Afrique de l'Ouest: Enseignement arabo-islamique au Sahel - Un modèle éducatif en question

L'éducation arabo-islamique constitue jusque-là un angle mort dans les recherches scientifiques portant sur l'éducation en Afrique. Ce hiatus vient d'être corrigé en partie par l'Institut de recherche pour le développement (Ird) avec la publication des résultats du projet Éduai (Education islamique au Sahel).

Mené de 2019 à 2022 et financé par l'Agence française de développement (Afd), le projet Éduai (Education islamique au Sahel) est le fruit d'une collaboration entre l'Institut de recherche pour le développement (Ird) et plusieurs institutions académiques en Afrique. Les travaux ont été conduits par le Dr Hamidou Dia, sociologue à l'Ird et co-responsable de l'axe " Education et savoirs au Sud " du Centre population et développement (Ceped) de l'Université Paris Cité.

Le projet est né d'un colloque international qui s'est tenu à Bordeaux en 2015 sur le thème : " Gouverner l'école au Sud : politiques, acteurs et pratiques ". Les discussions avaient fait ressortir un constat : l'offre éducative arabo-islamique, pourtant très présente en Afrique, reste peu couverte par les recherches scientifiques portant sur l'éducation.

Le projet Éduai cherche ainsi à combler ce vide scientifique créé par la focalisation sur les écoles classiques héritées des missions chrétiennes et de l'administration coloniale, puis pérennisées par les États nés des processus d'indépendance politique. Le projet vise d'abord à identifier, de manière précise, l'offre éducative arabo-islamique dans les pays ciblés par l'étude (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal et Tchad), de décrire les publics de cette offre d'enseignement, en examinant les profils des apprenants à tous les niveaux, et d'éclairer les processus conduisant à l'inscription des enfants et des jeunes dans les institutions éducatives arabo-islamiques.

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Au-delà du constat de leur réalité, le projet Éduai pose la question des effets que peuvent avoir ces types de supports sur les dynamiques éducatives actuelles dans les pays ciblés par l'étude. D'autres problématiques sont abordées comme les sources de financements de ces écoles, l'insertion professionnelle des apprenants ou encore la question du genre.

Une alternative pour les parents

L'une des conclusions de cette étude, c'est que l'offre d'éducation arabo-islamique dans ses différentes composantes, si elle a pu paraître inexistante aux yeux des pouvoirs publics nationaux et internationaux, " connaît aussi des transformations qui lui permettent de se poser en alternative crédible pour des parents soucieux de donner à leurs enfants des repères religieux et moraux, tout autant que la capacité à s'intégrer dans la vie professionnelle, ainsi que d'accéder à des statuts sociaux valorisés ". Cette situation, soulignent les auteurs, " consacre une dualité que l'on peut appréhender, si elle doit perdurer en un cheminement parallèle, même s'il est possible de la dépasser de façon dynamique " et de construire " des systèmes scolaires fortement ancrés dans les dynamiques sociales nationales et locales ". L'étude met surtout en lumière la forte demande formulée par les populations pour ce genre d'enseignement. Notamment en fonction des croyances et des savoirs de l'Islam.

Cette demande plurielle ne signifie pas pour autant un rejet de l'institution scolaire, souligne l'étude. " Elle exprime un besoin d'écoute à traduire à travers des politiques concrètes qui rassurent les parents convaincus que leurs enfants doivent pouvoir avoir les chances d'être scolarisés tout en restant des croyants avertis ".

Les auteurs pensent qu'il est également nécessaire de répondre à une demande de démocratisation de l'accès à l'Éduai, notamment des filles et des femmes. " Un besoin de connaissance est formulé, qui appelle des politiques publiques en faveur de l'organisation des conditions d'une scolarisation équitable ", précise le document.

Toutefois, l'accès à l'offre d'Éduai " ne doit pas se traduire par un contrôle des femmes, mais par une émancipation de ces dernières. Il faut pour cela être sûr qu'elles puissent prétendre à toutes les potentialités de cette offre éducative ".

L'autre recommandation concerne la création de cadres de dialogues impliquant tous les acteurs intéressés par l'Éduai, ce qui permettrait de construire " des compromis dynamiques autour des réformes à prioriser et à conduire ". En effet, malgré les nombreuses initiatives prises par les gouvernements de la sous-région pour promouvoir ce système d'enseignement, cet " activisme " est " rarement suivi d'effets ", pointe l'étude.

Au final, les auteurs pensent qu'il y a urgence à promouvoir une réflexion plus conséquente sur ce que doivent être les systèmes d'éducation et de formation dans les espaces sahéliens. " L'éducation ne peut se réduire à l'adoption de modèles imposés par des financements externes, les écoles étant instruments -et victimes- de luttes d'influence ". Les réformes doivent aussi être menées " de façon cohérente et à rythme raisonnable, à la fois au sein des États et vis-à-vis des partenaires extérieurs ".

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