Afrique de l'Ouest: La CEDEAO priée d'accélérer l'adoption de la feuille de route pour l'élimination du mariage d'enfant

Projet «Jeunes leaders contre le mariage d’enfant, une initiative transfrontalière en Guinée, Guinée Bissau, au Mali et au Sénégal»
29 Octobre 2019

Les jeunes de l’espace transfrontalier qui se battent au quotidien pour celles qui meurent et qui souffrent chaque seconde et chaque minute dans le monde dû au mariage d’enfant, veulent que la CEDEAO accélère l’adoption de la feuille de route pour l’élimination de cette pratique dans les pays membres.

Ils l’ont fait savoir au terme d’un dialogue intergénérationnel entre jeunes leaders et décideurs qui s’est tenu le vendredi 25 octobre 2019 à Dakar, autour du Projet «Jeunes leaders contre le mariage d’enfant, une initiative transfrontalière en Guinée, Guinée Bissau, au Mali et au Sénégal».

Ces jeunes issus de ces pays sus cités invitent l’instance communautaire à veiller à l’harmonisation des lois nationales par rapport aux dispositions internationales dans tous les États membres et qu’elle mette en place un projet transfrontalier entre les 15 pays membres pour lutter contre le mariage d’enfant.

Dans cette même dynamique, ils veulent également que leurs États veillent à l’application stricte des lois établies et à un traitement équitable entre filles et garçons.

Ces jeunes leaders qui ont pris part à ces assises de Dakar demandent enfin une synergie d’action entre les Organisations de la Société Civile de défense des enfants particulièrement des filles pour que l’éradication du mariage d’enfant soit une réalité.

Avec cette requête, les jeunes de la CEDEAO veulent faire bouger les lignes et faire intervenir la communauté sur les effets néfastes du mariage d’enfant particulièrement sur la vie de la jeune fille.

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C’est, pour eux, une manière d’appeler au renforcement de l’engagement des autorités à impulser un changement social de comportement ; de matérialiser la volonté politique de la CEDEAO de mettre fin au mariage d’enfant et l’ambition des jeunes de contribuer à la lutte contre mariage des enfants.

Dans la même dynamique, Mlle Kadiatou Konaté, jeune activiste du Club des jeunes filles leaders de Guinée souligne la nécessité d’harmoniser les lois en alignant celles nationales sur l’internationale où l’âge du mariage est au-delà de 18 ans.

A son avis, les jeunes de la CEDEAO sont décidés et personne ne pourra les arrêter. « En plus de l’engagement des jeunes de l’Afrique de l’Ouest, pourquoi ne pas penser à un mouvement des jeunes au niveau international ». Avant de lancer : « Les jeunes peuvent changer le monde, dès maintenant ! »

Pour les conforter, le Représentant résident de Plan International Sénégal, Dr Bell’Aube Houinato de réitérer l’engagement de Plan international à soutenir les jeunes dans ce combat.

Selon lui, il est important d’actionner des leviers comme le travail en partenariat et l’utilisation de l’outil digital pour parvenir à réaliser les objectifs.

Mlle Sokhna Thiam de l’Association Kédougou Innovation du Sénégal, pour sa part, rappelle que le phénomène est à l’origine de la déperdition scolaire, de la mortalité des jeunes filles…

Ce qui, à son avis, constitue une menace car les filles d’aujourd’hui qui représentent 50% de la population, sont les leaders de demain et elles ont le droit de s’épanouir. « Aider nous à éradiquer le mariage des enfants car nous sommes le capital humain de nos pays », dira-t-elle.

Sur ce même registre, Dr Houinato de Plan International estime qu’il ne s’agit pas seulement du droit des filles mais aussi une question d’urgence. « Si nous devons aller au rythme actuel pour régler ces problèmes d’équité et d’inégalité, combien de temps allons-nous mettre pour atteindre nos objectifs », s’est-il interrogé.

Prenant l’exemple du Sénégal, il se demande comment le Plan Sénégal Émergent (Pse) peut se réaliser si les jeunes n’ont pas la capacité d’y participer.

La détresse des filles de Kayes où 87% des jeunes filles sont mariées avant l’âge de 18 ans

L’information qui a résonné sur tous les oreilles est celle qui émane de Kayes, au Mali. Tahirou Mangara, jeune activiste et membre du Conseil consultatif des Enfants et des jeunes du Mali renseigne que « au Mali, 87% des jeunes filles de Kayes sont mariées avant l’âge de 18 ans ».

