Ces dernières semaines, des pays du monde entier se sont empressés de lever nombre des mesures de santé publique et de démanteler une bonne partie des infrastructures qui, au cours des deux dernières années, ont tant contribué à réduire la propagation de la COVID-19, à nous protéger de la maladie et de ses complications, et à faire reculer le nombre de décès.
Dans de nombreux pays, les mesures de santé publique les plus efficaces et les plus faciles à mettre en œuvre – comme la distanciation sociale, le port du masque, le lavage des mains et la gestion des lieux publics très fréquentés – ont tout simplement été assouplies, voire carrément supprimées.
Il est tout aussi inquiétant de constater que les gouvernements reviennent également sur les tests de diagnostic, la recherche des contacts et la surveillance. Quelles que soient les raisons (l'impression que le pire est passé, que ces mesures sont trop radicales et coûteuses, ou que l'argent pourrait être économisé ou mieux dépensé ailleurs), ces décisions sont prématurées, elles sont inappropriées et elles induisent le grand public en erreur. L'absence de surveillance et d'analyse du virus nous rend aveugles : nous ne savons tout simplement pas quels variants circulent, dans quels endroits et avec quelle intensité, et nous sommes tous exposés, en particulier les plus vulnérables et, surtout, les non-vaccinés, à des formes graves de la maladie et à la mort.
Nous nous mettons nous-mêmes des bâtons dans les roues. Il est presque certain que nous serons confrontés à l'apparition de nouveaux variants, à une propagation cachée, à des formes graves et à des issues fatales.
Nous, les Envoyés spéciaux du Directeur général de l'OMS pour la COVID-19, observons avec une certaine consternation le monde tenter – trop tôt, à notre avis – de « revenir à la normale ».
Cette attitude a déjà des conséquences non négligeables, qui pourraient se révéler catastrophiques.
Aujourd'hui encore, on dénombre dans le monde 50 000 à 70 000 décès hebdomadaires dus à la COVID-19. Nos actions de santé publique ont des conséquences, toujours.
Avec la levée progressive des mesures de santé publique et la diminution de l'immunité contre le virus (tant chez les populations vaccinées que chez celles qui ont une immunité naturelle), la vulnérabilité augmente et nous allons voir se multiplier les cas et les décès.
En effet, dans plusieurs pays de la Région européenne de l'OMS, nous observons déjà une hausse des cas depuis deux semaines. Nous constatons que la COVID-19 fait des ravages à Hong Kong et ailleurs en Asie, où nombreux sont ceux qui ne disposent même pas d'un schéma vaccinal initial complet. Les hôpitaux sont débordés, incapables de faire face et d'aider les malades les plus gravement touchés.
Nous pensons que cette tendance va se poursuivre et qu'elle pourrait même s'accélérer.
De grandes parties du monde se retrouvent exposées à ces recrudescences de cas et de décès. Et nous ne saurons pas dans quelle mesure le virus circule, ni même si de nouveaux variants, potentiellement plus mortels, remplacent ceux qui existent déjà.
Et, si nous arrêtons le port du masque, la distanciation sociale ou d'autres mesures d'hygiène, nous ne protégerons pas la population.
Faire comme si la pandémie était terminée, c'est en fait l'inviter à revenir dans nos vies, en lui permettant de nous frapper aussi fort, voire plus fort, que la première fois. Nous devons nous adapter à la vie post-pandémique de manière progressive et en nous appuyant sur la science.
Nous, les Envoyés spéciaux de l'OMS pour la COVID-19, appelons donc le monde entier – non, nous implorons ceux qui peuvent changer la donne, c'est-à-dire tout le monde, que ce soit au niveau décisionnel, sociétal ou individuel – à agir maintenant, avant que la situation n'explose.
Ne baissons pas la garde. Même si la tentation est grande. Chaque pays, chaque gouvernement a des priorités et des exigences divergentes qu'il estime avoir été négligées. Tous ressentent les pressions qui s'exercent sur leurs économies. Et, en Europe en particulier, le spectre d'un conflit armé détourne désormais inévitablement l'attention de la COVID-19.
Mais la COVID-19 est toujours là et tout ce qui était vrai de la maladie au début de la pandémie reste vrai aujourd'hui. Elle est toujours mortelle. Elle circule toujours et peut encore favoriser l'émergence de nouveaux variants, dont certains peuvent être plus transmissibles et plus mortels que les souches actuelles. Ils pourraient même être plus résistants aux vaccins dont nous disposons.
En levant toutes les protections que le monde a mis deux ans à construire, en ne continuant pas à respecter ce virus et à prendre les mesures qui s'imposent, nous nous mettons, nous et tous les autres, en grand danger.
Appelons nos communautés et nos dirigeants à faire en sorte que cela ne se produise pas. En agissant, et en prêtant attention aux mesures de santé publique, nous pouvons éviter de nombreuses conséquences indésirables.
Un avenir moins meurtrier est à notre portée, alors exerçons notre pouvoir pour y parvenir, ensemble.
Signé : Envoyés spéciaux du Directeur général de l'OMS pour la COVID-19 : https://www.who.int/emergencies/diseases/novel-coronavirus-2019/who-director-general-s-special-envoys-on-covid-19-preparedness-and-response
- La Professeure Dre Maha El Rabbat, ancienne Ministre égyptienne de la santé et de la population
- Dr David Nabarro, ancien Conseiller spécial auprès du Secrétaire général de l'ONU pour le Programme de développement durable à l'horizon 2030 et les changements climatiques
- Dre Mirta Roses, ancienne Directrice régionale de l'OMS pour les Amériques
- Dr Palitha Abeykoon, ancien Directeur, Développement des systèmes de santé, Bureau régional de l'OMS pour l'Asie du Sud-Est, Conseiller principal au Ministère de la santé du Sri Lanka
- Professeur Samba Sow, Directeur général du Centre pour le développement des vaccins au Mali