Afrique de l'Ouest: Quand l'industrie de farine de poisson détourne la nourriture et les moyens de subsistance

19 Juin 2019

Greenpeace Afrique demande aux gouvernements des pays d’Afrique de l’Ouest de mettre fin à l’industrie de la farine et de l'huile de poisson.

Cet ONG l’a fait savoir lors d’une conférence de presse tenue ce mercredi 19 juin à Dakar pour la publication de son nouveau rapport sur “les pratiques de pêche illégales et le développement des usines de production de farine et de l’huile de poisson au Sénégal, en Gambie et en Mauritanie”.

Un face à face avec la presse pendant lequel Greenpeace affirme que cette industrie incriminée est une véritable menace pour les réserves halieutiques de la région, essentielles à la sécurité alimentaire et aux moyens de subsistance des populations locales, comme le démontre le rapport publié aujourd’hui par Greenpeace.

Selon ces responsables, ce rapport, intitulé Poisson détourné-La sécurité alimentaire menacée par l’industrie de la farine et de l’huile de poisson en Afrique de l’Ouest, soulève de sérieuses inquiétudes quant à l’essor de cette industrie en Mauritanie, au Sénégal et en Gambie. Les trois espèces de poissons utilisées pour la fabrication d’huile et de farine, indispensables à la sécurité alimentaire de ces pays, sont déjà surexploitées.

Le responsable de la campagne Océans de Greenpeace Afrique, Ibrahima Cissé déclare que « Des centaines de milliers de tonnes de poissons sont transformées en farine ou en huile pour l’exportation -- au détriment d’environ 40 millions d’Africaines et d’Africains. Les gouvernements des pays d’Afrique de l’Ouest doivent protéger les stocks halieutiques de la région. Leur priorité doit être de défendre le droit à la sécurité alimentaire de leurs citoyens, en réduisant rapidement les volumes de poisson destinés à la production d’huile et de farine ».

Avant d’ajouter que « des décennies de surpêche et d’incurie gouvernementale ont entraîné la dégradation des réserves halieutiques régionales. Aujourd’hui, avec le développement de l’industrie de la farine et de l’huile de poisson, le problème atteint un seuil critique : le poisson est détourné de l’assiette des populations au profit de fermes piscicoles, porcines ou avicoles dans des marchés lointains. Les produits de la pêche, qui autrefois bénéficiaient aux pêcheurs artisans et aux femmes transformatrices, permettaient de nourrir les familles les plus démunies ; ils sont désormais exportés pour alimenter des exploitations d’animaux d’élevage. Cela n’a pas de sens ».

550 000 tonnes de poissons servies à 50 usines « de destruction massive »

Greenpeace Afrique affirme avoir recensé 50 usines de transformation de farine et d’huile de poisson dans la région, dont 40 étaient en activité en mars 2019.

A l’en croire, la majorité de la production de ces usines est destinée à l’exportation, principalement dans des pays d’Asie et de l’Union européenne.

En Mauritanie, poursuit la même source, ces exportations ont doublé entre 2014 et 2018, faisant de ce pays le principal exportateur de farine et d’huile de poisson de la région.

« En 2017, on estime que près de 550 000 tonnes de poissons pélagiques ont été pêchées pour approvisionner les usines de transformation mauritaniennes ».

L’ONG stipule ainsi que l’industrie de la farine et de l’huile de poisson, en plein essor, menace non seulement les stocks de poissons régionaux, mais affecte également les moyens de subsistance et la sécurité alimentaire des populations locales.

Avant de rappeler qu’environ 80 % des débarquements de poisson au Sénégal proviennent du secteur artisanal, et le poisson couvre environ 70 % des besoins en protéines animales de la population (plus de 50 % en Gambie).

Devant cet état de fait, M. Cissé confie que Greenpeace Afrique demande aux gouvernements des pays d’Afrique de l’Ouest et aux entreprises de faire face à leurs responsabilités en protégeant les précieuses réserves halieutiques de la région, et d’accorder la priorité au respect des droits fondamentaux, à la sécurité alimentaire et à une vie décente pour les pêcheurs artisans et les femmes transformatrices. « L’assiette des Africaines et des Africains doit passer avant les intérêts des élevages industriels », défend-elle.

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