Le cou cerclé de chainettes en or, les doigts chargés de bagues et le corps enseveli sous des tonnes de jean ou de cuir, l'émigré ne souffre pas de passer inaperçu. Il faut le regarder. Le voir. L'admirer. Son séjour long et lointain dans ces pays de la galère et du grand froid a gommé en lui la moindre parcelle de modestie. Oubliés les jours passés à enjamber les murs de l'indifférence dans ce pays qui ne voue un culte digne de ce nom qu'au dieu argent. Le voilà donc qui conteste aux femmes leur légendaire coquetterie. Bagues et chaines étaient, il n'y a guère, des signes d'aisance sociale de ces femmes qu'un mariage réussi invite à une exposition forcenée de leur bonheur conjugal. Mais l'émigré voudrait souffler l'aisance à l'œil nu.
L'or donc. Et une certaine manière de se nipper et de se guinder qui fout des complexes aux « locaux » et donne des envies de prendre le large. D'ailleurs, tout dans son propos tend à ravaler le vécu de ses compatriotes restés au pays à sa plus simple expression. Ce pays n'est rien, ses hommes n'ont rien. Y vivre, c'est ne pas vivre. La vraie vie se trouve ailleurs, dans cet Eldorado européen ou américain où il suffit juste de se courber pour ramasser les pépites d'or. Il y est revenu les valises pleines et l'ego surdimensionné.
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