Les experts décrivent le nouveau Plan Directeur d'Industrialisation et de Diversification Economique (PDIDE) du Tchad comme point de départ d'un miracle économique pour ce pays sahélien
N'Djamena/Yaounde, le 9 mars 2020 (CEA) - La République du Tchad est désormais doté de son tout Premier Plan Directeur d'Industrialisation et de Diversification Economique (PDIDE) qui vise à porter le taux de croissance économique du pays d'environ -2% (en 2017) à plus de 8% par an, jusqu'en 2030. Ceci est la résultante d'un travail d'arrachepied, coordonné par le Bureau Sous-Régional pour l'Afrique centrale de la Commission Economique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA) et les services du Gouvernement Tchadien, mené à travers un processus participatif et inclusif qui a débuté en octobre 2018.
Dénommé « la référence pour un miracle économique du Tchad dont les potentialités sont fort réelles » par M. Adama Coulibaly, Chef de la Section des Initiatives Sous-régionales du Bureau Sous-Régional pour l'Afrique centrale de la CEA, le Plan a été validé ce 6 mars 2020 à N'Djamena, la capitale Tchadienne, après une revue méticuleuse de diverses parties prenantes, notamment : les hauts fonctionnaires et experts nationaux et internationaux, des leaders du secteur privé, des représentantes de la société civile, des chercheurs venant du monde académique, ainsi que des jeunes entrepreneurs du pays.
Selon M. Coulibaly, « Ce Plan Directeur sert à élargir et transformer la base de la production industrielle et de défense économique pour une croissance durable et inclusive au Tchad à l'horizon 2030 ».
Une initiative Présidentielle cadrée
Etendu sur dix (10) ans, le Plan, qui a été réalisé suite aux directives du Président de la République Tchadienne - S.E. M. Idriss Déby, relayé par son Ministre de l'Economie et de la Planification du Développement - M. Issa Doubragne, requiert un investissement initial d'environ 595,6 milliards de FCFA (soit 985,2 millions de $US) pour les projets y afférents entre 2020 et 2022.
L'adoption du PDIDE intervient juste quelques jours après l'inauguration, le 29 février dernier, par le Président Idriss Déby du Complexe Industriel des Abattoirs du Logone (CIAL), situé au village Ngara à 7km de la ville de Moundou (au Sud du Tchad). Cet investissement, du reste en ligne avec les orientations stratégiques du PDIDE, impulsera la transformation, le stockage, l'emballage et la commercialisation de plus 20 000 tonnes de viande par jour
Cet abattoir, appelé à créer près de 700 emplois directs et 1 500 emplois indirects est répertorié parmi les projets de valorisation des filières agro-sylvo-pastorales et halieutiques par le PDIDE confirmant, si besoin en était, la pertinence du diagnostic et recommandations du Plan Directeur.
Parlant du PDIDE, le Directeur Général de l'Economie du Tchad - M. Aboubakar Adam Ibrahim - a souligné que celui-ci a pour ambition de « promouvoir la diversification économique grâce à une industrialisation axée sur les ressources naturelles et induite par le commerce extérieur sur fond des avantages comparatifs du pays ».
« Le PDIDE est donc conçu pour réussir une industrialisation profonde, cohérente et en adéquation avec les caractéristiques fondamentales de l'économie domestique », a-t-il ajouté.
Mais il s'agit aussi d'équiper le Tchad avec des « arguments » pour affronter la concurrence qui s'annonce avec l'avènement de la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECAf) et de mieux tirer profit des opportunités offertes par un marché régional plus large et mieux intégré, comme l'a souligné le Ministre des Mines, du Développement Industriel, Commercial et de la Promotion du Secteur Privé - Mme. Achta Djibrine Sy, lors d'un entretien avec la mission de la CEA à N'Djamena ce 6 mars.
Synergies pour des filières porteuses
Pour ce faire, toutes les parties prenantes, sous la coordination du Gouvernement, doivent d'abord mettre un accent sur la production et distribution de l'énergie électrique renouvelable (avec 33 projets identifiés) et sur des investissements en infrastructures de transport comprenant des routes, chemins de fer, transport fluvial et lacustre, ports secs, entrepôts ; développement d'infrastructures urbaines et logements (23 projets/programmes identifiés). Le pays doit aussi renforcer son écosystème afin de faciliter l'implantation des entreprises industrielles et des services financiers et non financiers, notamment la construction de cités industrielles/Zones Économiques Spéciales, dans un premier temps dans les zones pertinentes des principales villes (N'Djaména, Moundou, Sarh et Abéché).
