Afrique: Docteure Ndeye Astou Ndiaye, Maitresse de conférences à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar au Sénégal – « La Covid-19 n'est en rien une banalité mais l'Afrique doit en profiter»

Maitresse de conférences à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar au Sénégal, à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, Docteure Ndeye Astou Ndiaye est autrice de romans, nouvelles et contes.
19 Octobre 2020
interview

Maitresse de conférences à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar au Sénégal, à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, Docteure Ndeye Astou Ndiaye est autrice de romans, nouvelles et contes. Spécialiste des questions de politiques publiques et systèmes politiques en Afrique, elle est aussi la marraine de l'association « And Jëf ci Daara » qui mobilise ses forces pour l'accès à la dignité et à un quotidien décent aux enfants dans les Daaras. Elle nous parle de son site www.ndeyenubian.com et des séries de webinaires NUBIANLANE : le nouveau RDV de l'Afrique et de sa descendance.

Vous avez lancé le site www.ndeyenubian.com . Est-ce que vous pouvez revenir sur les motivations qui ont encouragé cette initiative personnelle ?

C'est une suite logique à mon engagement et aux activités que je mène depuis quelques années. Je nourrissais le projet du site, sauf qu'il me manquait de temps et des moyens matériels pour pouvoir l'organiser en rubriques. De fait, après la sortie de mon deuxième ouvrage « Commune condition », coïncidant avec le début de la Covid 19, j'ai pris le temps de le faire. Et comme je viens de le dire antérieurement, le site est constitué de différentes rubriques : une boutique, un blog dans lequel je publie souvent des thèmes distincts allant de « nos héros et l'histoire » à un clin d'œil pour les enfants avec les histoires de la petite Satou et enfin la partie Webinaire/NUBIANLANE : le RDV de l'Afrique et de sa descendance. La Covid 19, est aujourd'hui une occasion pour l'Afrique de sérieusement, s'écarter des stigmates dont le continent est victime depuis des siècles. Avec la pandémie toute la communauté internationale y conjecturait le pire, sauf que plus les mois passent, plus les Africains continuent à relever le défi avec une capacité de résilience extraordinaire.  Ce qui veut dire que des acquis existent bel et bien et les ressources humaines en font partie. Maintenant, aux Africains de revoir leur priorité et les politiques publiques à mettre en œuvre afin de décider eux-mêmes de leur avenir. Voilà substantiellement ce qui a encouragé l'initiative personnelle du site.

Qu'est-ce que ce site va apporter de plus ou d'innovant dans la dynamique de sensibilisation et de lutte contre la COVID-19 ?

En réalité www.ndeyenubian.com, va bien au-delà la période Covid-19. La dynamique de sensibilisation contre la Covid-19 est déjà est bien ficelée. Il suffit de respecter les gestes barrières, et les conseils de nos vaillants personnels de santé et nous sortirons de cette période pandémique pour faire face à d'autres défis. Comme le note le metteur en scène Hassane Kouyaté, ce qui tue le plus en Afrique c'est la mal gouvernance source de famine, de crises, d'absence de politique de santé publique ou encore de développement durable. Mais c'est aussi le paludisme qui a fait en 2018 plus de 200.000 décès alors qu'en mi-octobre 2020, la Covid-19 est à moins de 38.000 décès enregistrés par l'OMS dans le continent. La Covid-19 n'est en rien une banalité mais l'Afrique doit en profiter pour se frayer un chemin, celui de l'introspection et de la remise en question sur ses vraies priorités pour les générations à venir. Quels jalons posés pour l'après Covid-19 afin de relancer nos économies, réfléchir sur nos systèmes politique, de santé, d'éducation, d'économie… ? Voilà des questions auxquelles ndeyenubian.com aimerait apporter des réponses avec la collaboration d'acteurs africains et de la diaspora.

Vous envisagez d'organiser une série de webinaires sur des questions qui interpellent l'Afrique. Quels sont objectifs visés et quels sont les profils qui vont assurer l'animation ?

