Guinée: Poursuites judiciaires contre Alpha Condé et 26 autres - Purge à Conakry

Alpha Condé lors d'un entretien avec des journalistes français à Conakry

On comprend mieux pourquoi à la fin de son séjour médical aux Emirats arabes unis, où il avait été évacué le 17 janvier 2022, Alpha Condé renâclait à retourner au bercail comme c'était convenu. Sans doute sentait-il depuis Abu Dhabi l'épée du légionnaire Doumbouya planer sur sa tête et qui a fini immanquablement par tomber.

26 jours seulement après son retour, l'ancien président guinéen, renversé le 5 septembre 2021 par le lieutenant-colonel Mamadi Doumbouya, se retrouve en effet dans le collimateur de la justice guinéenne.

Hier mercredi 4 mai 2022, le procureur général près la Cour d'appel de Conakry a annoncé que des poursuites judiciaires étaient engagées contre lui et 26 anciens hauts responsables politico-judiciaires sous sa présidence. Certains d'entre eux sont déjà en détention pour des faits présumés de corruption, de détournement de deniers publics et de blanchiment.

On y retrouve l'ancien chef du gouvernement, Ibrahima Kassory Fofana, d'anciens ministres parmi lesquels le Dr Mohamed Diané, Alpha Ibrahima Keira, Albert Damantang Camara, Ibrahima Kalil Kaba, Tibou Kamara et Kiridi Bangoura.

Au nombre des personnes visées au sein de l'appareil judiciaire et sécuritaire, on compte l'ancien président de la Cour constitutionnelle, Mohamed Lamine Bangoura, les anciens présidents du Parlement Claude Kaury Kondiano et Amadou Damaro Camara, ainsi que le général Ansoumane Camara, le chef de la police à l'époque.

C'est une kyrielle de chefs d'accusation qui pèsent sur le groupe des 27 à qui il est reproché des faits présumés de :

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- atteinte volontaire à la vie humaine, notamment le meurtre, assassinat et complicité de meurtre et d'assassinat ;

- atteinte involontaire à la vie et complicité d'atteinte involontaire à la vie et complicité ;

- atteinte à la personne constituée par les disparitions forcées, détention, enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté et complicité ;

- atteinte volontaire à l'intégrité physique ou psychique de la personne, torture ou traitements cruels inhumains ou dégradants et complicité ;

- coups, blessures et violence volontaire et complicité ;

- atteinte involontaire à l'intégrité de la personne, menaces de mort et voie de fait et complicité ;

- agressions sexuelles et attentat à la pudeur, notamment le viol, et la complicité ;

- mise en danger de la personne ou risques causés à autrui et complicité;

- atteinte aux libertés de la personne, notamment l'enlèvement, la séquestration et complicité ;

- atteinte à l'économie nationale et complicité.

On reproche particulièrement à l'ancien locataire du palais de Sékhoutouréya les violences qui ont émaillé sa marche forcée pour un 3e mandat, notamment la répression brutale qui s'est abattue contre ceux qui voulaient faire pièce à ses velléités monarchiques.

L'ancien opposant jadis porté aux nues a, il est vrai, marché sur des dizaines de cadavres pour assouvir son ambition, et c'est ce qui le rattrape aujourd'hui.

Ces poursuites judiciaires par voie de dénonciation ont été rendues possibles grâce notamment à des photos et vidéos fournies par Amnesty international, Human rights watch et le Front national pour la défense de la constitution (FNDC), ce regroupement de partis politiques et d'organisations de la société civile qui s'était formé pour contrecarrer le dessein du professeur Alpha Condé.

Peut-on vraiment plaindre celui qui, contre tout bon sens et toute raison, a voulu s'accrocher au fauteuil présidentiel telle une moule à son rocher alors même que l'histoire lui tendait les bras?

Premier président de ce pays à avoir été véritablement démocratiquement élu, il avait l'occasion, à 83 ans, de passer démocratiquement la main à son successeur élu pour ancrer définitivement la démocratie dans les mœurs guinéennes. Hélas !

Si l'ancien opposant historique n'est donc pas un homme à plaindre, on ne devrait pas pour autant oublier que le chef de la junte actuelle était, au moment des faits, le patron des Forces spéciales, bichonné par celui qui l'a littéralement fabriqué et promu. A ce titre, il n'est pas à exclure que le lieutenant-colonel Doumbouya ait pris une part active dans la sanglante répression des démocrates guinéens.

Autant dire que ce procès, s'il a lieu un jour, pourrait être aussi le sien car on ne voit pas trop comment il pourrait se dédouaner de toute responsabilité.

Voilà d'ailleurs quelqu'un à qui la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) demandait un chronogramme en vain depuis 8 mois et qui vient de proposer finalement une transition de 39 mois tout en ouvrant un dossier aussi lourd au lieu de se consacrer à l'essentiel : le retour dans un délai acceptable à l'ordre constitutionnel normal.

Allez-y d'ailleurs savoir si ce n'est pas un écran de fumée agité pour distraire ses compatriotes et la communauté internationale.

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