Tunisie: Dialogue national - Dernière ligne droite sous haute tension !

A quelques heures de son lancement, prévu vers la fin de cette semaine, ou même avant, le flou autour du dialogue national est toujours persistant. Mais nous savons déjà que certains partis sont d'emblée exclus de ce rendez-vous d'envergure, à l'instar d'Ennahdha, d'Al-Karama ou encore de Qalb Tounès. Le fossé entre le Président de la République et le Courant démocratique s'est également creusé davantage, ce qui complique la participation de ce parti à ce rendez-vous.

Le projet présidentiel portant sur un processus de rectification lancé le 25 juillet arrive à un moment crucial. Après avoir surpris tous les Tunisiens en annonçant la suspension du Parlement puis sa dissolution et récemment l'organisation d'un référendum et d'élections anticipées, Kaïs Saïed continue d'aller jusqu'au bout de son projet politique. Pour lui, c'est la seule issue pour mettre fin à la crise économique, politique et sociale que connaît la Tunisie, tout en écartant toute participation significative des partis politiques au dialogue national devenu lui-même une source de tension.

Mais selon les observateurs de la scène politique, le projet présidentiel connaît actuellement un tournant décisif, celui de l'organisation du dialogue national, un point de discorde censé pourtant faire sortir le pays du blocage. Alors que son initiateur, le Président de la République, refuse toujours de faire machine arrière en écartant la participation de certains partis politiques et en insistant sur le rôle des organisations nationales, ce dialogue national semble indispensable pour la poursuite du processus du 25 juillet.

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L'Union générale tunisienne du travail (Ugtt) avait décidé de boycotter le dialogue national proposé le 20 mai par le président Kaïs Saïed et annonce une grève générale. Un premier coup dur pour cet évènement d'envergure qui connaît déjà des rebondissements de taille. Il faut également rappeler que par un décret présidentiel, Kaïs Saïed a nommé le juriste Sadok Belaïd à la tête de la commission chargée d'une mission constituante. Celle-ci doit élaborer une nouvelle loi fondamentale pour le pays à travers un " dialogue national " qui exclut totalement, ou presque, les partis politiques. Une situation qui ne cesse de raviver la tension au sein de la scène politique, d'autant plus que cette démarche est déjà rejetée par la majorité des partis politiques.

Lors d'une conférence de presse, la centrale syndicale a apporté plus de détails à sa position exprimée il y a quelques jours portant sur le refus de prendre part à ce dialogue. Pour elle, sa participation au dialogue national reste conditionnée par certaines décisions d'envergure. Sami Tahri, secrétaire général adjoint de l'Ugtt, a appelé avant-hier dans ce sens le Président de la République à faire participer " un ensemble plus large des partis politiques et organisations considérant le 25 juillet comme une étape de rectification ".

Au fait, pour l'Ugtt, un dialogue politique sans partis politiques n'aura aucun sens. La Centrale syndicale laisse ainsi la porte ouverte pour son éventuelle participation à condition de garantir les moyens de succès de cet évènement décisif pour le pays.

Pour sa part, le secrétaire général adjoint de l'Ugtt, Anouar Ben Gaddour, a dénoncé ce qu'il appelle " l'état d'ambiguïté dans lequel sombre le pays ".

Le dirigeant a indiqué que la centrale syndicale s'attache aux réformes, notamment dans les secteurs de l'enseignement, de la santé et de l'agriculture. " Nous sommes favorables à des réformes au cas par cas et nous avons un programme clair pour résoudre les problèmes relatifs à la masse salariale élevée ", a-t-il déclaré.

Les partis exclus ?

A quelques heures de son lancement, prévu vers la fin de cette semaine, ou même avant, le flou autour du dialogue national est toujours persistant. Mais nous savons déjà que certains partis sont d'emblée exclus de ce rendez-vous d'envergure. Le président de la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l'Homme (Ltdh) Jamel Msallem, a déclaré, dans ce sens, suite à un entretien avec le président de la République, que jusqu'à quatre partis politiques seront exclus du dialogue.

Msallem, qui a émis des réserves quant au court délai dédié à l'organisation du dialogue appelant à impliquer les organisations nationales au sein de ce processus, affirme que ces partis n'ont pas été dévoilés. Mais nul ne doute que des partis comme Ennahdha, Al-Karama ou encore Qalb Tounès ne seront pas les bienvenus à cet évènement. Le fossé entre le président de la République et le Courant démocratique s'est également creusé davantage ce qui complique la participation de ce parti à ce rendez-vous.

Par le biais de son membre Imed Khemiri, le parti Ennahdha a annoncé avoir décidé de ne pas prendre part à ce dialogue national ni à tout le processus électoral engagé par le Président de la République. Khemiri considère que son parti n'est pas concerné ni par les élections anticipées, ni par le référendum, mettant en garde contre une crise politique d'envergure.

Idem pour le Parti destourien libre (PDL) dont la présidente Abir Moussi a annoncé que celui-ci refuse d'adhérer à ce processus électoral falsifié, estimant que cette démarche mène le pays vers l'impasse, et annonçant une grosse manifestation pour le 18 juin.

La commission au cœur du débat

Mise en place pour préparer la nouvelle Constitution mais aussi le dialogue national par lequel devra passer tout ce processus de rectification, la commission consultative pour la " Nouvelle République " démarre vraiment mal. Alors que ses différentes structures devraient travailler sous haute tension et sous pression des délais, les doyens des facultés de Droit et de Sciences juridiques et politiques ont annoncé avoir décliné leur nomination au sein de ladite commission consultative. Ils se disent honorés par la confiance que leur a témoignée le Président de la République, mais ils soulignent leur ferme volonté de veiller à la neutralité des institutions universitaires et la nécessité de les maintenir éloignées des affaires politiques.

Régissant à cette annonce, l'ancienne conseillère du Président de la République Rachida Ennaïfer a critiqué la position de ces doyens. " Si le communiqué des doyens sur le refus de faire partie de la commission de rédaction des réformes juridiques est avéré, puisqu'il ne porte pas jusqu'à ce moment de signatures, alors cela reflète la rupture entre l'élite et le peuple dont elle est censée faire partie et qui cherche un changement et refuse un retour en arrière ", a-t-elle estimé.

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