Rwanda: L'accord avec Londres sur la question migratoire fait réagir l'opposition

Le partenariat signé aujourd'hui avec le #Royaume-Uni s'appuie sur notre bilan d'accueil de personnes fuyant le conflit.

Réactions indignées après la signature jeudi 14 avril d'un accord entre le Rwanda et le Royaume-Uni sur la question des migrants. Selon les termes de l'accord, Londres va envoyer une partie de ses demandeurs d'asile - arrivés illégalement sur son territoire - au Rwanda.

En contrepartie d'une aide financière, Kigali s'engage à accueillir ces migrants - le temps que leur dossier soient traités - et éventuellement à les insérer dans le pays. Les organisations internationales des droits de l'homme dénoncent cette sous-traitante de la question migratoire. Au Rwanda, cette annonce a également provoqué des réactions.

Pour l'opposition rwandaise, le Royaume-Uni ne doit pas se décharger de ses obligations internationales. " Nous pensons que les pays riches comme la Grande-Bretagne ne doivent pas transférer leur obligation à des pays tiers, comme le Rwanda, juste parce qu'ils ont assez d'argent pour influencer et imposer leur volonté ", explique Frank Habineza, président du Parti vert démocratique du Rwanda, qui craint que cette situation provoque des tensions.

" Le Rwanda a déjà une population assez dense, il n'y a déjà pas assez de terre pour tout le monde, il y a déjà des conflits fonciers et une compétition pour les ressources naturelles, assure-t-il. Accueillir des migrants venant de Grande-Bretagne ne fera qu'accentuer encore plus ce problème de terre, va poser des défis aux quotidiens et risque de créer des conflits entre Rwandais et migrants. "

Frank Habineza estime que Kigali devrait surtout se concentrer sur le chômage des jeunes rwandais. " Nous avons déjà nos propres problèmes que nous devons résoudre : la jeunesse, par exemple, qui essaye de survivre sans travail. Le problème du chômage s'est empiré avec l'épidémie de Covid, et envoyer des migrants ici ne va qu'exacerber ce problème. Nous pensons que le Rwanda qui va accueillir le sommet du Commonwealth dans quelques mois a voulu faire plaisir au Royaume-Uni, mais les Rwandais, eux, n'ont rien à gagner de cet accord. "

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Même son de cloche du côté des Forces démocratiques unifiées. Le Rwanda n'a pas les moyens d'accueillir ces migrants, estime sa présidente Victoire Ingabire. " Je condamne les autorités rwandaises, qui acceptent de porter le fardeau et qui ne sont pas en mesure de le porter. On accompagne des réfugiés avec un montant de 120 millions de livres, mais ce n'est pas suffisant. Le Rwanda a ses propres problèmes. "

Tout comme Frank Habineza, elle pointe le problème majeur du chômage dans le pays. " Le Rwanda dit que si certains demandeurs d'asile ne sont pas sélectionnés pour retourner en Grande-Bretagne, il va leur offrir de l'éducation, de l'emploi. Mais ce n'est pas vrai ! Il y a une grande majorité de jeunes rwandais qui ont terminé leurs études et qui sont sans emploi. Vous n'êtes pas en mesure de proposer de l'emploi à vos jeunes et vous proposez d'en donner aux réfugiés ? C'est un mensonge. "

Pour Victoire Ingabire, cet accord ne résoudra rien, ni pour Londres, ni pour Kigali. " Il y a deux, trois ans, Israël avait renvoyé des réfugiés d'Érythrée, d'Éthiopie. Il n'en reste que cinq parmi une centaine qui avaient été envoyés au Rwanda. Les gens arrivent ici avec la promesse qu'on va leur donner du travail et s'ils n'arrivent pas à le trouver, ils repartent et la Grande-Bretagne va se retrouver avec les mêmes individus. Ce n'est pas une solution. "

Toujours au sein des Forces démocratiques unifiées, Pierre Célestin Rwalinda, le secrétaire général du parti, s'interroge : la stratégie d'échanger des migrants contre de l'argent, tel que convenu avec le Royaume-Uni, est-elle conforme aux valeurs du Commonwealth ?

Des précisions sur l'accord

Le Royaume-Uni a annoncé que tout migrant arrivant par une route illégale sur son territoire pourra être automatiquement déporté à Kigali, sans possibilité de retour vers Londres. Pas de précisions sur les critères de sélection des autorités britanniques, mais les personnes concernées pourront faire appel de la décision.

Les Rwandais auront en tout cas leur mot à dire : ils ont déjà annoncé qu'ils refuseraient les mineurs et les personnes avec un casier judiciaire. Le ministre des Affaires étrangères, Vincent Biruta a même précisé que le Rwanda préférait ne pas recevoir de migrants des pays voisins, c'est à dire de la RDC, du Burundi, de l'Ouganda et de la Tanzanie, dans le cadre de cet accord, sans expliquer pourquoi. 130 000 réfugiés issus de la région vivent déjà au Rwanda, principalement dans des camps.

Aux migrants qui arriveront à Kigali et qui décideront d'y rester, le Rwanda promet une régularisation, une intégration dans la société, un logement décent, une mutuelle de santé et même l'accès à des formations professionnelles. Un programme essentiellement financé par le Royaume-Uni. Reste à savoir quand et dans quelles conditions l'accord entrera en application, puisqu'il risque d'être attaqué en justice en Grande Bretagne.

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