutenir les équipes parce qu'un vélo, en théorie, a deux roues. La roue avant c'est  mon rêve d'enfant et la roue arrière c'est mon engagement avec Plan International et les enfants. L'un ne va pas sans l'autre.

S'il me manque quelque chose, je ne pars pas et je peux vous dire que dans les moments difficiles, ce sont les plus belles choses et notamment le sourire d'un enfant qui vous porte dans la difficulté. A ce moment-là, vous savez pourquoi vous faites des efforts et pourquoi vous êtes parfois en train de souffrir sur un vélo.

Vous parcourrez des centaines de kilomètres à vélo pour une cause noble. Avez-vous l'impression que les messages que vous divulguez, sont bien perçus par les populations cibles?

Depuis que je suis entré au Sénégal, il y a quasiment deux semaines, j'ai eu l'opportunité de visiter 11 écoles et rencontrer 3000 enfants. On a aussi visité d'autres projets en faveur des filles et de l'égalité de leurs droits.

Et quand vous avez un enfant qui vient faire un témoignage, par exemple, dans un projet mené à Thiès pour l'accès des filles au football, en vous remerciant pour tout ce que vous faites en pleurant. Cela vous réconforte parce que vous savez que vous venez aider à affranchir des interdits, à casser une barrière, à briser la glace parce qu'une fille sur un terrain de foot comme un garçon il y a beaucoup de pays où cela ne se fait pas. C'est un combat qu'elles doivent mener. Donc, pour moi, ça c'est une immense satisfaction.

Si elle arrive à aller sur un terrain de foot et prouver qu'elle a le droit de jouer comme un garçon, elle peut aussi dire « non » à d'autres barrières qu'elle devra rencontrer durant son enfance durant son adolescence et notamment par rapport au mariage. Elle pourra dire à ses parents : « Ecoutez ! Moi, je veux continuer un peu plus mes études, passer le baccalauréat, avoir une famille et me marier un peu plus tard mais je veux d'abord gagner mon passeport pour le futur ». C'est aussi lui donner le droit de décider, s'émanciper et s'affranchir.

Après les autres anecdotes, je peux vous en dire beaucoup quand vous entendez une fille à qui vous posez la question : qu'est-ce que tu veux devenir plus tard ? Et qu'elle vous répond avec beaucoup d'assurance et fermeté : « Je veux être Magistrat ». Vous savez qu'il n'y aura pas beaucoup d'échecs et qu'elle sera magistrat. Elle mettra tout en œuvre pour bien étudier à l'école.

Pas plus tard qu'hier (ndlr : lundi 25 mars 2019) dans la banlieue de Dakar, malgré la difficulté pour y étudier, une élève a quand même réussi à avoir plus de 17 de moyenne. Quand vous voyez l'assurance qui dégage de son discours, vous vous dites, celle-là, elle en veut beaucoup et elle est déterminée.

Après autant d'années de sensibilisation en Afrique, avez-vous le sentiment que la situation de l'enfance, notamment de celle de jeune fille, a connu des améliorations dans le continent ?

Je suis au Sénégal pour deux semaines donc je n'ai pas beaucoup de recul. Toute l'expérience que j'ai par rapport au droit des filles, je l'ai vu sur le continent américain.

Mais, j'ai remarqué que quand vous parlez à une fille qu'elle vous pose des questions, avec le respect que je vous dois, elle est plus pointue qu'un journaliste.

Elle vous pousse vraiment dans vos retranchements parce qu'elle s'est bonifiée grâce à des ateliers organisés avec Plan International. Elle a appris à s'exprimer et à s'affirmer.

Là, je parlais, par exemple, d'une anecdote par rapport à ce que j'ai vécu moi en Bolivie. Une classe en Bolivie généralement c'est à peu près sûr c'est 51 filles et 49 garçons. Ça c'est la démographie. Partout dans le monde, il y a toujours un peu plus de filles que de garçons.

Vous prenez une classe juste avant le baccalauréat, vous avez la même proportion sur 30 enfants vous avez 16 filles et 14 garçons avant de passer le baccalauréat et la tendance s'est inversée puisque sur 30 enfants il y a plus que deux filles à l'école et 28 garçons. Il y a un décrochage scolaire qui est lié déjà à la place de la fille dans la société.

Ce dont je me suis aperçue ici en Afrique, c'est que dans les écoles que j'ai visité, il y avait plus de filles que de garçons. Ce qui montre que la campagne qui est porté par Plan pour l'égalité des filles commence à porter ses fruits et les filles se rendent compte qu'elles aussi ont droit à l'éducation.

Elles ont le droit d'exister et ça c'est ce que j'ai remarqué avec le peu de temps déjà passé en Afrique. Le défi à relever reste immense et il y a encore énormément de travail. C'est encourageant et on n'a pas le droit de baisser les bras.

Quels sont vos projets en cours avec Plan International en Afrique ?

Alors, les projets en cours ici au Sénégal, sont quasiment terminés. Il nous reste à peu près une ou deux journées d'activités.

La prochaine étape de mon périple africain, c'est la Guinée-Bissau où il y a des interventions de Plan International avec deux programmes d'unité en province.

Donc là, c'est toujours pareil : visiter des écoles, soutenir des projets communautaires, soutenir des projets pour l'égalité des filles et promouvoir l'image de Plan International en Afrique.

En  Guinée Conakry, il s'agira de la reconduite, à chaque fois, des mêmes programmes, faire passer le message et c'est ce qu'il y a de plus important.

 Un dernier mot ?

Si je devais m'adresser au peuple du Sénégal, je leur dirai que je viens de parcourir 12500 km. Je suis « un étranger ». Je suis ambassadeur de bonne volonté pour Plan International donc on ne me paie pas.

Je pense que pour le futur d'un pays, ce n'est pas qu'avec mon titre d'ambassadeur que j'y arriverai seul. Ce n'est pas Plan international qui y arrivera seul. Ce ne sont pas les enfants du système d'éducatif qui y arriveront seuls.

J'estime que si moi j'arrive à faire tous les efforts avec un simple vélo et apporter des messages d'espoir à tous ces enfants et soutenir Plan International, pourquoi pas un Sénégalais de souche ne pourrait pas faire pareil et aider son pays à sortir la tête de l'eau.

Je suis juste un  grain de sable mais si on est tous unis à mon avis on peut faire de belles choses et changer le futur du Sénégal. Pour nous, en tant qu'adulte, c'est notre devoir d'améliorer le présent des enfants pour leur transmettre un meilleur monde. Si les Sénégalais pouvaient aussi s'investir, ce qui ne nécessite pas de gros efforts. Il suffit de s'engager plus pour aider leurs frères sénégalais et je pense que ce serait une belle réussite pour le pays.

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