C'est un chantier gigantesque à 120 kilomètres de Marrakech : la perforation du barrage Al Massira alors qu'il est toujours en exploitation.
Il s'agit du deuxième réservoir d'eau du Maroc qui retient plus de 2,6 milliards de mètres cubes. Objectif : acheminer l'eau vers des stations de traitement jusqu'à la ville ocre. " Ce barrage ne disposait pas de prise d'eau pour être raccordé, explique le directeur général de l'Office national de l'électricité et de l'eau potable (ONEE), Abderrahim El Hafidi. Les études ont démontré que la meilleure solution était de procéder à sa perforation. Cette opération, qui est une première en Afrique, nous permet d'avoir un important débit de sept mètres cubes par seconde. "
Véritable prouesse technique, le modus operandi de l'opération consiste à perforer pour installer une prise d'eau sur la paroi du barrage en activité. " C'est un véritable exploit que de percer un barrage alors qu'il donne toujours de l'eau. Imaginez un peu la difficulté de la manœuvre ! C'est une réussite pour la Banque et pour l'ONEE ", assure fièrement le directeur général de la Banque africaine de développement pour l'Afrique du Nord, Mohamed El Azizi.
Ce chantier s'inscrit dans le cadre d'un programme de renforcement de l'accès à l'eau potable de la ville de Marrakech. Un projet financé par la Banque africaine de développement à hauteur de près de 150 millions d'euros. In fine, quelque deux millions d'habitants de Marrakech en bénéficieront.
Durant les dernières décennies, l'important développement urbain et touristique de la cité a généré une demande en eau de plus en plus croissante. L'enjeu est de taille : sécuriser l'accès à l'eau dans une région où cette ressource stratégique se fera de plus en plus rare à l'avenir.
Bâtir un " édifice " d'étanchéisation haut comme un immeuble...
Pour assécher la zone de percement, un important ouvrage d'étanchéité a été érigé sur la paroi du barrage : un batardeau de 40 mètres de hauteur qui pèse plus de 250 tonnes. Cette étape a nécessité des travaux sous-marins pour dégager un important volume étanche.
Un autre défi de taille a consisté à réaliser un conduit d'un diamètre de 2,5 mètres et d'une profondeur de dix mètres dans la paroi en béton du barrage. " J'ai en mémoire la complexité des travaux. De nouveaux défis techniques s'imposaient aux équipes et pour lesquels il fallait innover pour trouver des solutions ", explique la représentante résidente de la Banque pour le Maroc, Leila Farah Mokaddem. " C'est une opération qui a permis la perforation du béton armé sur une longueur de dix mètres. Elle a nécessité des études très spécifiques en matière de stabilisation de structure. Et c'est vraiment unique ! ", souligne le directeur général de l'ONEE.
... Pour perforer et extraire un bloc en béton armé de cent tonnes
La phase la plus délicate de l'opération a consisté à extraire un noyau central de près de cent tonnes. " Extraire un bloc d'une centaine de tonnes dans des conditions optimales de sécurité et d'étanchéité et sans incident, c'est exceptionnel, reconnaît Leila Farah Mokaddem. Ici, nous sommes bien au-delà du simple rôle de bailleur de fonds. Nous sommes une banque de solutions. "
Pendant plusieurs mois, des experts marocains et internationaux et des dizaines d'ingénieurs, de plongeurs et de techniciens se sont succédé pour relever ce défi colossal.
Dupliquer l'expérience en Afrique
Cette solution technique a fait ses preuves. Elle peut être aujourd'hui généralisée, estime Mohamed El Azizi pour qui " cette exceptionnelle opération doit être dupliquée au profit d'autres barrages au Maroc et dans d'autres pays africains. C'est notre rôle de banque de développement que de le faire afin que des millions d'Africains sur le continent puissent en bénéficier. "
Depuis les années 1970, la Banque africaine de développement et le Maroc ont développé un partenariat stratégique dans le secteur de l'eau. " Depuis une cinquantaine d'années, nous agissons main dans la main avec l'ONEE. Plus de quinze millions de Marocains, dans une trentaine de villes à travers le Royaume, ont bénéficié de ces projets d'eau et d'assainissement. ", se réjouit Leila Farah Mokaddem.
La Banque a ainsi financé quinze opérations pour un montant de plus de 1,3 milliard de dollars américains. " Notre partenariat est qualifié d'exemplaire par les experts, les bailleurs de fonds et les organisations internationales, se félicite le directeur général de l'ONEE. Je salue le professionnalisme des équipes de l'ONEE et de la Banque africaine de développement, qui ont relevé des grands défis pour mettre en œuvre de grands projets. Je rends aussi hommage à tous les membres du Conseil d'administration de la Banque qui nous ont toujours écouté et accompagné. "
Car sans eau, rien n'est possible. En contribuant, par l'approvisionnement en eau potable, à améliorer la qualité de vie des populations au Maroc, la Banque africaine de développement bâtit les conditions d'un développement durable et inclusif.