Sénégal: Festival International du film documentaire - Le Russe Alexander Markow évoque, à Saint-Louis, un cinéma en noir et blanc

À Saint-Louis pour le festival international du film documentaire dans lequel son film " Krasnaya Afrika " est en compétition, le Russe Alexander Markow a animé un café-rencontre pour échanger sur sa production.

C'est un film qui traite de la présence équivoque de l'Urss en Afrique, dans la période 1960-1990. Un ni blanc ni noir dont l'Afrique a encore affirmé son statut de ... pièce manipulée. " Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ". La formule contenue dans le Manifeste du Parti communiste (1848), signée Karl Marx, Friedrich Engels, sert à donner le ton dans la présentation du film " Krasnaya Afrika " (Afrique rouge). Ce long-métrage de 65 minutes, réalisé par le Russe Alexander Markov, est, donc, marqué du rouge du communisme.

Mais, comment se dessine cette empreinte ? Cette production se découvre sous un ton engagé, par la relation de l'influence menée par l'Union soviétique sur les États d'Afrique, de 1960 à 1990. La période qui part des balbutiements des pays africains indépendants à la chute du Mur de Berlin et à l'éclatement de l'Urss. Par l'exploitation d'images d'archives, Alexander Markov rend compte du jeu de yoyo orchestré par l'Union soviétique.

Ce double jeu consistait à user de dons et de secours structurels pour rendre sensibles les chefs d'Etat africains. Cela, afin qu'ils se détournent en fin de compte de l'empire impérialiste français et anglais, et intègrent le socialiste-communisme.

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C'est encore le faux prétexte de l'aide au développement technique, social et culturel de l'Afrique post-coloniale. L'impérialisme était chassé par la porte des Tropiques pour ensuite revenir par sa large fenêtre. L'histoire semble aujourd'hui bégayer, avec l'exemple du Mali qui houspille la France et confie dans le même temps ses forces au groupe mercenaire russe, Wagner. Le réalisateur du film documentaire admet d'ailleurs cette thèse et confesse que c'est l'une des raisons de la réalisation.

" Ce qui m'a poussé à faire ce film, c'est un peu le côté internationaliste et opportuniste de la Russie qui (se) dit n'avoir pas besoin des ressources de l'Afrique. L'ambiguïté est énorme entre les agissements de l'ex-Urss et ceux de la Fédération de la Russie.

On ne le dit pas assez, mais l'Union soviétique avait aussi une posture de colonisateur dans les 18ème et 19ème siècles. Aujourd'hui, ses dirigeants ont la même pratique en Afrique. Ce film interroge la contradiction des Russes entre la dénonciation des colonisateurs et les mêmes actes impérialistes qu'ils posent actuellement ", explique le réalisateur de " Krasnaya Afrika ", Alexander Markov.

Les images d'archives ont pratiquement rythmé le film de bout en bout. C'est une autre problématique qui intègre encore l'acuité du sujet. À titre informatif, notons qu'un Africain qui souhaite avoir accès aux archives de l'Ina France doit débourser 1000 euros pour une minute de vidéo.

Même si ces archives concentrent notre mémoire et conservent la vérité de notre passé. C'est dans cette niche gardée par l'Occident que Markov a puisé son sujet, pour retracer et raconter les couleurs de nos premiers dirigeants.

Le Sénégal est bien peu présent dans le film. Le réalisateur le justifie par le fait que Léopold Sédar Senghor, Président du Sénégal à l'époque du tournage au Sénégal, n'était pas influencé par l'idéologie communiste.

INTERROGATIONS:

Le réalisateur y donne une réponse qui évoque d'autres interrogations : " Tout ce qui est paramilitaire, dans les images d'Afrique, sont du Sénégal. Les images d'illustration des enfants tout de blanc vêtus, aussi. Tout ceci est le fruit d'une coproduction ".

Le réalisateur explique encore plus loin que des Africains commandaient aux Soviétiques des films sur leurs combats pour les indépendances, en instiguant leur(s) angle(s). Les Soviet' amenaient le matériel et la logistique, filmaient sans l'avis des autorités et se heurtaient enfin à la censure.

Ils conservaient ainsi après les films. C'était une lutte d'intérêts et de propagande. Ainsi peut s'expliquer pourquoi le réalisateur n'a pas rendu compte de la vie communiste au Sénégal à cette époque et s'est plutôt arrêté sur des illustrations folkloriques. Car il y en avait de cette vie rouge, et elle était bien remplie par les militants du Parti africain pour l'indépendance (Pai) de Majmout Diop, par exemple.

Des images de l'Apartheid en Afrique du Sud ont aussi été filmées. Mais elles restent équivoques et laissent sans réponse les interrogations sur un éventuel rôle soviétique. " Les voix officielles disent encore aujourd'hui que l'Urss n'y était pas présente. Je n'en ai pas connaissance non plus. S'il y a des images d'archives de la Russie, ça doit être classé secret militaire. Mais il reste probable que l'Urss y soit passée, avec un rôle qu'il reste à déterminer ", dit Alexander Markov.

Le voile du secret propre aux pratiques et régimes dictatoriaux a continué son extension. En tout cas, à en croire le réalisateur russe, la parole et la création ne sont pas libres en Russie, dans le septième art notamment. Il signifie que, dernièrement encore quand la guerre a éclaté, " ceux qui ont osé critiquer ou dire non à l'invasion russe " sont en exil ou préparent leur exil. Il dit aussi avoir remarqué que, " avec ce qui se passe du fait du gouvernement russe ", les services culturels de son pays se sont tournés vers le Pakistan, l'Inde, entre autres pays d'Asie.

Alexander Markov, qui affiche son opposition à " l'invasion russe en Ukraine ", affirme que ses compatriotes et l'industrie artistique vivent actuellement dans l'incertitude ou l'expectative.

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