Madagascar: Minerais stratégiques - Quel avenir pour Madagascar ?

Une mine artisanale en Afrique

Tous s'accordent sur le fait que la Grande île a une belle carte à jouer sur l'échiquier des minerais stratégiques. Mais comment transformer l'essai et faire en sorte que la filière puisse réellement profiter à l'économie ?

Présents dans une multitude de produits aux applications tout aussi diverses, des smartphones aux véhicules électriques en passant par les panneaux solaires, certains minerais ont un caractère plus stratégique que d'autres pour trois raisons. La première est qu'ils contribuent à la stabilité économique, car ils sont essentiels à la fabrication de produits industriels clés. La seconde est qu'ils sont intégrés à la compétition technologique, car ils sont au cœur des ruptures technologiques et des produits les plus innovants. Enfin, ils constituent un enjeu central de la sécurité économique des États et des entreprises, car ils entrent dans la fabrication des équipements sensibles (armement, outils de télécommunications de pointe, etc.).

La notion de " stratégique " est donc clairement liée à leur importance dans la chaîne de production, à leur niveau de rareté et à leur position géographique. Pour l'ingénieur des mines, Hantsa Harivony Ralaimalala, qui a produit un " Panorama des minerais stratégiques de Madagascar ", pendant que les pays développés multiplient les stratégies pour s'approvisionner, sécuriser et stocker les minerais stratégiques, la Grande île tente de se positionner en tant que principal pourvoyeur des dites matières premières. De ce fait, il est primordial de savoir quels minerais stratégiques doivent être prio-risés et lesquels nécessitent plus d'attention que d'autres. Elle pointe en passant le fait que les minerais stratégiques ne soient pas définis dans l'actuel le code minier de Madagascar.

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Le dernier rapport de l'IRENA (International Renewable Energy Agency) sur l'avenir des énergies renouvelables indique, pour sa part, que la course vers le net zéro place un certain nombre de minéraux dits stratégiques au centre de nouveaux enjeux et rebattent les cartes de la géopolitique mondiale. " Les technologies clés telles que les panneaux solaires, les éoliennes et les batteries nécessitent des matériaux critiques tels que le nickel, le silicium, le lithium et les éléments de terres rares ", a-t-on souligné.

L'agence indique que les énergies renouvelables doivent constituer 90 % du mix énergétique mondial d'ici 2050 pour atteindre le net zéro. Cela implique une augmentation de 890 % de la capacité installée actuelle d'énergies renouvelables. Un objectif qui va booster de manière inédite la demande en minerais stratégiques indispensables pour la confection des panneaux solaires, entre autres. Et les spécialistes de constater que les inquiétudes concernant l'accès futur à ces matériaux, la difficulté d'augmenter l'offre suffisamment vite pour répondre à la demande, les augmentations et la volatilité des prix, et les problèmes géopolitiques s'accumulent.

En effet, nombre de minerais stratégiques convoités sont encore largement sous-exploités en Afrique en général et à Madagascar en particulier. La région abrite par exemple de nombreux gisements de terres rares, notamment dans sa partie orientale et australe. Mais la production reste très faible. La seule extraction actuellement en cours concerne le projet Gakara Rare Earth au Burundi. Pour Madagascar, le projet de la firme chinoise Reenova Rare Earth Malagasy (RREM) dans le Nord du pays fait face à une forte hostilité des organisations de la société civile et des groupes communautaires.

" Le continent africain pourrait jouer un rôle majeur dans l'approvisionnement en minerais stratégiques pour l'industrie de l'énergie de demain en répondant à la demande mondiale et soutenir la transition énergétique aussi bien au niveau mondial que local ", soutient pourtant le rapport d'IRENA. Par ailleurs, d'autres minerais pourraient devenir plus importants et stratégiques à l'avenir. C'est le cas notamment du cobalt (souvent utilisé dans les batteries des véhicules électriques) dont Mada-gascar figure déjà parmi les fournisseurs si la République Démocratique du Congo détient plus de 50 % des réserves prouvées.

Une étude qui éclaire les enjeux

À savoir que Madagascar dispose déjà d'une étude sur la valorisation de l'exploitation des ressources extractives à caractère stratégique. Le rapport fournit, entre autres, une analyse poussée des problèmes et les éléments de blocage du secteur extractif afin d'identifier des solutions afin que l'exploitation de ces richesses contribue réellement au développement du pays. L'étude a été financée par le Fonds Fiduciaire KOAFEC dans le cadre de l'accord technique de coopération économique Corée-Afrique entre le gouvernement sud-coréen et la Banque africaine de développement et le Fonds africain de développement.

