Johannesburg — La santé reproductive des adolescents en Afrique de l’ouest, tout comme dans beaucoup d’autres régions, est en train d’être impactée négativement par la Covid-19 avec comme conséquence la mortalité maternelle qui s’avère être la seconde cause des décès chez les adolescentes au Sénégal. Sethi Ncube de allAfrica a eu une entrevue avec Christine Sarr qui est l’une des 25 jeunes actrices du changement venues du monde entier, réunies par SheDecides 25x25.
Soulignant que la santé reproductive est une nécessité pour le développement, Sarr appelle les gouvernements, aussi bien celui du Sénégal que ceux des autres pays de la région au sens large, à accorder la priorité à ce service essentiel et à engager des financements en sa faveur.
En quoi consiste votre travail à SheDecides 25x25?
A SheDecides 25x25, nous croyons en l'autonomisation des femmes, nous croyons que les femmes ont un rôle à jouer dans la société et que leurs droits doivent être respectés. Nous plaidons en faveur de la prise en compte des besoins des jeunes, notamment en matière de santé reproductive. Nous faisons la promotion de l'accès à l'information pour les jeunes et nous avons organisé un camp à leur intention pour les former afin d'atteindre 5.000 jeunes d’ici à décembre 2021.
Les gouvernements cherchent à contrer la propagation du nouveau coronavirus ainsi que son impact et négligent ainsi les services essentiels liés à la santé reproductive. Que suggérez-vous à votre gouvernement de faire pour empêcher les effets à long-terme de cette négligence?
Les femmes craignent de se rendre à l’hôpital de peur d’y attraper le virus. Les enfants ne sont plus vaccinés car il y a des rumeurs que le vaccin contre la Covid-19 sera testé en Afrique. Par ailleurs, les hôpitaux limitent le nombre de consultations journalières. Compte tenu de la forte croissance démographique de nos pays, il faut compter au moins 8 femmes enceintes qui n'ont pas accès aux services de prise en charge primaires. Je pense que nos gouvernements devraient faire des efforts dans ce sens et mettre en place une ligne d’assistance pour les femmes enceintes et autres cas compliqués. Les hôpitaux doivent être mieux équipés pour répondre aux besoins en santé reproductive, notamment en matière de contraception.
Même en temps normal, l’accès aux soins suite à une violence sexuelle peut s’avérer extrêmement difficile en raison de la stigmatisation et bien d’autres raisons. Qu’est-ce que les femmes qui se trouvent dans cette situation devraient faire durant la période de pandémie?
La violence sexuelle est devenue un fléau très fréquent au Sénégal. En 2019, les organisations de femmes se sont battues pour que des mesures soient prises et aujourd'hui, au Sénégal, nous parlons enfin de la criminalisation du viol (NDLR: Selon la loi actuellement en vigueur au Sénégal, le viol est considéré une infraction mineure). Il s’agit d’un pas en avant même s’il faut souligner que ce n’est souvent pas ça le problème.
Le plus grand défi est de dénoncer ces actes méprisables et aujourd'hui - de peur que la société vous rejette ou que vous soyez regardé différemment - les familles préfèrent ne pas dénoncer des actes pareils. D'autres, par faute de moyens pour prendre en charge les victimes, les laissent faire face à leur sort, ce qui a de graves conséquences.
Par ailleurs, pour celles qui sont assez courageuses pour les dénoncer, de nombreux services ne sont plus offerts à cause de la pandémie, les procédures juridiques durent encore plus longtemps et il est difficile de gagner un procès très vite ce qui fait que certaines personnes abandonnent le combat.
Est-ce des mesures sont prises pour venir en aide, par exemple, aux travailleuses du sexe en cette période de pandémie?
Dans nos pays, les travailleuses du sexe sont fortement stigmatisées. Elles ne sont pas écoutées alors qu’en ce moment, du fait de la pandémie, elles sont les plus exposées. Nous avons vu, récemment, un communiqué de presse qui disait qu'elles avaient besoin du soutien de l'État en cette période de pandémie et tout le monde l’a partagé, mais pour en rire. Pourtant, elles sont des citoyennes qui ne font que revendiquer leur droit à la protection. En cette période de pandémie, la protection de tous les êtres humains est une priorité et l'État devrait en effet donner la priorité aux travailleuses du sexe. Conformément aux mesures barrières, la distanciation sociale est fortement recommandée tandis que leur travail nécessite un certain contact. Malheureusement, dans la plupart des cas, aucune mesure de protection n’est prise. Si nous disons que nous devons respecter toutes les réglementations, alors les travailleuses du sexe devraient bénéficier de plus de considération.
Dans la plupart des pays, les structures sanitaires ne disposent souvent pas d’installations adéquates pour offrir des services de santé reproductive. Qu'est-ce qui à votre avis pourrait mettre la pression sur les gouvernements pour qu’ils fassent mieux en cette période difficile?
Aujourd’hui, nous faisons face aux conséquences du coronavirus, la propagation du virus dans nos pays. Que se passera-t-il, cependant, demain, lorsque nous serons confrontés à un nombre élevé de grossesses non désirées, des naissances problématiques car les besoins n'ont pas été pris en compte auparavant, le gouvernement doit favoriser la communication pour que la population puisse mieux fréquenter les structures de santé afin que ses besoins puissent être pris en compte très tôt. L’Etat doit s'intéresser aux problèmes de santé reproductive et les Directeurs des hôpitaux doivent réfléchir sur la manière dont les services spécialisés de santé reproductive sont offerts.
L’attention des media a été entièrement détournée vers les reportages sur le virus. Comment, pensez-vous que, nous pouvons au mieux déplacer notre attention du virus vers d'autres questions d'égale importance?
Aujourd’hui, il n’est possible de ne rien faire sans les media. Nous recevons des informations à travers les media et ceci devrait inciter la société civile à collaborer davantage avec les médias pour dénoncer le fléau de la violence dans nos pays. Les journalistes de nos pays doivent être sensibilisés davantage sur les questions du genre d’une manière générale. Les chiffres y afférents doivent être mis en première page pour parler, par exemple, du nombre de cas de viols recensés dans nos pays - à travers les journaux, pour exhorter la population à la vigilance et la sensibiliser sur l'importance de la prise en charge des victimes. Ce serait également intéressant d’évoquer les conséquences afin de mieux toucher les lecteurs. Si nous le faisons tous/toutes, nous parviendrons à éradiquer le virus et à éviter les conséquences de la non prise en compte des besoins en matière de santé reproductive.