Guinée: Interdiction de manifs au pays par Doumbouya - De sauveur à fasciste

Répression de la manifestation de l’opposition en Guinée

Dans un communiqué lu à la télévision publique, le 13 mai dernier, le Comité national de rassemblement pour le développement (CNRD) interdit " toutes manifestations sur la voie publique, de nature à compromettre la quiétude sociale et l'exécution correcte des activités contenues dans le chronogramme, jusqu'aux périodes de campagne électorale ". En rappel, cette décision a été prise deux jours après que la junte a fixé une durée de 36 mois pour la Transition.

Alors que les Guinéens n'ont pas encore fini de décolérer à propos de cette durée qu'ils trouvent à juste titre excessive, voilà que la junte en rajoute en leur interdisant " toutes manifestations sur la voie publique, de nature à compromettre la quiétude sociale... ". Comme on pouvait s'y attendre, les clameurs n'ont pas tardé à se faire entendre. Ainsi, pour le FNDC (Front national pour la défense de la Constitution), le mouvement à l'origine de la lutte contre le 3e mandat d'Alpha Condé, la décision est " illégale et illégitime ". En outre, poursuit la plateforme, cette interdiction traduit " la volonté manifeste du CNRD de s'éterniser au pouvoir en muselant toutes les forces sociales et politiques du pays ".

Doumbouya ne fait plus mystère de sa volonté de régenter la Guinée, comme l'ont fait pratiquement tous ses prédécesseurs

De ce point de vue, le FNDC ne se sent pas lié par la décision de la junte. En conséquence, il a annoncé qu'il reprendra les marches. L'Organisation guinéenne des droits de l'homme (OGDH) est dans la même logique. Car, elle a rappelé que le droit de manifester est garanti par les conventions internationales et par la Charte de transition elle-même. Cet argumentaire, bien que pertinent et logique, a de fortes chances de produire chez Doumbouya, l'effet d'eau de pluie sur les plumes d'un canard. Car, ce dernier ne fait plus mystère de sa volonté de régenter la Guinée, comme l'ont fait pratiquement tous ses prédécesseurs. Et pour y parvenir, il est en train de s'en donner les moyens.

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L'un d'eux est manifestement cette oukase que la junte a prise le vendredi 13 mai dernier. Le peuple de Guinée, qui a une longue tradition en matière de lutte contre l'oppression, l'arbitraire et la dictature, pour sûr, ne va pas avaler cette couleuvre. Il risque donc de pleuvoir, dans les jours à venir, sur Conakry. Et comme l'armée guinéenne est loin d'être une armée républicaine, la probabilité est grande qu'elle fasse usage d'armes létales pour réprimer les éventuelles manifestations que cette décision liberticide ne manquera pas de provoquer. Petit à petit, les ingrédients de ce scénario catastrophe sont en train d'être réunis, en toute conscience, par Doumbouya.

C'est à se demander s'il s'est donné la peine de tirer leçon du très grand mal que les régimes dictatoriaux, qui se sont succédé à la tête de la Guinée, ont fait à ce pays. Le premier à avoir tracé la voie de l'arbitraire, fut Sékou Touré. Les fantômes du tristement célèbre " Camp Boiro ", du nom de cette prison où Sékou Touré jetait, pour un oui ou pour un non, ses opposants, hantent encore le sommeil de bien des Guinéens. Lassana Conté, Dadis Camara et autre Alpha Condé, ont été à l'école de Sékou Touré, peut-on dire, en matière de prédation des droits humains.

Nul n'est jamais suffisamment fort pour imposer sa volonté au peuple tout le temps

C'est pourquoi ils étaient nombreux, les Guinéens et les Guinéennes, qui ont applaudi des deux mains l'avènement du lieutenant-colonel Doumbouya, dans l'espoir qu'il tournera cette page douloureuse de l'histoire de leur pays et tracera les sillons d'une renaissance démocratique véritable de la Guinée. L'espoir est en train de se transformer en un grand désenchantement. Car, le sauveur qu'il était aux yeux de bien des Guinéens à son avènement, est en train de se muer en fasciste. Un dictateur a donc chassé un autre pour s'emparer des rênes de la Guinée. Et le pire pourrait être à venir pour les libertés individuelles et collectives dans le pays.

C'est pourquoi, les démocrates, les vrais, doivent s'abstenir d'emblée d'acclamer des putschistes qui, dès leur pronunciamiento, promettent le pain et la liberté au peuple. Car, l'histoire nous a démontré que dans bien des cas, ces libérateurs autoproclamés n'étaient que des loups déguisés en agneaux. Aujourd'hui, la Justice guinéenne est en voie de poursuivre Alpha Conté et certains de ses collaborateurs pour des faits présumés d'assassinats, liés à la répression qui s'est abattue sur les opposants et les militants des droits humains qui ont osé contrarier le 3e mandat du professeur.

Et c'est à ce moment-là que Doumbouya prend une décision susceptible de l'amener à se comporter comme Alpha Condé, au cas où les démocrates guinéens la braveraient en manifestant. D'ailleurs, le FNDC n'a pas fait mystère de cela. Car, il a déjà annoncé qu'il ne se soumettrait pas à cette interdiction et reprendrait les marches. Et puis, l'on a bien envie de demander au lieutenant-colonel Doumbouya ceci : entre celui qui veut s'accrocher au pouvoir à coups de décisions liberticides et celui qui manifeste pour la démocratie, lequel des deux, pose un acte de nature à " compromettre la quiétude sociale ".

A moins d'être un disciple de Néron ou de Pinochet, tout le monde dira que c'est le premier, c'est-à-dire celui qui veut s'accrocher au pouvoir en usant de décisions liberticides. Mais Doumbouya a encore le temps de se ressaisir. Car, nul n'est jamais suffisamment fort pour imposer sa volonté au peuple tout le temps. En tout cas, son prédécesseur l'a appris à ses dépens.

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