Abidjan, Côte d'Ivoire — L'édition 2019 de la Conférence sur les politiques foncières en Afrique s'est achevée ce vendredi, à Abidjan, avec des institutions universitaires s'engageant à collaborer avec les chefs traditionnels pour trouver des solutions aux défis de la gouvernance foncière sur le continent dans un effort visant à éradiquer la corruption du secteur foncier.
Les parties prenantes ayant assisté à la conférence de cinq jours ont lancé divers appels à la fin de la réunion, mais l'appel le plus retentissant a sans doute été celui lancé par les chefs traditionnels du continent qui se sont engagés à examiner les pratiques et croyances culturelles qui empêchent depuis longtemps les femmes d'accéder à la terre.
« La culture est dynamique et change. Nous nous engageons à prendre en compte la problématique hommes-femmes et à utiliser des processus décisionnels inclusifs », déclare Son Altesse Royale, M. Drani Stephen Izakare, ajoutant qu'il est urgent que les systèmes judiciaires africains officialisent le rôle des chefs traditionnels dans la gestion des terres et les mécanismes de résolution des conflits.
Les chefs traditionnels s'engagent également à lutter contre la corruption au sein de leurs institutions traditionnelles ; et appellent à la création de plus de synergies et une collaboration plus étroite avec le gouvernement et les institutions de l'administration foncière afin de garantir que les services de l'administration foncière ne présentent pas d'opportunités de corruption.
Ils conviennent que les institutions d'administration foncière sur le continent devront être renforcées afin d'en améliorer les compétences.
Les participants appellent les gouvernements à mettre en place des politiques s'ils n'existent pas et à revoir celles qui existent déjà afin qu'elles puissent être en phase avec les expériences sur le terrain et les réalités actuelles.
Les gouvernements sont également invités à s'assurer que les politiques et les lois tiennent compte des intérêts des jeunes, des femmes et des autres groupes marginalisés ; encourager une utilisation des sols durable et respectueuse du climat, et mettre en place des mécanismes de gestion des ressources transfrontalières.
Les universités s'engagent à revoir les programmes d'études afin de les aligner sur les directives de l'Union africaine en matière d'amélioration des connaissances dans le secteur foncier ; élaborer des cours, des ateliers, des séminaires et des réunions de courte durée pour traiter, entre autres, des problèmes liés à la corruption dans le secteur foncier.
Les Organisations de la société civile annoncent qu'elles travailleront de concert avec d'autres partenaires pour mener diverses actions sur le terrain, notamment en plaidant en faveur de l'élaboration et de la mise en œuvre de politiques et de systèmes exhaustifs visant à réduire ou à éliminer la corruption dans le secteur foncier en Afrique.
Dans leur appel à l'action, les OSC déclarent qu'elles continueront à jouer le rôle de chiens de garde, renforçant la transparence et la responsabilité en profilant les cas de corruption et en documentant l'incidence de la corruption sur la vie et les moyens de subsistance des femmes et des hommes.
Dans ses remarques de clôture, le Ministre ivoirien de l'agriculture et du développement rural, Kouassi Kobenan Adjoumani, remercie la Banque africaine de développement (BAD), la Commission de l'Union africaine (CUA) et la Commission économique pour l'Afrique (CEA) d'avoir organisé la conférence et pris les devants dans la mise en œuvre du programme de l'UA sur le foncier.
« J'aimerais également exhorter tous les pays africains à maintenir la solidarité nécessaire pour mettre en œuvre des politiques foncières susceptibles de nous aider en tant que continent à atteindre les Objectifs de développement durable de notre population », dit-il.
Pour sa part, l'Ambassadrice de la CUA, Josefa Sacko, la Commissaire en charge de l'économie rurale et de l'agriculture, prie les États membres de l'Union africaine à œuvrer en faveur de l'accès à la terre et de la sécurité des régimes fonciers.
Ne laissons personne pour compte, précise-t-elle, ajoutant que, même si les régimes fonciers diffèrent d'un pays à l'autre, « nous pouvons nous appuyer sur nos points communs et mettre en synergie nos efforts collectifs pour faire la différence pour les nombreux hommes et femmes dont la vie dépend de la terre ».
« Revenons à nos représentants législatifs et gouvernementaux et influençons le changement qui créera des systèmes de gouvernance foncière durables et réactifs », affirme la Commissaire.
Cosmas Milton Obote Ochieng, Directeur du Centre africain des ressources naturelles, à la BAD, mentionne que la conférence a mis en évidence de nombreuses opportunités et difficultés dans le secteur de la gouvernance et de la gestion foncières en Afrique.
Une gouvernance foncière saine en Afrique, dit-il, a peu de chance de réussir sans le leadership et l'appui des chefs traditionnels.
« Nous nous réjouissons à l'idée de voir des actions concrètes à la suite de cette conférence », précise M. Obote, appelant les gouvernements, les chefs traditionnels et les autres parties prenantes à unir leurs efforts pour trouver des voies qui permettront d'éliminer la corruption du secteur foncier, ce qui est, selon lui, au centre du développement socio-économique durable du continent.
La conférence biennale a eu lieu sous le thème, « Remporter la lutte contre la corruption dans le secteur foncier : voie durable pour la transformation de l'Afrique ».