Afrique: La transition énergétique du continent préoccupe, à six mois de la COP27

Quelles priorités pour l'Afrique face au changement climatique? À six mois de la COP27 en Égypte, cette question était au cœur des discussions du Forum Ibrahim sur la gouvernance, qui vient de s'achever ce vendredi 27 mai à Londres.

Pendant trois jours, des représentants de la société civile africaine et de gouvernements, dont le président en exercice de l'Union africaine Macky Sall, se sont réunis pour faire avancer la position de l'Afrique dans le débat mondial sur le climat. Une position pas assez entendue comme le souligne un rapport de la fondation Mo Ibrahim publié en amont du forum.

Pauvreté, insécurité alimentaire, déplacements de populations, conflits autour des ressources... : le rapport " Faits et Chiffres " de la fondation Mo Ibrahim dresse un tableau alarmant des conséquences du réchauffement climatique pour le continent.

Ces spécificités africaines ne sont pas assez prises en compte, selon la fondation qui rappelle que les dix pays les plus touchés par le changement climatique se trouvent en Afrique, des pays comme le Niger, la Somalie ou le Tchad, et que sans des mesures concrètes, 40 millions de personnes supplémentaires sombreront dans l'extrême pauvreté.

Mercredi, à l'ouverture du forum, le Sénégalais Macky Sall a plaidé pour une transition énergétique juste pour l'Afrique. Pour lui, le continent devrait être autorisé à utiliser ses propres ressources, notamment le gaz naturel, afin de combler son déficit énergétique.

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Pour les auteurs du rapport, au-delà du gaz, le développement des énergies renouvelables pourra stimuler une économie verte sur le continent.

Aujourd'hui, la ministre égyptienne de l'Énergie a reçu les conclusions du rapport. Elles lui serviront de base pour la prochaine COP27 en novembre prochain à Charm el-Cheikh, en Égypte.

■ Protéger le climat et permettre l'accès de tous à l'énergie

Lors de la dernière COP26 à Glasgow, plusieurs pays s'étaient mis d'accord pour mettre fin aux financements des énergies fossiles. " Une erreur " selon la fondation Mo Ibrahim, qui souligne l'importance de trouver un point d'équilibre entre l'accès à l'énergie pour tous et la protection du climat. Entretien avec Nathalie Delapalme, directrice exécutive de la Fondation.

À quelle réalité l'Afrique fait face quand on parle de la fin des énergies fossiles ?

N. D. : On est en Afrique sur un continent où 600 millions de personnes n'ont toujours pas accès à l'électricité - 600 millions c'est deux fois la population des États-Unis et 1,3 fois la population du continent européen -, où 900 millions de personnes n'ont toujours pas accès à de combustibles propres pour faire la cuisine, avec des conséquences majeures en termes de santé ; donc ça veut dire qu'il faut arriver à trouver un point d'équilibre entre le souci d'assurer cet accès à l'énergie pour tous et la protection du climat.

Pour atteindre cet équilibre, vous préconisez l'usage du gaz naturel, mais cette solution va à l'encontre de la volonté de la communauté internationale de sortir des énergies fossiles...

Encore une fois sur un continent où 600 millions de personnes n'ont toujours pas accès à l'électricité, il est évident qu'on ne peut pas dans l'immédiat se passer du gaz comme énergie de transition ; d'abord puisque le gaz existe, on a 18 pays qui sont producteurs de gaz, ensuite parce que c'est de loin l'énergie fossile la moins polluante. Donc exclure le gaz de tout financement comme cela a été fait lors de la dernière COP26 est à notre sens une erreur et une erreur qui risque de coûter cher en termes de développement pour le continent africain.

Comment rassurer la communauté internationale ?

Il faut arriver à trouver à la fois un point d'équilibre et je dirais un cheminement qui permet de continuer à utiliser le gaz, qui permet d'utiliser mieux le gaz, tout en développant les énergies renouvelables. Quand je dis utiliser mieux : ça veut dire trouver aussi des moyens de régler des problèmes majeurs : qui sont des sujets de distribution, de transport et d'accès au consommateur.

Pourquoi est-il important que votre message soit entendu ?

On risque peut-être de faire avancer les solutions sur la lutte contre le climat mais au détriment de la réalisation des objectifs du développement durable parce que quand on rappelait la vulnérabilité particulière du continent africain, en terme de désertification, et quand on ajoute à ça l'impact du Covid, plus l'impact aujourd'hui du conflit ukrainien, ça veut dire qu'on est face à des risques majeurs d'instabilité croissante, de crises sociales, de conflit pour des ressources. Donc ne pas sacrifier les engagements de la communauté internationale en termes de développement à la seule considération climatique. Il en va de la vie des gens, la vie des gens immédiatement.

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