C'est un cas unique parmi les suspects de génocide transférés au Rwanda par l'ancien Tribunal pénal international pour le Rwanda et d'autres juridictions étrangères. Condamné à la prison à vie en première instance, Bernard Munyagishari a créé la surprise en appel : il a plaidé coupable de génocide. Les parties se félicitent. Famille et rescapés s'interrogent.
Le grand gaillard, apparaissant seul sur deux écrans géants, visage rond et habit rose de détenu, essaie d'adoucir le regard de ses yeux rouges vifs et ajuste régulièrement sa position, comme s'il se sentait observé par ses juges. En ce 12 Novembre 2020, dans la salle d'audience de la Cour d'appel de Kigali, capitale du Rwanda, la routine des prétoires semble complètement chamboulée par la pandémie de Covid-19. Sur des bancs au bois dur réservés au public et qui malmènent dos et fessiers, moins d'une dizaine de gens de médias, bloc-notes et stylo en main, attendent en proférant des commentaires peu tendres sur « les caprices du noiraud » présent à l'écran. Les murmures vont bon train aussi bien sur ces bancs que sur l'estrade. On dirait un petit complot en train de s'ourdir. Et n'était la présence de gens de robe et leur sempiternel protocole, on se croirait à une séance de règlement d'un litige familial plutôt qu'à un procès pour génocide, tant les « n'est-ce-pas », les acquiescements de tête, les regards complices entre le procureur et le conseil de l'accusé tranchent avec les séances à couteaux tirés qui ont marqué sans discontinuer le procès en première instance de Bernard Munyagishari.
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