Kenya: Odinga, l'éternel combattant !

analyse

Une grande effervescence politique s'est emparée du Kenya, la plus grande économie d'Afrique de l'Est, depuis le 29 mai 2022. En effet, la campagne pour la présidentielle du 9 août prochain y bat son plein, avec en lice, l'actuel vice-président, William Ruto, 56 ans et l'ex-prisonnier politique et Premier ministre, Raila Odinga, 77 ans.

Respectivement candidats de l'Alliance démocratique unie (UDA) et du Mouvement démocrate orange (ODM), ces deux gros calibres ont engagé le combat pour la succession de Uhuru Kenyatta, appelé à céder le fauteuil présidentiel après deux mandats. Opposant historique qui jouit d'une popularité jamais démentie, Odinga se jette à l'eau pour la cinquième fois après ses échecs à la présidentielle de 1997, 2007, 2013 et 2017.

Cette fois-ci, cette figure politique kenyane de premier plan pourrait conjurer le mauvais sort qui semble l'habiter. Odinga est donné favori par les sondages qui entrevoient tout de même un scrutin serré. Fait rare en Afrique, il bénéficie du soutien de son ancien ennemi juré et président sortant, Kenyatta, qui a préféré miser sur lui au détriment de son dauphin tout tracé, Ruto. Ce rapprochement, qui sert plus ou moins la démocratie kenyane, s'inscrit en droite ligne de l'accord de réconciliation, scellé en 2018 entre les deux hommes, après les violences postélectorales de 2017.

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A Odinga, cet éternel défenseur de la démocratie et de la bonne gouvernance, de vendre ses idées pour convaincre ses compatriotes de porter leur choix sur lui dans les urnes. Economie, éducation, lutte contre la corruption, le vieux routier de la politique a ses recettes pour porter le Kenya à un niveau de développement plus appréciable. Si tout semble jouer en sa faveur, Odinga, qui est de l'ethnie Luo, devra ramer à contrecourant de l'histoire pour se hisser au sommet de l'Etat. Depuis l'indépendance du Kenya en 1963, les présidents ont toujours été issus de l'ethnie Kikuyu, celle de Kenyatta et de Ruto.

Jamais un Luo n'a réussi à prendre les commandes du pays. Mais les observateurs les plus avisés savent que le cours de l'histoire peut changer à tout moment. Non moins charismatique, Williman Ruto, qui se réclame chantre de la démocratie, avec une volonté manifeste de lutter contre la corruption, croit également à son étoile et à son heure. Même s'il n'a pas le soutien du président sortant, ce qui est un gros souci, il pense pouvoir prouver à la face du monde, ce dont il est capable.

Mais la posture de va-en-guerre que Ruto affiche suscite des craintes dans ce pays, coutumier des violences postélectorales. N'a-t-il pas récemment affirmé devant des ambassadeurs de l'Union européenne (UE), que près d'un million de noms avaient été rayés du fichier électoral dans des localités acquises à sa cause ? Cette information a été démentie par la commission chargée de l'organisation des élections qui a indiqué, circonstance oblige, que le fichier électoral était en cours de consolidation.

Ce qui suppose, à en croire cette instance, que certains noms pouvaient être transférés légalement d'un bureau à un autre. Ruto, qui se dit à bien des égards confiant, entrevoit-il déjà sa défaite et prépare-t-il ses partisans à d'éventuelles manifestations dans les rues ? Nous osons espérer le contraire. De toute évidence, Ruto apparait en contestataire avant l'heure, puisqu'il accuse le camp présidentiel, qui détient l'appareil d'Etat, de tentative de manipulations et de fraude électorale au profit de son adversaire.

Encore faut-il attendre la tenue effective de ce scrutin, couplé aux législatives, pour déceler des anomalies et formuler des requêtes dans le strict respect de la loi électorale. L'attitude de Ruto est à abandonner au plus vite, pour ne pas réveiller les vieux démons qui sommeillent en terre kenyane. La relative stabilité qui s'est installée au Kenya, pays devenu un acteur dans les négociations de paix dans les conflits en Ethiopie, au Soudan du Sud et en République démocratique du Congo (RDC), doit être préservée à tout prix.

Les spectacles désolants du passé doivent demeurer de mauvais souvenirs. Il ne faut pas ajouter des noms sur les listes macabres des violences postélectorales intercommunautaires. Celles de 2007-2008 ont couté la vie à plus de 1 100 personnes et celles de 2017, des dizaines d'autres. Plus jamais ça au Kenya !

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