Réponse de l'Afrique au COVID-19
Messages clés pour les réunions du FMI et du Groupe de la Banque mondiale
Le COVID-19 est une crise qui touche le monde entier. Au fil des jours, l'impact de cette crise devient plus visible et plus généralisé. Bien que frappée plus tard, l'Afrique doit déjà faire face à une crise profonde et synchronisée. Les institutions sont déjà débordées à tous les niveaux - sanitaire, économique et social. L'Afrique est quasiment aux prises avec une paralysie économique soudaine avant même d'avoir atteint son pic de la pandémie. Des difficultés économiques lourdes et durables, qui mettront en péril progrès et perspectives, creuseront les inégalités entre et à l'intérieur des pays et aggraveront les fragilités actuelles, se profilent à l'horizon sur le continent. Sans gestion conséquente, ces difficultés compromettront aussi la reprise dans les pays développés. Nous pouvons y remédier, si seulement nous agissons immédiatement et collectivement.
Les dirigeants et décideurs de tout le continent se sont rencontrés et engagés à conjuguer leurs efforts et ont exprimé leur solidarité avec le reste du monde et entre eux-mêmes. Ils sont convenus d'agir de manière coordonnée pour lutter contre ce fléau. Les pays remercient la communauté internationale, en particulier le Groupe de la Banque mondiale et le FMI, d'avoir pris les devants et d'avoir décidé de réaffecter déjà des financements de plus de 2,3 milliards de dollars. Ils demandent toutefois que cette initiative soit accélérée et portée à une plus grande l'échelle pour être à la hauteur de la crise.
Les pays africains doivent être accompagnés pour gérer cette crise sanitaire et se préparer à faire face à ses retombées économiques durables. Les mesures prises en Asie, en Europe et en Amérique du Nord, comme la distanciation physique (sociale) et le lavage régulier des mains, constituent un défi redoutable pour des pays où la connectivité à l'Internet est limitée, la population dense, l'accès à l'eau inégal et les filets de sécurité sociale peu développés. Alors que les mesures de relance mises en place dans la plupart des pays développés représentent déjà plus de 10 % de leur PIB, et couvrent immédiatement les allocations de chômage, la suspension des prêts hypothécaires, les moratoires sur les remboursements de prêts, l'aide alimentaire, les exonérations fiscales, les financements relais au profit de grandes entreprises, des mesures supplémentaires pour des secteurs spécifiques - notamment 500 milliards de dollars pour la relance du secteur aérien américain par exemple, une telle une option ne saurait être envisagée pour une bonne partie du continent.
À l'image des mesures prises dans le monde entier, les pays africains se préparent aux pires effets de cette pandémie et à la profonde récession qui s'ensuivra. Des pays comme le Ghana ont étendu l'assurance maladie à tous les agents sanitaires, le Sénégal augmente les salaires des infirmières, le Kenya a supprimé les frais sur les transferts d'argent par téléphone portable et l'Éthiopie a relevé le montant des sommes pouvant être envoyées sur ces plateformes.
Malgré tous les efforts déployés, un certain appui s'impose et les pays en appellent également à la solidarité et au soutien du FMI, du Groupe de la Banque mondiale, de l'UE, de la BAD et des dirigeants du G20 qui se réuniront la semaine prochaine notamment pour examiner les points ci-après :
Soutien à une réponse sanitaire et humaine d'urgence immédiate :
a) La sensibilisation et la prévention sont les moyens les plus rapides de stabiliser la courbe. Les institutions devraient soutenir les campagnes de santé publique et l'accès à l'information, notamment au travers d'un partenariat accéléré avec le secteur privé pour la connectivité à l'internet, l'objectif étant, d'une part, de favoriser la poursuite de l'activité économique pendant la mise en œuvre des mesures de distanciation sociale, d'autre part, d'encourager le partage efficace d'informations sur la pandémie.
b) Il existe un véritable besoin de ressources supplémentaires pour appuyer les systèmes de santé africains. Selon l'OMS, il faudrait au moins 15 milliards de dollars pour que les pays puissent se procurer le matériel essentiel nécessaire pour sauver des vies et, partager et promouvoir la recherche, distribuer des vaccins, fabriquer, fournir et dispenser des services d'urgence. Cette aide permettra aux pays de se concentrer sur la gestion de besoins sanitaires immédiats. Un soutien devrait être apporté à l'OMS et aux centres africains de prévention et de lutte contre les maladies, les fonds étant acheminés par leur intermédiaire, par celui du Fonds mondial, de l'Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination et d'autres organismes.
Mettre immédiatement en place un programme de relance économique d'urgence, coordonné et équitable pour accompagner les gouvernements africains dans les efforts qu'ils mènent pour répondre à la pandémie du COVID-19 ; Il s'agira notamment :
a) D'entériner un ensemble complet de mesures de moratoire temporaire de la dette pendant deux ans pour tous les pays africains à faible et à moyen revenu. De nombreux pays, en particulier en Afrique, ont perdu leur accès au marché à cause de la pandémie du COVID-19 et doivent également faire face aux conséquences de la pandémie, qui se traduisent par des pertes considérables de leurs principales sources de revenu. Ces pressions ont rendu le service de la dette insoutenable pour la plupart d'entre eux.