Une situation qui renseigne sur l’urgence d’agir et le niveau de détresse dans lequel vivent les jeunes filles du Mali et de l’Afrique de l’Ouest, en général.

Selon Tahirou Tangara, l’ampleur du phénomène en Afrique de l’Ouest et du Centre est démontrée avec des statistiques alarmantes, interpellateurs et qui nécessite des réactions urgentes.

A l’en croire, il y a 15 millions de filles qui sont mariées par an avant l’âge de 18 ans et c’est l’équivalent de la population de Zimbabwe.

Avant d’ajouter que dans l’espace CEDEAO, 61 millions de filles ont été mariées avant 18 ans alors que tous les pays ont ratifié les textes relatifs à la protection et aux droits des enfants.

Le représentant de la Commission de la CEDEAO à cette rencontre, M. Awudu Gumah y rajoute que pour le mariage des filles en deça de 15 ans, le Niger est champion avec un taux de 28%. Il est suivi de la Guinée avec 19% et 56% celles mariées avant 18 ans.

A cela s’ajoutent les cas de la Guinée Bissau avec 6% des filles données en mariage avant 15 ans et 14% avant 18 ans, le Sénégal dont 8% avant 15 ans et 29 avant 18 ans.

Ce qui, d’après Tahitou Tangara, dénote de l’absence d’une forte dynamique de la part des États qui visent à mettre fin à ce phénomène.

Devant cet état de fait, ce jeune activiste pense qu’il convient d’avoir une synergie assez forte pour arrêter l’hémorragie. « Nous devons agir sur le niveau national et l’obligation morale de changer la dynamique au niveau régional ».

Avant d’avertir : « Un enfant n’a pas sa place dans un foyer mais à l’école. D’ici 2050, si rien n’est fait il y’aura 1,150 milliards de jeunes filles qui seront mariées avant l’âge de 18 ans et ne finirons pas leur cursus scolaire ».

Même son de cloche pour M. Awudu Guma de la CEDEAO. Pour lui, le phénomène est d’autant plus préoccupant car il impacte aussi sur le développement durable dans la région.

Il met ainsi le doigt sur des problèmes juridiques et législatifs notamment avec l’âge autorisé dans les pays qui est de 16 ans au Sénégal, 14 ans au Niger, 15 ans en Guinée Bissau.

Pour lui, « même à 18 ans, la jeune fille doit être à l’école pour pouvoir contribuer à son avenir ».

A cet effet, il a brandi la politique de protection des droits de l’enfant de la CEDEAO en voie d’adoption, en plus de la feuille, de l’acte additionnel, le plaidoyer qui a su mobiliser les premières dames…

La feuille de route aura une durée de dix ans avec un début de mise en œuvre en 2019. Elle est établie sur la base de sept axes stratégiques dont le renforcement du cadre juridique des pays, l’inclusion et la participation des enfants et des jeunes, la réponse traditionnelle, religieuse et communautaire dans la lutte contre le mariage des enfants.

A cela s’ajoutent, le changement de comportement, l’éducation, la fourniture de services pour les victimes et la coordination du suivi évaluation.

Dans sa démarche, la CEDEAO prévoit 17 domaines activités dont la cartographie des acteurs, le renforcement de capacité des organisations de jeunes, la promotion de la participation des jeunes dans la mise en œuvre des stratégies et le suivi…

M. Niokhobaye Diouf, Directeur de la Protection de l’enfance au Sénégal juge pertinente la démarche des jeunes de la CEDEAO car, pour lui, « de plus en plus, les jeunes doivent porter le plaidoyer ».

Il s’est tout de même réjoui du Plan d’action attendu au cours de l’année 2020 actuellement en confection au Sénégal pour le suivi des dernières recommandations du Sommet de la CEDEAO.

Pour Mamadou Kébé, expert en droits et protection de l’enfant, par ailleurs, conseiller technique chargé de l’enfance à la présidence de la République du Sénégal, réussir ce plaidoyer, passe par insister sur les éléments de langage pour sensibiliser décideurs.

« Si nous voulons atteindre les ODD, il faut agir sur les éléments déclencheurs dont le capital humain alors que les victimes de mariage d’enfant sont exclus de tout processus ».

A l’en croire, avec mariage d’enfant, huit objectifs du développement durable ne seront pas atteints d’où l’obligation pour nos Etat de défendre les droits des enfants et l’harmonisation des cadres légaux et politiques qui existent.

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