Si la situation actuelle en Guinée n'est pas une source de préoccupation pour la CEDEAO, quelle devrait être son niveau de gravité, pour amener les dirigeants ouest africains à se pencher sur le cas de ce pays qui risque de basculer dans le chaos, avec des conséquences imprévisibles chez ses voisins.
Le décompte macabre se poursuit, la violence verbale et les menaces se précisent, au fur et à mesure que la CEI attise le feu, en préparant l'opinion, au compte goutte, à l'issue finale à savoir la proclamation des résultats en faveur du candidat Alpha Condé.
La CEDEAO reste inerte face à ce spectacle de très mauvais goût pour la démocratie. Certes tout cela était inscrit dans une logique que bon nombre d'analystes avaient plus ou moins subodoré, dés lors que la CEDEAO s'était tue sur les trois textes constitutionnels réputés être issus du referendum du 22mars 2020, tenu in extremis dans le délai de 6 mois avant le scrutin, et que ses experts avaient donné une caution de fiabilité au fichier électoral, finalement expurgé de 1 million cinq cent mille électeurs fictifs, ou tout au moins non éligibles à figurer sur ledit fichier.
Les missions de supervision de la CEDEAO n'ont à vrai dire, jamais exprimé d'avis négatifs sur les scrutins favorables aux candidats à leur propre succession. Elles sont toujours restées dans « le scrutin globalement satisfaisant ».
C'est la raison pour laquelle leur crédibilité a été sérieusement entamée, même si lorsque le Président Gambien Yayha Jammeh a voulu se maintenir au pouvoir, malgré sa défaite contre son challenger Adama Barrow, la CEDEAO a fait montre de toute sa détermination pour faire appliquer la légalité, au besoin en menaçant d'user de la force pour le déloger.
Une sorte de baroud d'honneur qui l'on se rappelle n'avait pas emporté à l'époque l'assentiment du même Alpha Condé qui aujourd'hui s'accroche à « son 3ème mandat » et le Président Abdel Aziz de Mauritanie qui a finalement quitté le pouvoir au terme de ses 2 mandats. Ces péripéties sont récentes.
Aujourd'hui on a l'impression que la CEDEAO veut pousser le régime guinéen dans les bras de l'armée, qui sans aucun doute ne restera pas les bras croisés, si la situation évolue de manière négative du point de vue de la sécurité du Pays. Or c'est le cas. Les victimes des violences post électorales du fait des forces de sécurité dépassent la dizaine, et les manifestations de contestation des résultats du scrutin, mêlées à celles opposées à la candidature à un 3ème mandat de Alpha Condé s'amplifient sur l'ensemble du pays, sous le regard « impuissant » de la CEDEAO.
Faudrait-il attendre le chaos en Guinée et une prise du pouvoir par les militaires pour voir la CEDEAO brandir son protocole sur la gouvernance démocratique et se donner la légitimité d'imposer un blocus (comme elle l'a fait au Mali), autour de la Guinée, lourdement éprouvé par l'embargo décidé sur un « fait du prince » par Alpha Condé, en fermant ses frontières pour empêcher les citoyens guinéens résidents au Sénégal, en Guinée Bissau de voter, selon toute vraisemblance, contre lui ?
La CEDEAO joue sa crédibilité et son honneur, car si le cas de la Guinée venait à faire jurisprudence, à savoir qu'un président sortant puisse avant la proclamation des résultats du scrutin « confiner son challenger » ce serait la porte ouverte à l'aventure. La démocratie en pâtirait pour beaucoup.