Les filières clés de l'industrialisation et la diversification du Tchad, dénommées « douze (12) piliers du PDIDE », sont les suivantes : i) viande, cuir, lait, ii) spiruline, sésame et karité, iii) coton, gomme arabique iv) raffinage et pétrochimie, v) exploitation aurifère, vi) exploitation des carrières, vii) industrie métallurgique, viii) réseau de fibre optique, ix) data center, intelligence, x) cimenterie, xi) transformation de marbre et carrières ; et xii) fabrication des briques.
Financements requis à la portée du pays
Le caractère « vert » du PDIDE et son souci de préserver l'équilibre environnemental à travers une trajectoire d'industrialisation à faible émission du gaz à effet de serre a été identifié comme point d'ancrage pour une mobilisation de fonds verts et autres ressources globales liées à l'adaptation et à la réduction des effets de changement climatique.
M. Jean Luc Mastaki, Economiste au Bureau Sous-Régional pour l'Afrique centrale de la Commission Economique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA) estime que « LE PDIDE devrait être porté par les financements innovants, y compris, l'accès aux fonds verts, comme le fonds carbone et mobiliser les opportunités offertes par la Finance Islamique et les marchés financiers local et sous régional, entre autres ».
« Mais il faudra absolument placer le secteur privé au cœur du PDIDE, améliorer le climat des affaires pour promouvoir les investissements de nationaux et attirer investissements directs étrangers. Il reste impérieux de renforcer les capacités locales en matière de maturation de projets bancables pour attirer les financements requis ».
Tous les participants au processus de validation, interne et externe, du PDIDE sont convaincus de la pertinence et la réalisabilité du Plan, tel que présenté. Cette initiative qui rentre dans le « Périmètre Présidentiel » sera aussitôt placé sur la table du Gouvernement Tchadien pour une mise en œuvre rapide, avec un Plan d'Action déjà élaboré.
Recommandations clés pour la mise en œuvre rapide du PDIDE
Renforcer la cohérence et la synergie entre le PDIDE et d'autres documents stratégiques de développement du Tchad, y compris le Plan National de Développement, la Stratégie de Développement du Secteur Privé, la Schéma Nationale d'Aménagement du Territoire ; et la Charte d'Investissement du Tchad ;
Bâtir une forte synergie et un dialogue permanent entre le secteur public et privé ;
Renforcer immédiatement les capacités du secteur privé et promouvoir les reformes visant à améliorer le climat des affaires pour une meilleure participation des investisseurs privés à la mise en œuvre du PDIDE ;
Mobiliser la diplomatie économique Tchadienne pour attirer les financements, identifier des niches d'exportation et encourager le secteur public à accompagner le secteur privé dans ses efforts de production et de conquête des marchés ;
Mettre en place un Haut Comité de pilotage du PDIDE, fonctionnel, et institutionnellement ancré à la Présidence de la République mobilisant l'ensemble des parties prenantes impliquées dans la mise en œuvre du Plan Directeur ;
Mettre en exergue le rôle central de la volonté politique portée par un Etat visionnaire ;
Insister sur le caractère vert du PDIDE comme point d'encrage pour la mobilisation des financements innovants liés au Objectifs de Développement Durales (ODD) ;
Promouvoir une meilleure utilisation des TIC pour l'inclusion financière et la mobilisation de l'épargne pour le financement du PDIDE ;
S'approprier des expériences réussies de pays africains et non africains qui se sont engagés dans le processus d'industrialisation tels que le Rwanda, l'Éthiopie, le Singapour, la Corée du Sud etc. pour une industrialisation inclusive et efficiente ;
Créer une cellule technique multisectorielle d'orientation et maturation des projets industriels, rattachée au Ministère de l'Economie et de la Planification du Développement ;
Elaborer, le plus tôt possible, une Stratégie de communication et de vulgarisation du Plan pour renforcer le « buy-in » et raviver la volonté politique autour de l'initiative ; et
Finaliser le Plan d'Action pour la réalisation des projets du PDIDE.
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Abel Akara Ticha - Chargé de communication
Commission économique de l'ONU pour l'Afrique
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