Ile Maurice: Vaccination anti-Covid - Ces questions qui persistent

Depuis hier, lundi 23 mai, la campagne de vaccination des enfants de 5 à 11 ans a débuté. Cet exercice se fait dans les écoles. Du côté du ministère de la Santé et celui de l'Éducation, on se veut rassurant, mais il n'empêche que les questions subsistent, surtout face à des chiffres concrets difficiles à obtenir.

Lors d'une rencontre de la Parents' Teachers Association avec les représentants du ministère de la Santé la semaine dernière dans une école primaire de Port-Louis, il a été question, à un moment, de la carte de vaccination et de l'examen de Primary School Achievement Certificate (PSAC). "Ce n'était pas dit explicitement, mais à un moment, on nous a dit qu'il faudrait que nos enfants aient la carte de vaccination pour avoir accès aux salles d'examen du PSAC. C'est du chantage", déplore une mère.

Cependant, du côté du ministère de l'Éducation, cette information est rejetée dans sa totalité. Il n'y a pas d'obligation vaccinale pour que les élèves aient accès à l'école ou aux salles d'examen, et il n'est pas prévu que cela soit mis en place dans le futur non plus, rassure-t-on.

Pourquoi cette campagne, alors ? La semaine dernière, le pays a enregistré 95 cas positifs locaux, cinq admissions dans les hôpitaux et 12 à l'ENT. Aucun patient n'est sous respirateur. La semaine précédente, le pays a enregistré 104 cas locaux, neuf admissions dans les hôpitaux et cinq à l'ENT. Dans ces deux semaines, il y a eu un patient sous respirateur artificiel, 13 sous oxygène et trois sous observation. La tendance est à la baisse et le début de cette campagne maintenant fait débat. Mais le ministère de la Santé explique que les 211 200 doses de vaccins Pfizer pédiatriques n'ont été obtenues qu'au début du mois de mai, d'où l'exercice cette semaine.

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Selon les chiffres, les enfants ont environ 20 fois moins de risque de développer des formes graves de la maladie que les adultes. "Mais cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas protéger les enfants. Regardez la rougeole ou la polio par exemple. La vaccination est toujours d'actualité, même si ces maladies ne causent plus de danger. C'est pour la prévention", explique la Dr Kursheed Meethoo Badulla, Regional Public Health Superintendent. Cette campagne est donc préventive. Elle cite l'exemple de la propagation de la rougeole en 2018 et avance que la vaccination protégera contre la propagation en milieu scolaire.

Mais au gré des campagnes, il a été démontré que l'efficacité contre les infections diminue au fil du temps. "Peu importe la tranche d'âge, les personnes les plus affectées sont les personnes vulnérables. Donc, la cible est les enfants à risque, par exemple, ceux qui souffrent d'asthme. Nous encourageons particulièrement les parents des enfants fragiles à se faire vacciner", répond le médecin.

L'autre question qui se pose, c'est le respect de la chaîne de froid. Les fioles de vaccins pédiatriques doivent respecter une chaîne du froid très stricte. Avant le mélange, le vaccin doit être conservé entre 2°C et 8°C. Douze heures avant l'administration, les fioles peuvent être gardées entre 8°C et 25°C pendant 12 heures. "C'est la même chaîne du froid qui est utilisée lorsqu'il y a eu des équipes de vaccination mobiles ou dans les centres de vaccination", assure la Dr Meethoo Badulla. Elle ajoute qu'il y a des contrôles réguliers et qu'en cas de doute, les vaccins ne sont pas utilisés.

La balance bénéfice risque a changé

Depuis l'apparition du variant Omicron, le nombre de décès chez les enfants est en hausse ailleurs. Par exemple, en France, en sept semaines, neuf enfants âgés de moins de 9 ans sont morts, sur une moyenne de 250 000 infections par jour, d'après Worldometer. Le chiffre date de début février. Toutefois, il est à noter que le taux de mortalité pour les enfants, la proportion par rapport au nombre d'infections, afin de comparer, sont des données difficiles à trouver. Nous avons fait une demande aux autorités pour Maurice, hier matin, et nous étions toujours en attente au moment de mettre sous presse.

Quant aux États-Unis, 20 % des enfants morts depuis 2020 étaient infectés avec l'Omicron et ses sous-variants, dit le CDC. Est-ce une indication que la vaccination va aider les enfants ? Le Dr Shameem Jaumdally répond que l'affaire n'est pas si simple...

Le virologue explique que pour la vaccination des adultes, la balance bénéfice risque était très élevée. Il explique que sans vaccination, 10 000 à 20 000 adultes seraient morts par million de patients infectés. De plus, même s'il existait des risques avec les vaccins, les risques de mourir d'une infection étaient nettement supérieurs.

Mais le cas est différent pour les enfants. Jusqu'à présent, affirme-t-il, les enfants, même infectés, étaient très protégés. La balance bénéfice-risque n'est plus la même. "Cela s'explique aussi par la pléthore de vaccins administrés. Lorsqu'un enfant est vacciné contre une maladie, il sera certes protégé contre. Mais le vaccin sert aussi à activer son système immunitaire. Donc, il sera aussi protégé contre d'autres corps étrangers car le système est toujours on alert."

