Burkina Faso: Boubacar Sannou, vice-présdent du CDP à propos de la présidence du parti - " Eddie Komboïgo a été reconduit et nous attendons sereinement la remise de notre récépissé "

interview

La crise au sein du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) et les démarches pour sa réunification, étaient au cœur de l'entretien que nous avons eu avec Boubacar Sannou, vice-président du parti. Cet ancien parlementaire et précédemment vice-président de l'Assemblée nationale, qui a reconnu que la crise existe bel et bien, n'a pas hésité à en parler tout en évoquant la rencontre avec l'ancien président du Faso, Blaise Compaoré, président d'honneur du CDP. Bien d'autres sujets ont été abordés dont la crise sécuritaire.

" Le Pays " : Comment se porte le CDP aujourd'hui, étant donné que les activités des partis politiques sont mises en veilleuse par le pouvoir militaire ?

Boubacar Sannou : Avant tout propos, permettez-moi de vous remercier pour tout ce que vous faites pour la liberté de la presse dans notre pays. Mes hommages au Fondateur qui a eu la lumineuse idée de créer cet organe, il y a plus de trois décennies et qui fait la fierté de la presse nationale, contribuant ainsi énormément à entretenir la liberté d'expression et à diffuser l'information et surtout la bonne, la vraie.

Pour revenir à votre question, je dirais qu'effectivement, depuis le 24 janvier 2022, les militaires ont pris en main le gouvernail de l'appareil d'Etat, mettant ainsi en veilleuse les activités des partis politiques. Notre parti, le CDP, essaie tant bien que mal de se conformer à cette nouvelle donne en revoyant la nature, l'envergure et les objectifs de ses activités sur le terrain.

%

Nous avons résumé ces activités à la tenue des réunions de nos organes et instances pour rester en conformité avec nos dispositions statutaires, en tenant des conférences de presse pour donner notre position sur la situation nationale, communiquer avec nos militants et au-delà le peuple burkinabè, en tenant des rencontres avec les responsables de nos structures géographiques, la participation à des panels etc., en participant à des œuvres sociales (dons de sucre à la communauté musulmane lors de la période du jeûne de Ramadan, participation aux fêtes coutumières des différents chefs, baptêmes, mariages et obsèques touchant nos militants).

Pour le moment, nous n'avons pas encore tenu de grand rassemblement. Ce qui ne saurait tarder car nous avons été instruits par le Bureau exécutif national d'organiser de grandes assemblées générales des femmes et des jeunes à Ouaga et Bobo, Koudougou et Ouahigouya. Bref, on s'adapte à la nouvelle donne.

Au terme de votre dernier congrès, vous avez déposé un dossier aux fins d'obtenir un récépissé de reconnaissance. Où en est-on avec le dossier ?

La loi dispose effectivement qu'au terme de tout congrès, les partis politiques disposent d'un délai d'un mois pour introduire un dossier aux fins de reconnaissance ou de renouvellement de leur récépissé et cela conformément aux dispositions des articles 13 & 17 de la Charte des partis politiques. Cette même loi dispose que l'Administration a un délai de deux mois pour vous remettre le récépissé ou rejeter votre demande.

Nous avons déposé notre demande de renouvellement de notre récépissé le 29 décembre 2021. Nous avons reçu notre accusé de réception sans aucune réserve. Cinq mois après, nous attendons toujours notre récépissé. Mais il est dit également que si au terme du délai dont dispose l'Administration pour vous répondre, vous n'en recevez pas, cela emporte acceptation, donc enregistrement du dossier et par conséquent du récépissé. Nous avons relancé l'Administration à plusieurs reprises sur les raisons qui motivent la rétention de notre récépissé. Il nous a toujours été dit de patienter et que le document nous parviendra. Donc, nous attendons toujours.

Après votre rencontre avec le président d'honneur Blaise Compaoré, peut-on dire que les divergences ont été aplanies entre les protagonistes ?

