Dakar — L'"incompétence collective" de la société envers les malades mentaux doit être combattue, soutient la romancière Fama Diagne Sène, qui appelle en même temps l'Etat et la famille à les prendre correctement en charge.
"On peut véritablement guérir certains d'entre eux. Mais il faut de la volonté, celle de la famille d'abord, pour communiquer avec les médecins et les malades ; une volonté politique ensuite, pour une réelle prise en charge de ces errances", a dit Mme Sène dans une interview publiée vendredi par Le Témoin Quotidien.
"Beaucoup de mal-être, en vérité", a répondu cette femme de lettres sénégalaise à la question de savoir ce qu'elle pense de l'attitude de la société envers les malades mentaux, ajoutant : "Nous sommes dans une société démissionnaire (... ) C'est cette incompétence collective qu'il faut combattre."
Poursuivant son plaidoyer en faveur des personnes victimes de déficience mentale, Fama Diagne Sène affirme que "l'Europe a plus de malades du cerveau que l'Afrique". "Mais [en Europe], ils sont protégés et ne traînent pas dans les rues", ajoute-t-elle.
"Le fou connaît des moments de lucidité intense. Il nous juge, il nous regarde et a même parfois pitié de nous. Même s'il n'arrive pas à retrouver toute sa lucidité, il peut être respecté et respectable, s'il est correctement pris en charge par la société. Ce n'est pas une faveur, c'est un droit", a plaidé Mme Sène.
"Le malade mental est un citoyen. Il a sa part de l'argent public. On devrait le soigner, l'interner, le nourrir, lui permettre de se marier et de fonder une famille", poursuit la romancière, lauréate en 1997 du Grand Prix du chef de l'Etat pour les lettres, pour "Le chant des ténèbres", paru aux Nouvelles éditions africaines du Sénégal.
La folie, thème central de ce livre, "n'est pas la perte définitive des facultés mentales de l'individu", a-t-elle précisé.