b) D'annonce une enveloppe de 100 milliards de dollars pour financer immédiatement les filets de sécurité sociale pour les plus vulnérables, l'alimentation des enfants non scolarisés et la protection de l'emploi. En proportion du PIB, cette démarche est cohérente avec les mesures prises dans d'autres régions. Un doublement de l'accès à la facilité de financement d'urgence du FMI pourrait contribuer grandement à atteindre cet objectif. L'accélération du décaissement de l'aide budgétaire au travers de dispositifs de décaissement rapide comme le Guichet de financement des ripostes aux crises, le guichet de lutte contre les pandémies mondiales et la reprogrammation des programmes réguliers du Groupe de la Banque mondiale et autres mesures similaires de l'UE et d'autres membres du G20 au niveau bilatéral pourraient aider à réunir les ressources supplémentaires nécessaires.
c) Soutenir l'initiative tendant à accroître les allocations de droits de tirage spéciaux (DTS) afin de mettre à disposition des liquidités supplémentaires, qui serviraient notamment à l'achat de produits de base, de denrées alimentaires, de carburant et d'autres produits essentiels, ainsi qu'à fournir des liquidités au secteur financier, au secteur privé et aux entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises, au cours des deux ou trois prochaines années. Ces mesures pourraient également servir en partie de pont (de fonds commun de créances, par exemple) pour le service de la dette commerciale.
En retour, les pays s'engagent à mettre en place des systèmes renforcés de lutte contre la corruption, à améliorer la prévisibilité et la transparence des flux, ainsi que la reddition de comptes dans leur utilisation, afin que les ministres des finances puissent planifier efficacement et que les acteurs de la société civile puissent aider à suivre les flux de fonds pour s'assurer qu'ils parviennent rapidement à ceux qui en ont le plus besoin.
Mettre en œuvre des mesures d'urgence pour protéger 30 millions d'emplois immédiatement menacés sur le continent, en particulier dans les secteurs du tourisme et du transport aérien :
a) Les institutions de financement du développement doivent être appelées à agir de manière anticyclique et à accélérer le soutien au secteur privé, en particulier dans le secteur pharmaceutique et le secteur bancaire. De même, compte tenu de la crise alimentaire imminente, des mesures de soutien aux importations et aux exportations agricoles ainsi qu'au secteur pharmaceutique doivent être mises en place. Une facilité élargie de crédit, des mécanismes de refinancement et des facilités de garantie devraient être utilisés pour lever des liquidités supplémentaires, les restructurer et les mettre à disposition en 2020 et potentiellement en 2021.
b) Les institutions concernées, la Banque africaine de développement, l'UE, la Banque européenne d'investissement, les banques de développement et d'autres organismes devraient mettre à la disposition du secteur privé opérant en Afrique une ligne de liquidités afin de garantir que les achats essentiels puissent se poursuivre et que toutes les PME dépendantes du commerce puissent continuer de fonctionner.
c) À l'instar de ce qui est fait au niveau national, les dirigeants doivent veiller à ce que les plans de relance nationaux et régionaux couvrant les systèmes privés et financiers comprennent des mesures de soutien aux entreprises africaines, tout en permettant la suspension du crédit-bail, de la dette et d'autres remboursements aux entreprises mondiales.
L'ouverture du commerce est importante maintenant. Des chaînes d'approvisionnement efficaces et un commerce ouvert en faveur des entreprises seront essentiels à l'amélioration des stratégies de relance et peuvent contribuer à préserver davantage d'emplois. Les pays sont appelés à maintenir ouvertes les lignes du commerce mondial, de l'écologie et de l'aide humanitaire. Les États membres exhortent la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, la Commission économique pour l'Afrique et le Groupe de la Banque mondiale à les soutenir et à les aider dans le cadre de l'appel qu'ils ont lancé, d'une part, aux pays afin qu'ils surveillent les mesures prises et, d'autre part, à tous les partenaires afin qu'ils appuient le maintien du commerce ouvert. Ils appellent aussi ces institutions à appuyer les initiatives tendant à :
a) Suspendre d'urgence les droits de douane sur les importations de fournitures médicales essentielles à la lutte contre le COVID-19 ;
b) Utiliser la voie diplomatique pour plaider contre l'imposition par certains pays de limites à l'exportation de fournitures médicales essentielles à la lutte contre le COVID-19 ;
c) Aménager des couloirs commerciaux et humanitaires pour assurer la continuité des échanges ; prévoir des voies vertes pour l'agriculture et les produits liés à l'agriculture.
L'argument en faveur de la demande faite ci-dessus d'un moratoire de la dette temporaire
Il existe au moins trois justificatifs à un moratoire devant permettre aux pays de réorienter les ressources financières vers la lutte contre la pandémie :
La crise est mondiale et pourrait bientôt submerger des institutions comme le FMI, la Banque mondiale et le Club de Paris. La crise dans les pays en développement sera si dévastatrice qu'elle amplifiera les dommages causés par la pandémie aux États-Unis, en Europe et en Chine.
Les pays sont confrontés à un choc exogène et transitoire, qui justifie une aide financière substantielle et inconditionnelle. Les inquiétudes concernant le risque moral sont compensées par l'urgente nécessité de s'assurer qu'un choc transitoire ne provoque pas de dommages permanents. Cela signifie qu'il faut éviter les défaillances souveraines généralisées, la contagion et le chaos sur les marchés de la dette souveraine.
L'aide publique liée à la pandémie ne doit pas être utilisée pour désintéresser les créanciers privés.
Dans le cas où cela ne serait pas possible, la solution consistera à créer une facilité de pont (un fonds commun de créances) pour honorer la dette commerciale.