Effectivement, le président Blaise Compaoré, président d'honneur du CDP, nous a fait l'honneur de nous convier à une concertation à Abidjan, du 23 au 25 mai. Nous y avons participé et l'invitation avait pour objet de voir comment réaliser l'union au sein du parti. Il serait malhonnête de ne pas reconnaître qu'une crise est née effectivement au sein des militants, à la veille de la tenue du VIIIe congrès ordinaire.

Ce qui a conduit un groupe de militants à assigner le parti, le président du parti, président du bureau politique national et la direction du parti, devant les instances judiciaires de notre pays. Au terme de cette procédure, les recours ont été rejetés et autorisation accordée au parti et au président du parti par la Justice et par les instances de tenir ce VIIIe congrès. Nous, de la direction du parti, sommes ouverts à toute action permettant de renforcer la cohésion, l'entente, l'unité au sein de notre parti.

C'est pourquoi nous avons non seulement répondu à l'invitation de Son Excellence le président Compaoré, par ailleurs président d'honneur de notre parti. Mais aussi, nous avons salué à sa juste valeur sa démarche et sa volonté d'œuvrer à ce que l'union et l'unité reviennent dans cette formation politique qui est également son parti. Il nous a tous écoutés.

Les propositions allant dans le sens de l'union et de la cohésion ont été faites. Nous nous sommes tous parlé, preuve qu'il n'y a pas de barrières infranchissables entre nous. Le président d'honneur a promis de nous revenir. Nous attendons.

Peut-on dire que la réunification du parti, est enclenchée ?

A l'exception de quelques partis politiques, le CDP est la mère de pratiquement la grande majorité des partis politiques évoluant sur l'échiquier politique national. Ce n'est pas la première fronde que nous connaissons. Rappelez-vous qu'entre 2018-2021, nous avons connu plusieurs assignations en justice que nous avons pu surmonter. Nous souhaitons vivement que la raison revienne chez certains de nos camarades afin que dans les jours à venir, cette fronde puisse être inscrite dans le passé.

" Il fallait abattre le président Eddie Komboïgo à tout prix, même en marchant sur les textes du parti et les principes élémentaires du bon sens "

Qui dirige actuellement le CDP quand on sait qu'il y a deux tendances et qu'aucune tendance ne dispose d'un récépissé de reconnaissance ?

A ce que je sache, il n'y a eu qu'un seul congrès tenu en décembre 2021 dont vous avez couvert les travaux. Et dans le registre du MATDS, il n'y a qu'une seule demande de renouvellement de récépissé. Actuellement, les charges de fonctionnement du parti (factures d'eau, d'électricité, salaires du personnel, frais de gardiennage des locaux) sont assurées par le président Eddie Komboïgo. Les responsables des structures déconcentrées du parti ne répondent que du président Eddie Komboïgo.

Alors, selon vous, qui est le patron du CDP ? Lorsqu'on assume une fonction, on assume également ses responsabilités en tant que premier responsable et c'est ce que le président Eddie Komboïgo fait. Il est vrai qu'à la veille du congrès, un groupuscule de militants, à travers une déclaration de presse, a affirmé avoir suspendu le président Eddie Komboïgo et que dorénavant, un des leurs assurait l'intérim.

Nous avons mis cela sous l'effet de la colère et du désespoir. Souvenez-vous que ce sont les mêmes qui avaient demandé au juge la suspension de la tenue du VIIIe congrès et à deux reprises. Sentant leur défaite inévitable devant la Justice et devant les instances du parti, ils se sont précipitamment réunis, selon nos informations, au nombre de sept (7), dans un hôtel, pour rédiger, dans la précipitation également, leur déclaration qu'ils rendront publique plus tard.

S'ils avaient autorité à suspendre le président du parti, pourquoi l'avoir assigné en référé devant le juge ? Ils auraient pu faire l'économie de cette procédure et de cette dépense d'énergie et de perte de temps devant le juge. Nos textes issus du VIIe congrès, stipulent qu'aucun militant ne peut être sanctionné sans avoir été au préalable entendu. Devant quel organe ou instance le président Eddie Komboïgo a-t-il été entendu ?

