Les pays du Sahel consacrent de plus en plus de dépenses publiques à la défense et la sécurité au détriment des services sociaux. Une tendance qui inquiète vue les défis sociaux dictés par une croissance démographique auxquels la région fait face. C'est à l'image du Burkina Faso, un pays où la demande sociale non satisfaite est considérée comme source d'insécurité.
(Envoyé spécial) – La situation d'insécurité qui sévit au Sahel réoriente une bonne partie des dépenses publiques.
Les États sont amenés à consacrer une bonne partie de leur budget en équipements militaires ou de renseignements pour faire face à la montée du terrorisme, de l'extrémisme et des groupes d'auto-défense.
C'est à l'image du Tchad qui consacre 30% de ses dépenses à la sécurité ainsi que le Mali qui est 24%.
La question était au centre des échanges de la Session sur « la Démographie, la Paix et la Sécurité » organisée par le bureau UNFPA pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre, le jeudi 20 février dans la capitale malienne.
C'était en marge de la 20e Édition du Forum de Bamako qui avait pour thème: « Quelle Afrique à l'horizon 2040 », du 20-22 février 2020 .
Une situation que M. Noufou Sawadogo, représentant l'Institut national de la statistique et de la démographie du Burkina Faso à ce forum a jugé inquiétante dans ce pays dont le contexte social est caractérisée par une croissance démographique élevée (3,1% par an).
A cela, il ajoute la multiplication des revendications dans les secteurs socio-professionnels et l'effritement de la cohésion sociale au sein des communautés et les revendications sociales dans le monde du travail.
Sans oublier des conflits ouverts inter et intra-communautaires dus à l'occupation foncière, la chefferie coutumière, les suspicions relativement aux attaques terroristes, etc.
Le dilemme des attaques à répétition
Ce choix des États du Sahel peut se justifier vue la dégradation de la situation sécuritaire. Pour le cas du Burkina Faso, selon M. Sawadogo, fait savoir que ce pays est secoué par l'aggravation considérable du contexte sécuritaire avec les attaques à répétition.
A l'en croire, du 4 avril 2015 au 5 février 2019, 201 attaques terroristes dont 120 contre les positions des Forces de Défense et de Sécurité (Fds) et 81 contre d'autres cibles.
D'après lui, il a été décompté 558 décès dont 446 civils et 112 éléments des FDS et 272 blessés dont 143 FDS et 129 civils.
Ce qui, à l'en croire, accentue l'ampleur des personnes déplacés sans précédent dans l'histoire du pays, avec environ 220 mille depuis début juin 2019, provoque un état d'urgence décrété dans plusieurs provinces.
D'où l'émergence de nouvelles charges pour le budget de l'État à travers notamment, le financement des dépenses de fonctionnement, les efforts d'équipement, la mise en place d'un nouveau mécanisme de motivation des forces de défense et de sécurité sur le théâtre des opérations.
Une situation dont les causes directes se résument par le manque d'instruction, le chômage, pauvreté, la raréfaction des ressources, persistance des inégalités sociales…
Un état de fait qui inquiète du moment qu'un impact pesant est attendu sur facteur démographique au moment où les budgets sont bouffés par la défense et la sécurité.
Selon les projections faites par l'institut national de la statistique et de la démographie burkinabé, la population moins de 15 ans va passer de 41,3 % en 1960 à 46,2% en 2020.
Dans cette même dynamique, cette structure attire l'attention sur la Population scolarisable (5-20 ans), qui va enregistrer une augmentation de 87% entre 1960 et 2020. Sans occulter la population jeune (15-34 ans) qui représente 34% en 2020 et projetée à 36% en 2040.
La demande sociale non satisfaite, source d'insécurité
La baisse ou le report des fonds à allouer aux secteurs sociaux peut être fatale pour un pays comme le Burkina Faso où tout est urgence.
Sur le secteur de l'éducation, la direction de la statistique du Burkina Faso informe que 50% des jeunes de 15-24 ans sont analphabètes, 79,7% des 25 ans sont sans niveau d'instruction (EMC 2014).
Concernant la santé, il est dénombré un médecin pour 14 404 habitants alors que la norme OMS est 10 000).
Au pays des « Hommes intègres », un infirmier doit s'occuper de 3619 habitants et une sage-femme pour 5 874 habitants. Une situation qui éloigne le pays dans son ambition d'assurer une bonne santé de la reproduction.
Sous l'angle de l'emploi, le Burkina Faso est frappé par un taux de chômage de 6,8% (EMC 2014), 92,3% de taux d'emplois vulnérables, 78,8% de taux d'emplois précaires, 61,2% de taux de sous emplois (EICVM 2009).
Le poids de l'accroissement démographique sur la croissance économique
Dans cette même dynamique, il a été relevé une absorption des effets de la croissance économique par l'accroissement démographique.
M. Noufou Sawadogo, lors de la session de l'UNFPA à Bamako, que le PIB par tête croit en dents de scie du fait de la croissance démographique plus importante.
A leur croire, 40,1% des Burkinabè sont pauvres en 2014 et vivent avec moins de 1,25 dollar par jour avec un taux d'emploi de 63,4% avec une pauvreté et une rareté d'emplois, surtout jeunes, qui fragilisent l'économie et facilitent la radicalisation.
Devant cet état de fait, les techniciens de la direction des statistiques du Burkina Faso estiment que l'analyse de la situation sécuritaire et de la paix au pays place la problématique des jeunes au centre de toutes les préoccupations.
Comme le stipule l'Union africaine et l'UNFPA qui place la capture du dividende démographique au cœur des programmes de développement, l'Institut national de la statistique et de la démographie du Burkina Faso recommande ainsi la maîtrise de la croissance démographique.
Il y ajoute le développement de l'économie rurale, la mise en place de systèmes où les jeunes ont toute leur place, l'amélioration de la promotion de la santé, de l'éducation et l'autonomisation, économique des jeunes et des femmes.