Ile Maurice: Débat - Quand l'État achète des dessins d'enfants à Rs 3 000

So sweet! Des paysages vus à travers les yeux des enfants. Près de 150 jeunes ont participé à un concours de dessin organisé par le National Heritage Fund, autour du thème "rural landscape".

Lors de la remise de prix le vendredi 27 mai, le ministère des Arts et du patrimoine culturel a annoncé avoir acheté les dessins de neuf gagnants du concours. Montant de la transaction : Rs 3 000 par dessin. Anecdotique ? Pas quand la National Art Gallery (NAG), qui existe depuis 2000 (galerie de nom seulement), a pour mission de constituer une collection nationale d'oeuvres d'art (voir hors-texte).

Pour Nirveda Alleck, artiste et chargée de cours à l'École des Beaux-Arts, au Mahatma Gandhi Institute, l'achat de neuf dessins d'enfants par l'État est une "mesure pour gagner en popularité". Mais surtout, "ce n'est pas la mission" du ministère des Arts et du patrimoine culturel.

L'enseignante se demande pourquoi ne pas laisser le volet pédagogique au ministère de l'Éducation et éviter les doublons. Priorité devrait être accordée aux "promesses faites depuis tant d'années. Donnez-nous la NAG, le musée d'art, une loi sur le statut des artistes" etc.

Nirveda Alleck va plus loin : "À quoi bon encourager des centaines d'artistes pour ne pas les soutenir par la suite ?" Les institutions qui dispensent des formations dans des filières artistiques doivent se demander "pourquoi formons-nous des étudiants qui plus tard n'auront pas de statut professionnel ?"

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Réaction

Pierre Argo: "Donner des sous aux enfants est un dérapage malheureux"

Pierre Argo, peintre et photographe, se demande si on n'a pas transformé un concours de dessin en "activité politique devant les caméras de la Mauritius Broadcasting Corporation (MBC)". Il ajoute : "Est-ce que Rs 3 000 c'est le barème, alors que certains proposent Rs 30 000 aux artistes de longue date ?" Pierre Argo affirme qu'une meilleure récompense aurait été du matériel de peinture, des beaux livres sur l'art.

Et l'opportunité pour les enfants de rencontrer des artistes confirmés. Il estime que "donner des sous aux enfants, c'est un dérapage malheureux. Une mauvaise habitude qu'il faut déraciner du système. Ce n'est qu'aux professionnels qu'on achète des oeuvres, mais ils sont laissés pour compte".

National Art Gallery: l'achat d'oeuvres relancé

Le délai a expiré le 30 mai. Date limite pour participer à l'Artwork acquisition programme 2022 de la NAG. Nouvelle opération d'achat de tableaux, photos, gravures et sculptures pour enrichir la collection nationale d'oeuvres d'art.

Darmarajen Veerasamy rappelle que le budget d'acquisition de l'institution est passé de Rs 25 000 en 2019 à "Rs 1,2 million pour 2020-2021". Puis à "Rs 1,5 million pour 2021-2022". Le président de la NAG précise que celle-ci a aussi lancé un appel aux "proches d'artistes décédés ainsi qu'aux collectionneurs. C'était 'long overdue'". Selon lui, plusieurs artistes ont revu à la baisse le prix des oeuvres lors des négociations avec la NAG.

"Certains collectionneurs sont disposés à faire don d'une oeuvre si nous en achetons une seconde." Darmarajen Veerasamy reconnaît que de nombreux créateurs veulent savoir où les oeuvres sont conservées, en l'absence d'une galerie. Il rassure : "Nous avons une pièce appropriée. Ce n'était pas le cas auparavant. Les oeuvres ne sont pas empilées les unes sur les autres. Avant, on disait que les tableaux de la NAG n'avaient pas de valeur. Je ne dénigre jamais le travail d'un artiste, toutes les oeuvres ont de la valeur." L'archivage et l'évaluation de chaque oeuvre sont aussi en cours.

Locaux à louer: galerie cherche galerie

Le 7 avril, la NAG a lancé un appel d'offres pour louer des espaces bureaux d'environ 500 mètres carrés. Si on n'en connaît pas encore le résultat, "un espace d'exposition est aussi prévu dans ces nouveaux locaux", affirme Darmarajen Veerasamy, président de la NAG. La NAG avait eu une dotation budgétaire de Rs 90 millions pour la rénovation de l'entrepôt de l'ex-hôpital militaire, afin d'y emménager. Cette structure délabrée est dans la zone tampon du patrimoine mondial qu'est l'Aapravasi Ghat.

"Nous comptions rénover par phase." Il s'agit d'un vieux projet qui date de 2011. Il fait partie des développements en attente du feu vert de l'Unesco, règlements du patrimoine mondial oblige. Au même titre que l'Immigration Square Urban Terminal, la rénovation de la section boucherie du marché central et le musée intercontinental de l'esclavage. "L'Unesco a dit qu'il faut que tous les chantiers démarrent et s'achèvent en même temps pour déranger le moins possible l'Aapravasi Ghat", explique Darmarajen Veerasamy. Il précise que le dossier "est au ministère. Je ne sais pas si nous aurons suffisamment de fonds pour rénover le bâtiment d'un seul coup".

Un an d'attente pour vendre une oeuvre à la NAG

Un plasticien qui souhaite vendre une oeuvre à la NAG lâche : "Préfer bann zanfan lamem." Il affirme que cela fait un an qu'il attend que la NAG achète l'une de ses oeuvres. "À chaque fois, la NAG dit qu'elle cherche des locaux pour mieux stocker les oeuvres, voilà pourquoi ça tarde."

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