De plus, à Maurice, les enfants ne présentent pas le même taux de comorbidités que les adultes. Ils ne souffrent que très rarement de diabète, maladies cardiovasculaires et d'hypertension et sont donc moins à risque. D'ailleurs, même l'argument de protéger les adultes ne tient pas trop car le vaccin n'est pas stérilisant donc, même vaccinés, ils pourront transmettre le virus à leurs proches car les enfants demandent constamment des soins qui nécessitent un contact rapproché. La situation change lorsqu'il s'agit des enfants les plus à risque. "Mais en ce qui concerne les enfants malades, par exemple les asthmatiques ou encore les obèses, il faut absolument les protéger en priorité."

Cependant, le virologue nuance ses propos sur la vaccination des enfants. Pour lui, personne ne sait ce que l'avenir réserve. "Nous avons vu récemment que nous ne sommes pas à l'abri de n'importe quelle maladie avec l'apparition de la variole du singe dans plusieurs pays." La vaccination des enfants, dit-il, préparera leur système immunitaire aux futures apparitions d'autres coronavirus. "Il n'y a pas de vaccins contre la variole du singe, mais nous savons que les personnes vaccinées contre la variole ont un minimum de protection. Ce sera pareil. Avec ce vaccin, les enfants auront un certain degré de protection contre les futurs coronavirus. Mais encore une fois, il faut donner la priorité aux enfants à risque."

Les enfants à l'épreuve des aiguilles

Quelques paires d'yeux trahissent un peu de stress. Sous certains masques, on devine çà et là un sourire crispé. Courage et détermination sont cependant les maîtres mots. Les mini-soldats sont sur le champ de bataille, prêts à affronter la redoutable seringue... La campagne de vaccination anti-Covid, destinée aux enfants âgés de 5 à 11 ans, a démarré hier, à l'école du gouvernement de Petit-Verger. Qu'en ont pensé ces petits qui ont eu affaire à l'aiguille ?

Avant le "combat", il faut patienter quelque peu, sur les bancs. Sous la véranda de l'école, on s'occupe comme on peut en attendant son tour. Quatre salles de classe accueillent ceux qui sont venus se faire vacciner, accompagnés de leurs parents. Première étape : la prise de poids. Puis, ce sont les examens. Médicaux, cela s'entend. Et ce sont maman et papa qui doivent répondre au "questionnaire" du médecin. "Votre enfant a-t-il été malade au cours de ces derniers jours ? Est-il allergique à certains médicaments ?" Une fois cette étape franchie, munis du formulaire de consentement dûment signé par les parents, les petits se dirigent vers la salle d'enregistrement.

Un par un, en file indienne, ils entrent dans la troisième salle de classe. Le premier à s'y coller: Ranveer Hurpaul, 8 ans. Il se jette à l'eau, faudra bien y passer. Il prend place sur la chaise que lui désigne un officier du ministère de la Santé. Ranveer n'ose pas trop affronter la piqûre du regard, préfère se concentrer sur autre chose. "Regarde les caméras. On va te prendre en photo", lance le personnel, en essayant de le distraire. Il prend son courage à deux mains, pose son bras droit sur l'accoudoir. Deux secondes plus tard, c'est fini.

La mère de Ranveer, Sweety Hurpaul, est la plus soulagée des deux. Alors que certains parents sont "anti-vax", qu'est-ce qui l'a poussée, elle, à faire vacciner son enfant ? "Il est plus en sécurité maintenant. Le virus circule toujours. Même dans sa classe, des élèves ont attrapé le Covid-19. Cela nous stressait... "

Gaytri Nundoo tient le même discours. "Il y a toujours des cas à travers le pays. Ce vaccin va les protéger, mettre toutes les chances de leur côté." La piqûre ne semble en tout cas pas effrayer sa fille Girisha, qui se dit même impatiente de faire le vaccin. "Quand l'école a repris, c'était notre plus grande crainte. Comment protéger les plus petits face au virus", confie, pour sa part, Salima Nathoo, la maman de Sara. Ne craint-elle pas les possibles effets secondaires ? "Oui, tous les parents ont tout de même quelques appréhensions par rapport à cela. Mais nous suivons le protocole établi par le ministère et je pense que cela va bien se passer. Restons positifs !"

Dashini Maugra, elle, a bien préparé son fils, psychologiquement du moins, avant le Jour J. "Nous lui avons parlé du vaccin, répondu aux questions qu'il se posait." Du coup, en se réveillant hier matin, Khushannt, 9 ans, avait hâte de se rendre au centre de vaccination. Plus tard, malgré un bras quelque peu douloureux, il confiera : "Avec ce vaccin, je ne vais pas être malade, ni contracter de la fièvre... "

À noter que hormis l'école du gouvernement de Petit-Verger, six autres établissements ont accueilli les premiers enfants venus se faire vacciner ce lundi.

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