Ile Maurice: Éclairage - Le troisième oral de Padayachy en terrain miné !

Alors que le pays entre dans la dernière ligne droite du grand oral de Renganaden Padayachy, prévu dans deux semaines1, le troisième de la présente législature, le mood général de la population n'est visiblement pas aux grandes attentes.

L'exercice, contrairement au passé, ne soulève plus de grandes émotions, n'arrive pas à connecter les citoyens, tout au moins dans leur imaginaire populaire. Car ils savent que ses lendemains ne chanteront pas à l'issue des trois heures du discours budgétaire et que le Père Noël ne passe plus au mois de juin, sauf en année électorale.

En fait, depuis un certain temps, un sentiment de résignation gagne la population. Les locataires de l'hôtel du gouvernement ne souhaitent plus voir, ni entendre, et qu'il y a une volonté de confrontation, de provocation, voire un climat de terreur, pour faire taire le peuple, alors qu'il ne suffit que de bon sens et d'une certaine dose de rationalité dans la manière d'aborder certaines problématiques sociales pour les résoudre.

Il y a des signes qui ne trompent pas. Le gouvernement marche sur un terrain miné par la colère populaire, avec une population qui n'en peut plus face à la cherté de la vie. Il y a un réel problème de baisse du pouvoir d'achat avec la flambée des prix des produits de première nécessité dans les supermarchés, couplée aux pressions inflationnistes (l'inflation en glissement annuel était à 11 % en avril). Personne ne conteste que la guerre russo-ukrainienne ait déclenché cette valse des prix alimentaires et énergétiques mais se limiter à cet argumentaire sans rappeler la faiblesse de la roupie avec sa dépréciation délibérée et accélérée face aux principales devises, dont le dollar, relève de la mauvaise foi du côté du bâtiment du Trésor.

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D'ailleurs, l'expression populaire des familles qui, le mois dernier, sont descendues dans la rue à Camp- Levieux, Barkly, Pointe-aux-Sables ou Baie-du-Tombeau, ne peut être balayée d'un revers de main sous prétexte que des agents politiques s'y sont infiltrés. Sans doute, il y a eu une tentative de récupérer politiquement ces incidents, mais refuser de voir la réalité sociale et économique des ménages vivant dans la précarité et faire au passage l'amalgame avec les émeutes de Kaya en 1999, contrairement aux dirigeants de Business Mauritius, qui ont compris leur message de détresse, c'est faire preuve d'une incroyable myopie.

En même temps, la population assiste médusée à cette guerre larvée entre le MTC et la GRA. Malgré les déclarations des uns et des autres dans ce feuilleton à rebondissements, il faut être naïf pour ne pas y voir des arrière-pensées politiques. L'État a utilisé tous ses leviers pour fomenter un coup d'État au sein d'une société privée, une première à Maurice ! Sans doute Jean-Michel Giraud a ses défauts, comme ses qualités, mais fallaitil avoir recours à l'artillerie lourde pour l'évincer et installer une équipe qui aura l'entrée facile à l'hôtel du gouvernement et que les portes de banques s'ouvrent pour des fonds de roulement et des liquidités destinés à payer les salaires des employés de ce club ? Les turfistes ont compris que, derrière ce bras de fer, plane l'image d'un homme d'affaires proche du pouvoir qui en sort renforcé et dispose maintenant de tout un boulevard pour exécuter ses projets à sa guise.

Il est pour le moins paradoxal qu'alors que l'actuel régime a un bilan à vendre sur le développement infrastructurel avec fly-overs, routes ou encore le Victoria Urban Terminal sans compter le métro express, qui malgré des pertes de Rs 500 millions pendant sa phase de lancement, procure néanmoins une fierté aux usagers de la route, l'exécutif n'arrive pas à gérer la crise sociale.

Est-ce que le locataire du Trésor public saura faire la part belle au social pour calmer la colère populaire ? Renganaden Padayachy marche visiblement sur des oeufs. Les spécialistes s'interrogent sur sa marge de manoeuvre budgétaire et ne le voient pas faire fi des recommandations des institutions financières alors que, demain, il peut se retrouver dans une posture où il devra frapper à la porte du FMI ou de la Banque mondiale.

Pour le moment, les indicateurs ne jouent pas du tout en sa faveur ; le tourisme ne lui donnera pas un million d'arrivées au terme de 2022, même si certains au ministère du Tourisme et à l'AHRIM y croient dur comme fer à condition que l'État assouplisse les restrictions sanitaires, que les touristes jettent leur masque à l'arrivée à Plaisance et que MK joue à fond sur sa connectivité.

Quel sera son balancing act, conscient que, comme tous ceux qui l'ont précédé, il devra réconcilier les impératifs sociaux et économiques ? Sauf que cette fois, le dosage social sera plus prononcé. Or, le hic est que le social a un coût et qu'avec une croissance estimée à 4 % au 30 juin 2022 contre les 9 % projetés dans le Budget 2021-22, il ne peut pas engranger les dividendes de cette croissance.

Est-ce qu'il s'appuiera sur une hausse des revenus fiscaux pour doper ses recettes ? Les économistes en doutent mais son entourage est confiant, réconforté sans doute par la récente analyse du patron de la MRA, Sudhamo Lal, sur le dynamisme des recettes fiscales pour 2022. Toujours est-il que le pays l'attend au tournant, plus particulièrement sur la hausse du salaire minimum, de la pension de vieillesse ou encore l'adoption d'une approche ciblée pour les prestations sociales.

Du pain sur la planche pour le ministre des Finances, qui a l'occasion de prouver que le Budget n'est pas qu'un simple exercice comptable mais qu'il peut être un puissant instrument à la disposition du gouvernement pour se livrer à une véritable redistribution des richesses parmi la population.

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