Afrique de l'Ouest: Les avocats face à leurs responsabilités dans la lutte contre le blanchiment d'argent

11 Février 2020

Les avocats inscrits aux barreaux des pays membres du Groupe Intergouvernemental d'Action contre le Blanchiment d'Argent (Giaba) ont une grande responsabilité dans la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Leur rôle a été rappelé à l'ouverture du Forum régional sur la conformité en matière de Lutte contre le blanchiment de capitaux (Lbc) et le Financement du terrorisme (Ft), dans l'après-midi du lundi 10 février à Dakar.

Les praticiens du droit regroupés au sein des Barreaux des États membres du Groupe Intergouvernemental d'Action contre le Blanchiment d'Argent (Giaba) sont appelés à joueur effectivement leurs rôles dans la Lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

C'était dans le cadre du forum consultatif régional de trois sur la conformité en matière de LBC/FT que le GIABA a ouvert depuis hier à Dakar.

Ce rappel du Directeur général du GIABA fait suite au constat que nombre des États membres de l'organisation ont fait des efforts pour soumettre les avocats aux exigences de LBC/FT que le Groupe d'action financière international (Gafi) avait émis en 2013, mais sans succès apparent à l'heure actuelle.

Ceci, comme en témoigne les résultats des premiers et seconds cycles d'évaluations mutuelles du GIABA, s'est-il désolé.

Des recommandations qui, selon M. Kimelabalou Aba, faisaient obligation de façon explicite aux professionnels du droit à prendre des mesures de vigilance renforcée à l'égard de la clientèle (Cdd) et à faire des Déclarations d'opérations suspectes (Dos).

Selon lui, ces exigences sont reflétées dans les 40 recommandations révisées du GAFI de 2013, notamment dans les recommandations 10, 11, 20, 22 et 23.

Dans la même dynamique, le Garde des Sceaux, ministre de la justice du Sénégal, M. Malick Sall rappelle que le GAFI, dans le cadre la lutte contre ces fléaux, considère les avocats, dans l'exercice de certaines activités sont soumis à l'obligation de déclaration de soupçons de leurs clients lorsqu'ils pensent qu'il y'a des motifs raisonnables de le faire. Il range ainsi les avocats dans la catégorie des Entreprises et professions non financières désignées (Epnfd).

Au même titre que les experts comptables et les commissaires aux comptes, a souligné M. Sall, les avocats sont tenus de déclarer leurs soupçons relatifs aux éventuelles activités de blanchiment menées par leurs clients. C'est-à-dire lorsqu'ils participent au nom et pour le compte de leur client à des transactions financières ou immobilières ou agissent en qualité de fiduciaire.

Mais aussi, a-t-il greffé, lorsqu'ils assistent leur client dans la préparation ou la réalisation de transactions concernant certaines opérations telles que l'achat et la vente de biens immeubles ou de fonds de commerce, la gestion de fonds, titres ou autres actifs appartenant au client, l'ouverture de compte bancaire, d'épargne ou de titres.

A cela s'ajoutent l'organisation des apports nécessaires à la création de sociétés, la construction, la gestion ou la direction des sociétés, sans oublier la construction, la gestion ou la direction de fiducies de droits étrangers ou de toute autres structures similaires.

Les avocats, des facilitateurs involontaires  ou volontaires des canaux de blanchiment

Devant ces manquements constatés dans la posture des avocats face aux recommandations du GAFI, le Directeur général du GIABA pense que le danger est à présent que les avocats courent le risque d'être malgré eux ou avec eux, des facilitateurs involontaires ou même volontaires des canaux de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme par leurs clients qu'ils tiennent à protéger à tout prix.

Pour le patron du GIABA, quel que soient les pays dans lesquels les professionnels du droit exercent leurs activités, ils devraient avoir une perception commune des risques de blanchiment d'argent de capitaux et de financement du terrorisme tels qu'ils sont déterminés par des normes acceptables et des pratiques exemplaires.

A son avis, les recommandations du GAFI requièrent que les avocats et notaires prennent des mesures de diligence raisonnable envers leurs clients, notamment l'identification et la vérification de l'identité de leurs clients, lorsqu'ils entreprennent certaines activités.

Le Garde des Sceaux du Sénégal, pour sa part, estime que la difficulté majeur semble résider dans l'opposition franche entre le caractère général et absolu du secret de l'avocat et les obligations de vigilance et déclarative décrites dans les normes du GAFI.

Pour rassurer les hommes aux robes noires, Malick Sall rappelle que l'obligation de déclaration de soupçon ne porte pas une atteinte disproportionné au secret professionnel des avocats, puisque ceux-ci n'y sont pas astreints lorsqu'ils exercent leur mission de défense des justiciable.

La présidente de la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif), Mme Ramatoulaye Gadio Agne, quant à elle, justifie l'attitude des avocats dans le lot de la faible compréhension des risques, l'absence ou le faible niveau de déclaration ainsi que l'absence ou le faible niveau de supervision et de contrôle.

Selon elle, les États devraient s'atteler à faire en sorte que l'ensemble des EPNFDs fassent figurer la mise en œuvre de leurs obligations en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme à l'échelle de leurs priorités pour répondre, au même titre que les autres assujettis, aux impératifs réglementaires, à l'attente des régulateurs, et au-delà, apporter leur contribution essentielle à la cause commune.

D'où la pertinence du forum de Dakar qui, selon le Directeur général du GIABA, vise à examiner le cadre de conformité de LBC/FT du GAFI relatif aux professionnels du droit.

Les acteurs vont ainsi plancher sur les risques de BC/FT associés à la pratique du droit dans la région et du rôle que les barreaux peuvent jouer pour les juguler.

Il est également recherché de convenir des approches communes pour renforcer la conformité à la LBC/FT par les professionnels du droit exerçant dans les États membres du GIABA.

Il s'agira aussi de faciliter l'échange d'expérience entre les barreaux sur la façon de renforcer la conformité aux normes de LBC/FT et de promouvoir la coopération et collaboration entre les barreaux sur les questions relatives à la conformité en matière de LBC/FT.

Des propositions qui cadrent avec les recommandations issues du premier petit-déjeuner thématique que le GIABA a co-organisé avec le CENTIF du Sénégal, dans la matinée du même jour à Dakar.

Une rencontre qui avait convoqué la réflexion autour de « La problématique de la supervision effective des entreprises et professions non financières désignées pour la mise en œuvre efficace des mesures préventives de LBC/FT/FP ».

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