Afrique: La santé de tous dépend d'un financement stable pour l'Organisation mondiale de la santé

À l'hôpital Nizamiye d'Abuja, une infirmière administre une deuxième dose de COVID-19 à Martin Atojoko : « Je connais l'importance du vaccin et j'ai préconisé que tout le monde autour de moi reçoive le vaccin s'il en a l'occasion. »
14 Décembre 2021
tribune

Imaginez que les autorités vous demandent de construire un nouvel hôpital de soins tertiaires. Mais qu'elles ne vous donnent que 20 % du budget, soit à peine plus que ce qu'il faut pour construire les fondations.

On vous informe que vous devrez obtenir les 80 % restants par le biais des consultations des médecins installés en cabinet privé dans l'aile du bâtiment qui est plus ou moins prête. Cependant, les autorités ne vous autorisent pas à organiser vos services comme vous le souhaitez ; une fois encore, elles vous imposent les spécialités que vous pouvez proposer et la façon d'utiliser les recettes et, finalement, vous avez trop d'argent pour les murs et la plomberie, mais vous n'en avez pas pour le toit, l'électricité ou le les fournitures et le matériel médicaux.

C'est ce à quoi ressemble le budget de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) : en effet, moins de 20 % du budget provient des « cotisations » de base des 194 pays qui sont membres de l'OMS et en assurent la gouvernance. L'OMS doit rechercher des fonds pour financer le reste de son budget. Actuellement, l'Organisation dépend de la bonne volonté de certains de ses États Membres, qui versent volontairement des fonds supplémentaires, et d'autres fondations et organisations. Or, la moitié de ces contributions, qui représentent 80 % du budget, sont assorties de tant de conditions que l'OMS peut acheter toutes les briques dont elle a besoin, mais ne peut pas se procurer de l'électricité.

Est-ce ainsi que nous voulons que soit financée l'organisation chargée de nous aider à parvenir à la santé pour tous et à construire un monde mieux préparé, plus protecteur et plus réactif, capable de faire face à la prochaine pandémie ou même à tant d'autres défis sanitaires ?

Certainement pas. Et pourtant, c'est la situation dans laquelle nous sommes actuellement. La pandémie de COVID-19 a mis en évidence l'état et la stabilité précaires du financement de l'OMS. Alors que certains domaines d'activité spécifiques à une maladie suscitent un intérêt et attirent un financement, d'autres, tels que le travail préparatoire nécessaire pour permettre au monde d'être mieux préparé face à la prochaine flambée épidémique de grande ampleur due à un agent pathogène ou pour établir des recommandations relatives aux meilleures pratiques susceptibles d'aider le monde à réduire la charge de morbidité pesant sur les populations, peuvent être considérés comme des priorités par les États Membres de l'OMS - mais pas autant leur financement.

Et il est certain que des dispositifs fondamentaux, tels que la préqualification des médicaments, que le système des Nations Unies et ses partenaires utilisent pour protéger le monde contre une série de maladies transmissibles menaçantes et pour prévenir la progression de nombreuses maladies non transmissibles et autres ne devraient pas dépendre de la recherche de contributions volontaires.

Il faut que ça change. Le financement de l'OMS doit reposer sur une base sûre et stable à long terme. Ainsi, l'Organisation pourra planifier et budgétiser correctement les activités qu'elle entreprend pour l'ensemble des problèmes de santé auxquels le monde est et sera confronté. Nous en tirerons tous profit.

Envoyés spéciaux du Directeur général de l'OMS sur le COVID-19 (de gauche à droite) : le professeur Dr Maha El Rabbat, ancien ministre de la Santé et de la Population d'Égypte ; Dr David Nabarro, ancien Conseiller spécial du Secrétaire général des Nations Unies sur le Programme 2030 pour le développement durable et le changement climatique ; Dr John Nkengasong, directeur des Centres africains de contrôle et de prévention des maladies ; Dr Mirta Roses Periago, ancienne directrice de la Région OMS des Amériques ; Dr Palitha Abeykoon, ancienne directrice, Développement des systèmes de santé, Bureau régional de l'OMS pour l'Asie du Sud-Est, conseillère principale au ministère de la Santé du Sri Lanka ; Professeur Samba Sow, Directeur général du Centre de développement des vaccins au Mali, ancien ministre de la Santé du Mali.

Un groupe de travail des États Membres de l'OMS s'est réuni en ligne au cours de l'année écoulée pour examiner et présenter des recommandations en vue du financement durable de l'Organisation. Du 13 au 15 décembre, il se réunira pour la cinquième et dernière fois et décidera des conclusions et recommandations à présenter au Conseil exécutif de l'OMS, qui se réunit en janvier prochain.

Il y a encore un débat de fond au sein du groupe de travail sur la question de savoir s'il convient d'augmenter la part des fonds à objet non désigné en pourcentage du budget total de l'OMS et comment procéder. Un point essentiel de ces recommandations est l'acceptation par les États Membres de l'OMS d'une augmentation sensible de leurs contributions fixées, c'est-à-dire de leurs « cotisations ». Cette augmentation, qui interviendrait sur plusieurs exercices biennaux, garantirait que 50 % du budget biennal de l'OMS est entièrement financé par les contributions fixées.

En tant qu'Envoyés spéciaux du Directeur général de l'OMS pour la COVID-19, il nous semble évident que l'OMS doit disposer de la souplesse et de la latitude nécessaires pour planifier les programmes futurs en toute sécurité. Nous exhortons les États Membres à adhérer à notre point de vue et à présenter au Conseil exécutif des propositions solides qui garantiront et stabiliseront le financement futur de l'OMS.

Nous voulons et avons tous besoin que l'OMS soit capable de protéger comme il se doit le monde contre la prochaine pandémie et contre tant d'autres maladies transmissibles menaçantes, de doter les pays des outils et des connaissances qu'il leur faut pour prévenir l'avancée des maladies non transmissibles, pour bâtir des systèmes de santé résilients et pour conduire les innovations de santé publique qui amélioreront l'état de santé de tous les peuples.

Diffusez ce message auprès de vos gouvernements, de ceux qui se réuniront du 13 au 15 décembre pour décider de l'avenir de votre santé et de celle de vos enfants et de vos petits-enfants.

Pour que le monde soit en bonne santé, l'OMS doit l'être aussi.

Signataires :

Les Envoyés spéciaux du Directeur général de l'OMS pour la COVID-19 sont les suivants :

  • Professeure Dre Maha El Rabbat, ancienne Ministre de la santé et de la population de l'Égypte et professeure de santé publique ;
  • Dr David Nabarro, ancien Conseiller spécial auprès du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies pour le Programme de développement durable à l'horizon 2030 et les changements climatiques ;
  • Dre Mirta Roses, ancienne Directrice régionale de l'OMS pour les Amériques ;
  • Dr Palitha Abeykoon, ancien Directeur chargé du développement des systèmes de santé au Bureau régional de l'OMS pour l'Asie du Sud-Est, Conseiller principal au Ministère de la santé de Sri Lanka ;
  • Professeur Samba Sow, Directeur général du Centre pour le développement des vaccins au Mali.

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