Gros argent, grosse arnaque: maintenir des revenus élevés et cachés dans l'industrie forestière gabonaise

13 Juin 2019

Série Intelligence Brute - TBNI n ° 3

Les dirigeants de la société Transport Bois Négoce International (TBNI) savent comment gagner beaucoup d'argent en exploitant les forêts du Bassin du Congo, tout en gardant leurs bénéfices bien cachés aux yeux des autorités gabonaises. Mais leurs méthodes ne sont plus un secret, car l'un des responsables de la société a décrit en détail ces manigances aux enquêteurs sous-couverts d'EIA.

Afin de poursuivre notre exposé des véritables maux qui touchent le secteur forestier et présenter de nouvelles preuves aux yeux du public, EIA a récemment lancé une série inédite de vidéos intitulée Intelligence Brute. Au travers de vidéos obtenues sous-couverts, minimalement éditées, capturant les propres paroles des dirigeants de sociétés forestières, EIA démontre que les crimes forestiers décrits dans le rapport Commerce Toxique sont omniprésents, structurels et indisputables.

TBNI gère plus d'un million d'hectares de forêts au Gabon, l'une des plus grandes aires sous concessions forestières du pays. L'accès à de vastes étendues de forêts exploitables, un modus operandi axé sur le profit rapide et des pratiques d'exploitation qui ne respectent pas la loi permettent à la société de réaliser des profits astronomiques. Le responsable de TBNI a déclaré aux enquêteurs d'EIA que le taux de retour annuel sur investissement de sa société varie entre 30 à 40%. À titre de comparaison, les sociétés privées états-uniennes affichent en moyenne une marge bénéficiaire de 8,9%. Les secteurs les plus rentables aux États-Unis, tels que ceux de la comptabilité, du crédit immobilier ou les cabinets juridiques, ne dépassant pas 20%.

Les bénéfices de TBNI sont notamment optimisés grâce à la pratique systématique consistant à cacher les gains réels réalisés. Le responsable de TBNI a expliqué aux enquêteurs d'EIA que la plupart des entreprises forestières, y compris la sienne, « atténuent » le risque de payer trop d'impôts grâce à de multiples stratégies. L'une des plus courantes consiste à créer des sociétés offshores situées dans une localité à faible taux d'imposition, souvent appelée « paradis fiscal », tel que Hong Kong. Ce système permet à l'entreprise au Gabon de se livrer aux pratiques de prix de transfert frauduleux. La machination fonctionne comme suit : l'entreprise basée au Gabon déclare la vente de tout son bois à sa société sœur enregistrée à Hong Kong, qui revend ensuite au client final. La société gabonaise déclare la vente de son bois à sa société sœur à un prix bien inférieur à celui du marché, tandis que la société sœur revend à l'acheteur final au prix du marché. Ce système concentre et masque les bénéfices au sein de la société offshore, occultant ainsi les bénéfices réels réalisés dans le pays de production.

Un autre élément clé de la stratégie de TBNI visant à maximiser ses profits est de corrompre les autorités. Le responsable de TBNI a expliqué aux enquêteurs de l'EIA que sa société négocie un pot-de-vin avec les autorités chaque fois qu'on lui demande de payer une amende. Il a souligné que lorsqu'un problème survient, il est essentiel de soudoyer les fonctionnaires le plus tôt possible afin que l'affaire ne s'ébruite pas et ne remonte aux niveaux supérieurs, bien plus coûteux. « Moins de gens sont au courant, moins vous devez payer », a-t-il expliqué. Il conclut en disant que les entreprises forestières chinoises sont toujours impliquées dans quelque chose qui n'est pas 100% légal et donc passent leur temps à payer des pots-de-vin et des amendes.

Afin de présenter une façade respectable aux importateurs européens, où une loi interdit l'entrée de bois illégal, les responsables de TBNI ont créé une filiale dédiée, nommée Mont Pelé Bois, pour laquelle tout a l'air en ordre sur le papier. TBNI utilise cette filiale pour vendre son bois à un large éventail de pays de l'Union européenne, dont la France, la Belgique, l'Allemagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas, selon le responsable de TBNI.

Cette vidéo inédite fournit des preuves plus concrètes de la manière dont la corruption dans le secteur forestier gabonais permet à certaines entreprises de voler du bois et de l'argent. Dans sa récente allocution nationale, le Président gabonais, M. Ali Bongo Odimba, a fait part de son intention de débarrasser son pays des responsables corrompus qui portent atteinte à l'état de droit. S'appuyant sur les actions récentes que le Gabon a engagées contre la Société de sciage de Moanda (SSMO) – une filiale locale du groupe Dejia dénoncée par EIA, le limogeage du vice-président et ministre des forêts pour leur rôle dans le « kevazingogate » et faisant suite au récent remaniement gouvernemental, il est urgent que les autorités s'attaquent aux crimes commis par TBNI et mettent un terme définitif à la mafia du bois qui sévit dans le pays depuis des années.

Découvrez chacun des épisodes de la série:
Intelligence Brute: Groupe Dejia
Intelligence Brute: WCTS
Intelligence Brute: TBNI

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