Des recommandations ont été formulées sur des points comme la revue et la mise en cohérence des textes régissant le secteur, l'opérationnalisation et la décen-tralisation des structures administratives d'encadrement des activités d'extraction et de transformation et la pérennisation de l'Extractive Industry Transparency Initiative (EITI), la traçabilité des produits ou encore la mise en place de contrats miniers.

Du côté de l'Office des Mines Nationales et des Industries Stratégiques (Omnis), on rappelle que le potentiel du pays en matière de ressources minières stratégiques reste largement sous exploré. Manière pour cet organe de justifier son souhait de renforcer la promotion de Madagascar auprès des investisseurs étrangers pour, d'abord, augmenter le volume des réserves exploitables.

À la question, quel avenir pour Madagascar dans les minerais stratégiques ?, l'Office rappelle que " fidèle à ses missions d'origine, les travaux de recherche minière de l'Omnis ont toujours mis l'accent sur l'exploration des éléments radioactifs et stratégiques, incluant l'uranium, l'ilménite, et des éléments de terres rares ". Et d'ajouter qu'il a également effectué des travaux d'exploration sur les platinoïdes et le quartz, considérés aussi comme des minéraux stratégiques.

Pour l'exploration des minerais stratégiques, l'Omnis affirme avoir travaillé ces dernières années avec Uramad, PAM Atomique, Blue Sun Mining, Madagascar Energy Corporation, Madagascar Mineral Field Energy (MMF), Mineral Development Corporation et Petra Madagascar. On note également la continuation du joint-venture avec Qit Fer & Titane ou QMM (Qit Mineral Madagascar) dans la région Anosy ainsi que celui avec Vuna Group et Madagascar Consolidated Mining (MCM) dans la localité de Sakoa.

Silicium, le minerai qui monte

Le quartz, duquel on extrait la silice pour produire les panneaux photovoltaïques, est un minerai qui existe en quantité dans le sous-sol de Madagascar. Certains avancent alors que le silicium pourrait être le prochain " jackpot minier " sur la Grande Ile après le nickel et le graphite. En effet, quand on évoque les panneaux photovoltaïques actuellement commercialisés ou des travaux de recherche préfigurant la nouvelle génération de cellules solaires, la silice (ou dioxyde de silicium SiO2) représente toujours le matériau de base incontour-- nable pour les produire.

Fabriqué sous forme de lingot quasiment pur, le silicium est découpé en fines tranches, appelées wafers, qui sont traitées pour obtenir une face positive et une face négative afin d'en faire des cellules photovoltaïques. Si la silice est largement disponible et peu chère, c'est sa transformation en silicium, puis la découpe et le traitement chimique des wafers qui coûtent chers. Et c'est là que se trouve l'opportunité pour Madagascar de développer ce créneau dans le cadre de sa politique d'industrialisation.

Pour produire 1 tonne de silicium, il faut 2,9 tonnes de quartz. En 2021, on estime la production mondiale à 3 000 milliers de tonnes. On dénombre vingt-trois pays producteurs de silicium de par le monde mais on estime que les deux fournisseurs de quartz cristal que sont le Brésil et Madagascar ont les meilleures chances de sortir leur épingle du jeu car la qualité de leur produit est supérieure.

D'après l'Agence Internationale de l'Energie, le solaire photovoltaïque misant sur le silicium jouerait un rôle de premier plan, en fournissant au moins le tiers de la production mondiale d'électricité en 2050. Le solaire photovoltaïque passerait ainsi d'une production mondiale de 820 TWh en 2020 à 23 500 TWh dans 30 ans, c'est-à-dire presque autant que la production annuelle totale d'électricité aujourd'hui (27 000 TWh).

Au Brésil, des firmes industrielles ont déjà bien poussé leurs pions à l'instar du groupe RIMA devenu l'un des leaders nationaux dans la production de silicium, utilisé majoritairement dans la fabrication de panneaux solaires. À Madagascar, on est encore au stade des projets. On sait en outre que les acteurs de premier plan dans le domaine de l'assemblage et de l'installation des équipements solaires ne sont pas contre une initiative visant à produire du polysilicium sur place.

Si l'on se réfère aux études réalisées par le service géologique national français(BRGM), les régions de Mananara - Rantabe (au nord de Foulpointe) et à l'ouest d'Antsirabe sont les zones où l'on trouve les plus importantes réserves de silicium contenu dans le quartz. Les régions de l'Ihorombe (à l'ouest d'Ihosy et à Tsivory) et Tsiroanomandidy peuvent également révéler des réserves conséquentes. Selon les statistiques officielles, Madagascar exportait dans les années 1980 entre 1800 et 2000 tonnes de quartz par an. Ce chiffre a nettement baissé depuis pour ne tourner aujourd'hui qu'autour de 630 tonnes, ce qui ne représente que 0,09% des produits miniers écoulés par le pays sur le marché international.

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