Dakar — Cela fait maintenant onze ans que l'Assemblée Nationale du Sénégal a adopté une loi déclarant la traite atlantique et l'esclavage du peuple africain comme un crime contre l'humanité. La loi promulguée par le Sénat sénégalais le 27 avril reconnaît non seulement l'esclavage comme un crime, mais elle exige également que cette histoire soit enseignée dans les écoles.
L'un des articles de la loi désigne la date du 27 avril comme une journée de commémoration de la criminalisation de l'esclavage au Sénégal.
À ce jour, le Sénégal est le seul pays africain qui a voté une telle loi criminalisant cet acte épouvantable dans l'histoire humaine et qui a osé le qualifier de crime contre l'humanité. Depuis trois ans, la ville de Dakar organise des événements le 27 avril et plusieurs organisations locales, ainsi que celles de la diaspora, soutiennent cette initiative afin que les autres pays suivent l'exemple du Sénégal. Le 27 avril marque également la date de l'abolition de l'esclavage par la deuxième république française, qui s'appliquait à l'époque à ses colonies dans le monde entier. Selon les estimations, vingt-deux millions de personnes étaient originaires du monde africain entre les années 1500 et 1888.
Aujourd'hui, grâce au travail approfondi des spécialistes comme Andrew Kahn et Jamelle Bouie, le monde dispose d'une reconstitution des faits historiques et d'une représentation plus précise de la traite transatlantique des esclaves . Selon Kahn et Bouie, 20 528 voyages ont été effectués pendant cette traite sur une période de 315 ans, et des millions d'Africains ont été réduits à l'esclavage. Les chiffres présentés dans les découvertes de Kahn et Bouie ne reflètent pas l'ampleur de cet horrible commerce, dans la mesure où certains historiens estiment que pour chaque personne vendue, dix autres sont mortes ou ont disparu. Cependant, leurs recherches donnent un compte rendu plus détaillé des bateaux enregistrés, des noms des capitaines de navires et du nombre de prisonniers à bord de ces derniers.
Pour décrire l'impact dévastateur de la traite atlantique des esclaves sur les Noirs, l'anthropologue et spécialiste des études africaines, Marimba Ani, a crée le concept Maafa , il provient du mot Swahili qui signifie « événement terrible ou tragédie ». Il tente d'englober le nombre réel de personnes qui sont mortes pendant les captures, les guerres, les razzias qui reste encore à être pleinement évalué, ainsi que la destruction des structures sociales et gouvernementales traditionnelles qui a plus tard facilité les crimes de la colonisation, et même aujourd'hui ceux de la néo-colonisation,. Ce Maafa, historique a profondément façonné la culture mondiale, a transformé l'Afrique en l'un des continents les moins peuplés et à laissé de trop nombreux Africains traumatisés et appauvris pendant des générations.
L'esclavage était un système économique ancré dans le racisme et les atrocités du racisme sont toujours bien présentes. Aujourd'hui, il est urgent de combattre le racisme, en rappelant que c'est ce même racisme qui a tué George Floyd et Breonna Taylor ; c'est ce même racisme qui est encore à l'origine de l'incarcération massive des Afro-Américains ; c'est ce même racisme qui tue de manière disproportionnée les Noirs au Brésil ; c'est ce même racisme qui permet aux pays occidentaux modernes de soutenir les dictateurs qui leur obéissent sur le continent africain. Le racisme a entraîné l'assassinat de plusieurs héros africains de la lutte pour la libération, comme Patrice Lumumba et Thomas Sankara. Aujourd'hui encore, ce même racisme manipule les lois de la finance mondiale, régit les interactions et le commerce au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et dicte les modèles économiques mis en place par la Banque mondiale sur le continent africain. C'est ce même racisme qui privilégie l'argent alloué au service de la dette au détriment de la vie des femmes qui accouchent sur le continent, ce même racisme qui empêche les entreprises médicales de partager le brevet du vaccin Covid-19 afin que les pays en développement d'Afrique bénéficient d'un accès équitable à des traitements vitaux. Il est important de s'attaquer au racisme, l'une des racines les plus profondes de la négation de l'humanité des Africains et des Noirs dans le monde.
En ce 27 avril, nous invitons le reste du monde à se joindre au Sénégal pour déraciner les vestiges racistes de l'esclavage. Oeuvrons pour l'adoption d'une législation qui libère véritablement la vie des Noirs. Au-delà de la loi, nous avons l'opportunité de réécrire l'histoire en reconnaissant que l'esclavage a privé des millions d'Africains de leur dignité et a rendu leurs pays vulnérables à l'exploitation par les puissances occidentales qui continuent à bénéficier des poursuites coloniales et néocoloniales. Le moment est venu d'enseigner à tous les enfants la véritable histoire et de mettre en place un programme destiné à réparer les dommages économiques, sociaux et culturels causés par l'esclavage.
Aujourd'hui, Africans Rising for Peace Justice and Dignity , mouvement de solidarité entre les Africains du continent et de la diaspora, a pour objectif de réécrire l'histoire et de pousser au changement. Même si nous sommes déterminés à construire un avenir pour tous les Africains, nous reconnaissons la nécessité de « l'héritage des mémoires ». Cela commence par le rappel des événements historiques, notamment le fait que l'Afrique est le berceau de l'humanité et que les Africains ont été les premiers adeptes de la civilisation. Rejoignez-nous pour notre plus grande mobilisation annuelle le 25 Mai, Journée de la Libération de l'Afrique , et entrez en contact avec des activistes et des mouvements africains à travers le monde au moment où nous nous réunissons en solidarité pour explorer le thème du « Le Panafricanisme au 21e siècle : Notre Santé, Nos Droits, Notre Avenir »
Coumba Toure et Mohammed Lamin Saidykhan, Co-Coordonnateurs de Africans Rising for Justice, Peace, and Dignity basés au Sénégal.