Ces Webinaires dans une perspective transdisciplinaire et experte ont pour but majeur de regrouper et de faire interagir des chercheurs, des experts et des citoyens afin de participer en Afrique, à un éveil d'une dynamique de développement durable et par le bas. La chercheure panafricaine et féministe que je suis, est certaine que les Africaines et Africains, dans leur ensemble doivent collaborer en termes de recherche-action afin de concevoir et d'être les propres acteurs de leur développement mental, culturel, politique et socio-économique. Et pour cela, la recherche ne doit pas s'éloigner de la réalité et du quotidien des hommes et femmes pour qui elle est censée être entretenue. Si aujourd'hui les États-Unis se sont construits sur des fondements cohérents c'est parce qu'il y avait un projet sociétal, un credo unificateur qui fait que les chercheurs travaillent en parfaite collaboration avec les autorités publiques avec une visée, celle de produire une action probante satisfaisant l'intérêt de l'essentiel des populations. C'est à ce titre que ces webinaires comptent produire à la fin de chaque séries un cahier de charges qui sera remis aux autorités publiques, aux ONG et représentations diplomatiques pour propulser la « fabrique » de politique publique.

S'agissant des profils, ils sont nombreux. Nous avons des chercheurs, des experts, des acteurs culturels, politiques, économiques, des militants de différentes causes de toute l'Afrique et de sa diaspora qui vont tour à tour, interagir avec des internautes du monde. Ce qui donnera un aspect à la fois holistique et expérimental ou comparé des analyses qui seront faites sur chaque thèmes et des conclusions qui en seront tirées.

Après chaque rencontre, vous comptez envoyer un cahier de charge aux autorités publiques, ONG et diplomatiques afin d'influencer les politiques publiques du continent et promouvoir les partenariats afro-africains et de la diaspora. Comment allez-vous faire pour que ces documents ne soient pas que des productions intellectuelles de plus ?

Ce sera plutôt après chaque série de rencontres pour la première par exemple, nous avons 11 séries qui vont jusqu'au mois d'avril 2021.  D'abord, il faut voir que la dynamique part du bas avec des possibilités d'échanges avec les autorités publiques, donc des acteurs du haut. De plus, elle n'apparait pas sous forme de lutte, de combats qui durcit le ton et rend parfois les discussions et propositions houleuses et sans issue favorable. Là, c'est une invite aux africains de toute part sans oublier la diaspora, à s'imprégner des problématiques de développement afin de construire une Afrique à partir des pluralités. Il y aura des actions de lobbying, des messages de prise de conscience à destination de tous et accessible à tous qui n'auront pas forcément cette image de productions intellectuelles compréhensibles par une frange des sociétés, pour ne pas dire par la crème sociétale.

Votre projet a pour slogan « Savoir qui l'on est, ce que l'on veut, où on va et par quels moyens y aller ». En tant que panafricaine et féministe engagée, pensez-vous que le continent doit continuer à bâtir sa citoyenneté voulue sur la base de modèles venus d'ailleurs ?

C'est une question pertinente à laquelle ce que j'ai dit tout au long de cette interview, répond. Je répète avec fierté que je suis féministe et panafricaniste parce que mes modèles sont africains. Si l'Afrique est le berceau de l'humanité, elle est également le berceau de la civilisation. Ces questions dont on traite actuellement, elles avaient été posées et résolues depuis fort longtemps par des Africaines et Africains. Pour aller plus loin, par exemple, les sociologues du politique posent encore la question de l'échec de la greffe d'un appareil étatique en Afrique, sauf que nous savons tous qu'un État repose sur des fondamentaux essentiels à une société. Contrairement à l'Occident, l'Afrique n'a pas décidé librement du type d'État qui lui sied, de sa démocratie, de ses laïcités, de ses féminismes… Si nous prenons le cas du Sénégal, difficile est d'y faire une analyse sociopolitique sans prendre en compte les religions et confréries. A partir de ce moment, une citoyenneté doit se bâtir selon un modèle immanent à la société dans laquelle elle compte émerger. Pour ainsi dire que l'Afrique à l'image des autres continents doit nécessairement dans un premier temps, bâtir ses propres citoyennetés internes avant de réfléchir sur une citoyenneté panafricaine qui ne serait dès lors plus une utopie mais une matérialité.

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