Afrique: Quelle place pour les consommateurs de tabac dans la lutte contre le tabagisme

28 Septembre 2021

Le Forum Mondial sur le Tabac et la Nicotine  a lieu du 21 au 23 septembre 2021. Organisé chaque année depuis 2008, cette rencontre de haut niveau est l’occasion de confronter les idées, politiques et résultats scientifiques concernant le tabac et la nicotine.

Le thème de cette année intitulé : «  A la poursuite du changement : innovation et durabilité » , a placé au cœur des échanges la question fondamentale, mais néanmoins polémique, de la place de la réduction des risques liés au tabagisme.  Les e-cigarettes et le tabac chauffé font partie, à titre d’exemples, des produits mis sur le marché et considérés comme réducteurs de risques. Malgré leur utilisation grandissante, et les nombreux résultats scientifiques qui attestent d’une nocivité moindre par rapport à la cigarette traditionnelle combustible, les opposants font front, avec en première ligne, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Une guerre sans merci qui ne semble pas toujours être au bénéficie du consommateur.

Lors du panel Les consommateurs : des parties prenantes clés , organisé le 22 septembre, quatre experts ont ainsi échangé sur l’importance de la prise en compte du consommateur final dans toute décision relative au tabac et à la nicotine, de la fabrication à la distribution finale :

« Les personnes qui se battent contre la réduction des risques ne dorment jamais. Elles s’activent constamment et elles sont très largement financées. Les associations de consommateurs ne sont pas aussi bien financées mais elles doivent rester vigilantes et continuer à s ‘organiser parce que finalement, les consommateurs sont bien plus nombreux que les activistes qui luttent contre l’application de la réduction des risques. Ils ont donc réellement un rôle prépondérant à jouer…L’apathie est notre ennemie. Il faut rester vigilants » a déclaré le consommateur, écrivain et militant pour la réduction des risques Martin Cullup

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Simon Clark, Directeur de l’organisation de consommateurs « Forest » pour le droit de fumer, a, quant à lui, insisté sur le stigmate que porte le consommateur de cigarettes et qui l’empêche d’être une partie prenante crédible des discussions sur le tabagisme :

« Les adultes doivent être éduqués concernant les risques liés au tabagisme mais ils doivent être également autorisés à faire leurs choix sans être nécessairement stigmatisés ou infantilisés. Nous sommes des soutiens chevronnés lorsqu’il s’agit du choix du consommateur et nous soutenons à 100% le développement des produits à réduction de risques… mais nous devons aussi évoquer le sujet qui fâche : beaucoup de personnes aiment fumer et ne veulent pas arrêter. Ce simple fait doit être pris en considération par l’industrie du tabac, l’industrie du vapotage, les défenseurs de la réduction des risques et les militants de la santé publique. Les avis de fumeurs concernés sont de plus en plus marginalisés et ignorés. »

Le point de discorde qui surgit régulièrement lorsque l’on parle de lutte contre le tabac et les maladies liées au tabagisme concerne la protection des jeunes et leur possibilité (ou non) d’accéder aux nouveaux produits. Les uns brandissent l’argument d’un marketing et design trop attrayant et qui suscite, de fait, la tentation des jeunes. Les autres, comme Chris Aikens, Directeur des affaires externes chez de RELX International (qui commercialise des cigarettes électronique dans le monde), (……..) assure que tous les moyens sont mis en œuvre pour les protéger :

« Nous avons un programme nommé « Guardian » (Gardien) destiné à protéger les mineurs. Il a été mis en place pour que nos produits ne soient conçus, marketés, et vendus aux mineurs. Nous avons des directives en termes de marketing. Par exemple nous n’utilisons jamais de dessins ou une imagerie qui attirerait les enfants, et nous utilisons systématiquement l’avertissement que nos produits sont pour les adultes uniquement »

Quid de l’Afrique et des pays à faible revenus ou revenus intermédiaires (PFR-PRI) ?

Pour Martin Cullup, il ne fait aucun doute que le fossé structurel entre pays à revenu élevé et les PFR-PRI rend l’application de la réduction des risques difficile. A plus forte raison, selon lui, lorsque des organisations telles que l’OMS exerce un pouvoir dans le domaine de la santé publique, qui est quasi total :

« L’OMS est la partie prenante qui cause le plus de tort dans les PFR-PRI. Dans les pays occidentaux par exemple les organisations de consommateurs pour la réduction des risques ont plus de moyens et sont plus développées et donc elles peuvent se battre contre l’OMS. En revanche, dans les PFR-PRI, les déclarations de l’OMS sont presque perçues comme des paroles évangéliques et cela ne les aident pas à contrer les politiques. »

Dans le cadre d’un second échange l’Ambassadeur américain James K. Glassman, ancien sous-secrétaire d'État à la diplomatie publique et aux affaires publiques de 2008 à 2009 et Rosemary Leonard, médecin généraliste britannique et journaliste de télévision étaient également invités à s’exprimer sur la question de la réduction des risques.

L’Ambassadeur a insisté sur l’opportunité de changer la donne grâce aux nouvelles technologies : « Les efforts pour mettre fin au tabagisme ont de nos jours les outils les plus puissants qui n’ont jamais existé grâce à une technologie qui délivre la nicotine, et des produits qui sont à 95% moins nocifs que la cigarette. De sérieux travaux scientifiques et politiques ont montré que nous pouvons faire en sorte que les fumeurs transitent vers des produits moins dangereux pour leur santé et in fine, leur permettre d’arrêter totalement leur consommation de cigarettes. Nous avons vu la réduction des risques fonctionner au Japon, en Suède et au Royaume-Uni…La technologie est l’élément qui change totalement la donne. »

Rosemary Leonard, a emboité le pas sur la nécessité de partage et de collaboration :

« Ces derniers mois, l’agenda mondial a été dominé par le Covid-19. Mais soyons clairs, le tabagisme tue bien plus de personnes que le Covid-19. Et cela ne va pas cesser. Nous n’encourageons pas les personnes à commencer à utiliser les e-cigarettes. Ce que nous tentons de faire, c’est de dire que ces technologies peuvent jouer un rôle important pour aider les fumeurs à arrêter. Ici au Royaume-Uni, le succès est au rendez-vous et nous souhaitons envoyer ce message aux PFR-PRI où tant de gens souffrent humainement, bien sûr, mais aussi financièrement. »

La cigarette provoque la mort de plus de 8 millions de personnes chaque année, selon l’OMS. Il y a 77 millions de fumeurs en Afrique, et l’organisation onusienne annonce que d’ici 2025, ces chiffres augmenteront de près de 40% par rapport à 2010.

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