Detruir La Foret, Nuire Aux Populations - Les impacts négatifs du commerce illégal du bois entre le Cameroun et le Vietnam

10 Novembre 2020

Au terme de plus de trois ans d’enquête au Cameroun et au Vietnam, le Centre pour l’Environnement et le Développement (CED) et l’Environmental Investigation Agency (EIA) ont publié ce jour le rapport intitulé ‘’Bois volés, temples souillés’’. Le rapport décrit comment un groupe d'entreprises vietnamiennes opérant au Cameroun est au cœur du commerce illégal de bois, activité en plein essor entre le Cameroun et le Vietnam. Le rapport de CED et EIA présente des preuves concernant l’exploitation illégale des forêts, les trafics illégaux couverts par la paperasse, de fausses déclarations, des violations généralisées des lois camerounaises régissant les exportations et les conditions de travail. Les opérations des trafiquants de bois sapent les efforts actuels de lutte contre l’importation de bois illégal au Vietnam. De plus, le commerce illégal du bois a souillé de nombreux temples vietnamiens, où le bois camerounais est devenu une pièce centrale de nombreux projets de construction et de rénovation.

Ces dernières années, le commerce du bois entre le bassin du Congo et le Vietnam a explosé, reliant l’avenir de certaines des dernières forêts intactes du monde à l’un des centres asiatiques de transformation du bois à la croissance la plus rapide. En 2005, le bassin du Congo représentait 7% des importations de bois du Vietnam en valeur; en 2019, ce chiffre était passé à 73%. Le Cameroun est de loin le plus gros exportateur de bois du bassin du Congo vers le Vietnam. Le pays est le premier pays fournisseur de grumes tropicales au Vietnam, représentant 37% des grumes tropicales importées au Vietnam de 2017 à 2019, pour une valeur totale de plus de 880 millions de dollars américains.

Le rapport conjoint CED-EIA montre la manière dont plusieurs sociétés commerciales vietnamiennes opérant au Cameroun dans le secteur des forêts sont au cœur de ce commerce en plein essor. Des responsables de plusieurs des sociétés exportatrices et importatrices, basés au Cameroun et au Vietnam, ont révélé aux enquêteurs sous-couverts les nombreux actes illégaux qui émaillent la chaîne d'approvisionnement. Au nombre de ces illégalités, on pourrait citer des opérations d'exploitation forestière illégales autour de la Réserve de Faune du Dja, site du patrimoine mondial de l'Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture (UNESCO) ; la violation de l'interdiction d'exportation partielle de grumes camerounaises et la réglementation qui limite la taille des sciages autorisés à l'exportation et, enfin, les violations de nombreuses dispositions du Code du Travail en vigueur au Cameroun.

« L'ampleur des illégalités que nous avons découvertes est alarmante, comme le sont leurs conséquences négatives sur les forêts, les populations et l’économie du Cameron », a déclaré Lisa Handy, Directrice des forêts d'EIA. « Les trafiquants sapent les efforts de longue date déployés pour une meilleure gouvernance forestière au Cameroun, en particulier dans le cadre de l'Accord de Partenariat Volontaire entre le Cameroun et l'Union européenne ».

Le commerce de bois entre le Cameroun et le Vietnam se caractérise également par un écart de déclaration considérable d’un pays à l’autre. Entre 2014 et 2017, les exportateurs du Cameroun ont déclaré 308 millions de dollars américains (soit 148 milliards de FCFA) de moins que les importateurs au Vietnam. Cela indique des pertes potentielles considérables de revenus pour l'Etat camerounais.

« La croissance du commerce du bois entre le Cameroun et le Vietnam n'a pas aidé notre pays, elle lui a littéralement nui », a expliqué Samuel Nguiffo, Secrétaire Général du CED, basé à Yaoundé. Il a ajouté :  « Il y a de nombreuses opportunités qui s'offrent à nous pour inverser la tendance et créer un secteur forestier qui aide notre pays, une fois que nous aurons arrêté les malfaiteurs et leurs facilitateurs. » La récente opération lancée par la Direction Générale des Douanes du Cameroun contre l'exportation illégale de bois pourrait être idoine à cet effet.

Les impacts négatifs touchent directement le Vietnam, où les grumes camerounaises, en particulier l'essence appelée tali (Erythrophleum ivorense), ont été utilisées dans les temples. Comme une source l'a expliqué aux enquêteurs, « Le tali est assez bon marché, mais il est durable. Il peut rester le même après des centaines d'années. Tous les temples datant d'il y a cinq ans sont construits avec du bois africain [...] Si vous allez dans des temples en général, ou des temples communaux en particulier, vous verrez qu'ils sont tous faits de tali. »

Le volume des importations de produits ligneux illégaux du Cameroun pose un défi concret et immédiat au processus d'APV en cours au Vietnam, le pays ayant récemment annoncé son Système d'Assurance de la Légalité du Bois (VNTLAS), entré en vigueur le 30 octobre 2020. Selon les trafiquants, dans de nombreux cas, le bois illégal expédié du Cameroun au Vietnam est blanchi au moyen de documents obtenus illégalement auprès des autorités. L'enquête et la poursuite conjointe des réseaux criminels forestiers entre les gouvernements camerounais et vietnamien pourraient être une prochaine étape prometteuse pour protéger la forêt et le peuple camerounais.

En octobre, le représentant américain au Commerce (USTR) a ouvert une enquête sur les actes, les politiques et les pratiques du Vietnam liés à l’importation et à l’utilisation de bois récolté ou commercialisé illégalement. La mise en œuvre de la loi Lacey devrait également garantir que les produits du bois provenant de sources illégales n'entrent pas sur le marché états-unien via le Vietnam.

Contact :

Lindsay Moran, Directrice de la Communication, EIA, lmoran@eia-global.org

Samuel Nguiffo, Secretary General, CED, snguiffo@yahoo.fr

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