Congo-Kinshasa: Le roi belge en RDC - Au-delà de la symbolique...

analyse

Douze ans après la visite du roi Albert II de Belgique, la République démocratique du Congo (RDC) accueille ce 7 juin 2022, un autre roi belge, Sa Majesté le roi Philippe et son épouse, la reine Mathilde, pour une visite officielle d'une semaine.

Dans la délégation royale : le Premier ministre belge, Alexander De Croo, ainsi que la ministre de la Coopération au développement et le Secrétaire d'Etat pour la relance et les investissements stratégiques chargé de la politique scientifique, Thomas Dermine. Une délégation de haut rang pour le renforcement des relations entre deux pays liés par l'histoire même s'ils ne le sont pas par la géographie, en réponse à l'invitation des autorités de Kinshasa qui veulent voir dans l'élection du président Félix Tshisékédi, le début d'une nouvelle ère dans les relations entre les deux pays.

Pour l'histoire, le Congo Belge aujourd'hui République démocratique du Congo, était la propriété privée du roi Léopold II de Belgique. Ce dernier en avait fait l'acquisition en faisant signer des contrats aux chefs de tribus africains qui ne savaient pas que ce qu'ils prenaient pour un traité d'amitié, transférait, en réalité, leur territoire au roi des Belges.

La RDC n'a jamais véritablement coupé le cordon ombilical avec l'ancienne puissance colonisatrice

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Une pratique assez courante pendant la colonisation, sauf que dans le cas d'espèce, Léopold II avait passé ces contrats en son nom propre et non à celui de l'Etat de Belgique. Il disposera alors du Congo Léopoldville comme d'un bien privé pendant de longues années, avant d'être contraint à le léguer au gouvernement de la Belgique au début du 20ème siècle.

C'était en 1908. Depuis lors, beaucoup d'eau du fleuve Congo a coulé sous les ponts. Le Congo Léopoldville devenu indépendant en 1960, a pris le nom de Zaïre sous feu le président Mobutu Sésé Séko avant de devenir la République démocratique du Congo qu'elle est aujourd'hui. Mais comme la plupart des pays africains, la RDC n'a jamais véritablement coupé le cordon ombilical avec l'ancienne puissance colonisatrice qui continue de garder une certaine influence sur le jeu politique.

Mieux, il est aujourd'hui beaucoup plus question de travailler à améliorer ces relations dans l'intérêt des deux pays. C'est sans aucun doute dans cette optique qu'il convient de situer la visite, sur les rives du fleuve Congo, du souverain belge qui ne semble pas dans une logique de reniement du douloureux passé commun des deux pays.

Un passé qui a pourtant tout pour empoisonner leurs relations au-delà du contentieux de l'assassinat de Patrice Lumumba. L'on est porté à croire en cette logique de non reniement, à en juger par les " profonds regrets " exprimés, en 2020, par le même roi Philippe pour les " actes de violence et de cruauté " commis au Congo à l'époque coloniale et l'esprit de la présente visite qui cherche à " construire un avenir de fraternité entre les peuples congolais et belge ".

Les relations entre Kinshasa et Bruxelles se présentent plutôt sous de bons auspices

C'est dire si au-delà du symbolique, cette visite marque un tournant dans les relations entre la Belgique et son ancienne colonie. D'autant que sous l'ex-président Joseph Kabila, des tensions avaient même conduit, en 2018, à la fermeture de représentations diplomatiques comme le consulat de Lubumbashi en RDC et à la réduction des fréquences de rotation de la compagnie aérienne nationale belge par Kinshasa.

En plus, cette visite royale intervient au moment où il est question de la restitution par la Belgique, d'objets culturels congolais et autre patrimoine spoliés sous la colonisation.

Autant de signes d'une volonté de décrispation et de réchauffement des relations bilatérales, qui semble aussi partagée par les autorités de Kinshasa à l'origine de l'invitation du couple royal. Autant dire que les relations entre Kinshasa et Bruxelles se présentent plutôt sous de bons auspices avec ce déplacement de la couronne belge, accompagnée du chef de l'Exécutif, qui participe aussi du rayonnement de la diplomatie congolaise.

En tout état de cause, la Belgique et la RDC ont tout à gagner de relations saines et cordiales plutôt que de passer le temps à ressasser un lourd passé colonial auquel l'on ne peut plus rien changer. C'est dire s'il faut savoir avancer. C'est sans doute tout le message de cette visite du roi Philippe qui, à défaut de refaire l'histoire, semble animé du désir de s'appuyer sur le passé pour mieux orienter l'avenir des relations entre le royaume de Belgique et son ancienne colonie.

Et qui sait si ce ne sera pas aussi l'occasion d'essayer de rabibocher, par la diplomatie souterraine, la RDC avec son voisin rwandais, cette autre ex-colonie belge aujourd'hui en froid avec Kinshasa.

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