« La Redéfinition des Entreprises via l’Auto-Disruption ». C’est le thème autour duquel le Financial Times et Philip Morris International avaient convoqué la réflexion en début d’après-midi du jeudi 19 novembre. Ce webinaire tourné vers l'avenir, a examiné comment les entreprises peuvent équilibrer le risque et l’innovation au-delà de l’offre de produits et de services, afin d’opérer une transformation profonde et pertinente, en toute sécurité.
Le milieu de l’entreprise africaine semble être dans le bon tempo dans un contexte où tous les pays se projettent sur une dynamique de relance permettant de se remettre d’une crise de COVID-19 ayant frappé le cœur des économies du continent. Ce qui permet de dire que sa redéfinition via l’auto-disruption est sur la bonne voie.
C’est ce que confirment les spécialistes qui ont animé le panel virtuel sur « La Redéfinition des Entreprises via l’Auto-Disruption » que le Financial Times et Philip Morris International ont organisé ce jeudi 19 novembre.
En économie, la disruption désigne le bouleversement d'un marché sur lequel les positions sont établies avec une stratégie inédite.
Cet état de fait est observé sur le continent durant cette période de COVID-19 où tous les acteurs du secteur privé étaient dans l’obligation de se réinventer pour se mouvoir dans ce contexte de mutations profondes. Les entreprises ont développé des moyens de subsistance afin de ne pas subir de plein fouet la crise.
L’Économiste tunisiens, M. Noômen Lahimer qui définit l’auto-disruption comme étant un choc, une rupture qui peut être conduite de changement radical de concept relève que « tous les secteurs se prêtent à l’auto disruption et la COVID l’a démontré ».
Si la crise a fortement secoué un pays comme la Tunisie connu pour son tourisme qui fait vivre une bonne partie de la population, dans d’autres secteurs, par contre, l’innovation technologique a permis d’accélérer les processus de changement.
Dans le textile, par exemple, un changement s’est opéré sur toute la chaine de valeur avec un mouvement de relocalisation des unités de productions.
Pour Mme Ramatoulaye Adama Diallo, CEO Orange Money au Sénégal, l’auto disruption est devenue indispensable parce que les gens ont pris le temps de voir beaucoup de choses venir.
Dans le monde des télécommunications, fait-elle remarquer, l’auto disruption se vit au quotidien par les acteurs qui sont dans l’obligation de se remettre tout le temps en question.
Avec le Mobil Money, la COVID-19 a été un élément accélérateur. « Chacun était sur ses plans stratégiques internes et finalement tout le monde s’est trouvé dans une situation où il fallait se retrouver et accélérer les processus ».
Pour elle, cette dynamique a participé à développer l’inclusion financière en Afrique de l’Ouest, particulièrement dans la zone UEMOA, conformément aux directives et mesures prises par la BCEAO.
Dans la même veine, M. Fathallah Sijilmassi, Économiste marocain de souligner que dans son pays, avec la vision du Roi Mohamed VI, l’objectif était de replacer l’humain au centre des processus et la COVID-19 n’a fait qu’accélérer les choses.
A son avis, la pandémie a créé une connexion entre le monde de l’université, de la recherche et le monde des entreprises. Il s’est réjoui de la résurgence d’une tendance à développer des initiatives endogènes pour impulser une dynamique devant faire face à la crise.
Pour lui, avec la COVID-19, il y a eu une tendance à la reconstitution de la chaine de valeur mondiale et au Maroc s’est développée une volonté de faire de la croissance verte une dynamique qui place l’humain au cœur du processus.
M. Tommaso Di Giovanni, Vice-Président Communication Internationale Philip Morris International, pour sa part, estime que la multinationale dans laquelle il travaille a pris depuis fort longtemps le train de l’auto-disruption.
« Chez nous, notre vision était de répondre à un besoin de faire autre chose que la cigarette classique et proposer quelque chose de très énergisant avec des composants moins nocifs qui constituent 70% de nos dépenses commerciales».
A son avis, la technologie a joué un rôle essentiel dans le processus d’auto-disruptive enclenché par Philip Morris International du moment qu’en interne, la multinationale a donné une place importante à la science dans la production des produits proposés sur le marché.
D’après lui, Philip Morris International compte en son sein plus de 400 scientifiques qui travaillent dans son centre de recherche. « Ce qui n’a jamais été imaginable dans une industrie de tabac. Ceci montre une mobilisation totale pour un changement de paradigme », souligne-t-il.
M. Di Giovanni estime que dans les entreprises, il faut que les équipes soient beaucoup plus agiles en donnant une place de choix à l’innovation et une dynamique qui veille sur l’évolution des marchés.
L’administration publique invitée à suivre la dynamique
Si le monde de l’entreprise est très enthousiaste face à la nécessité de se redéfinir via l’auto-disruption, il nourrit des craintes par rapport à la participation de l’administration publique qui est un élément clé dans le dispositif global.
Cette appréhension est nourrie par la réticence connue du secteur public face aux changements, mutations et innovations technologiques ou sa lenteur à mettre en œuvre les réformes.
Devant cet état de fait, l’Économiste tunisien M. Noômen Lahimer plaide pour une flexibilité de l’administration par rapport à l’auto-disruption. Une option qui, selon lui, passe par une digitalisation de l’administration, dictée par une volonté politique déterminée à réduire cette résistance.
Selon lui, il faut que l’administration fasse son auto-disruption pour que les choses changent. « Cette auto disruption doit être endogène car si elle est imposée, cela peut développer de la résistance. Cela est également valable pour l’entreprise».
Dans cette dynamique, il estime que le modèle à emprunter doit être flexible et adaptable à tout genre de situation. Ils doivent être agiles et ouverts.
Ramatoulaye Adama Diallo, CEO Orange Money au Sénégal, quant à elle, met le doigt sur la nécessité d’apporter de l’innovation qui répond aux besoins des populations ou soulage leur douleur.
A son avis, une bonne auto-disruption passe par un leadership fort et que tous les pays africains travaillent pour une interconnexion de tous les acteurs de l’écosystème et développer des synergies pour le bénéfice des consommateurs. D’où l’importance, selon elle, de mettre la touche humaine au cœur du processus.
Dans cette volonté d’embarquer l’administration, Fathallah Sijilmassi pense que les pays doivent aussi travailler pour que l’entreprise devienne de plus en plus citoyenne. « Elle peut certes gagner de l’argent mais le faire aussi dans un esprit citoyen ».
Un appel qui, à son avis, est adressé à la société civile dont l’importance de son rôle a une fois de plus été démontrée durant la gestion de cette pandémie où par moment l’État a été défaillant.
L’Economiste marocain y greffe la nécessité de donner à la jeunesse africaine une projection solidaire et un enthousiasme pour la permettre de participer à cette dynamique.