Vous assignez le président de votre parti, le président Eddie Komboïgo devant le juge (de 8h30 à 18h40). Vous vous précipitez pour dire que vous avez convoqué une réunion du Bureau exécutif national à 15h et comme il n'est pas venu, vous l'avez suspendu. Qu'elle est la faute commise ici ? Dites-moi comment Eddie Komboïgo pouvait-il être présent devant le juge et en même temps présider une réunion qu'il est censé avoir convoquée mais qu'eux disent avoir tenue et l'avoir suspendu ?

Ils se sont réunis au nombre de sept (7) personnes sur un effectif de plus de cent (100) au BEN (qui, d'ailleurs, était présent à la 71e session du BPN organisée le même jour). L'intention manifeste de mal faire est évidente. Il fallait abattre le président Eddie Komboïgo à tout prix, même en marchant sur les textes du parti et les principes élémentaires du bon sens. Nous avons tenu le congrès conformément à nos textes. Le président Eddie a été reconduit et nous attendons sereinement la remise de notre récépissé.

A moins de vouloir défier l'autorité judiciaire et même administrative, il ne saurait y avoir un autre responsable agissant au nom du CDP. Nous ne voyons pas comment un congrès de renouvellement des instances, conforme aux dispositions statutaires, peut être autorisé par la loi et la Justice, et remis en cause par des personnes.

Toute autre intention de remettre en cause les conclusions de ce VIIIe congrès, est une défiance à l'égard de l'autorité judiciaire et des lois et règlements de notre pays. Il ne saurait y avoir d'autres responsables ou instances légales et légitimes en dehors de ceux issus de ce VIIIe congrès. Tout le reste n'est que conjectures et illusions.

Le CDP a appelé récemment le peuple burkinabè à soutenir la transition. Comment, selon vous, cela doit-il se faire ?

Nos instances se sont réunies et ont pris la résolution de soutenir les nouveaux acteurs au pouvoir. Car, après analyse de la situation, nous partageons les mêmes objectifs qui étaient les points majeurs du programme de notre candidat aux élections de 2020 que sont: la lutte contre l'insécurité, le retour des déplacés internes, la lutte pour une gouvernance plus vertueuse par la lutte contre la fraude, la corruption, les détournements crapuleux, la restauration de l'intégralité de notre territoire, la refondation de l'Etat. Ces objectifs sont les mêmes que ceux dévoilés par le Mouvement patriotique pour la sauvegarde la restauration (MPSR) lors de sa première déclaration. Quel compatriote ne partage pas ces nobles objectifs ?

Voilà les raisons de notre soutien aux nouveaux acteurs au pouvoir. Le soutien peut être multiforme. C'est d'abord être à l'écoute et mettre en œuvre les mots d'ordre des gouvernants actuels. C'est également développer des initiatives individuelles ou collectives, des actions locales pouvant aider les acteurs à atteindre les objectifs auxquels nous adhérons tous et dans lesquels nous nous reconnaissons. Enfin, il appartient aux gouvernants également de définir la forme de soutien dont ils ont besoin. Nous restons disposés et engagés à les accompagner. Donc, il appartient au peuple de s'approprier ces objectifs et qu'ensemble, nous œuvrions à les atteindre.

" Je ne connais pas de haut responsable du CDP qui occupe un poste de responsabilités dans la transition "

D'aucuns accusent à tort ou à raison, la transition de procéder à la restauration du régime Compaoré. Que leur répondez-vous ?

J'aimerais savoir d'abord en quoi consiste le régime Compaoré. Ceux qui ont travaillé avec le président Compaoré ou qui sont les partisans du président Compaoré, sont-ils les parias de la République ? Ont-ils été déchus de leurs droits civiques ? Nous sommes en guerre et on a besoin de tous les compatriotes pour la mener.

Vous avez sans doute fait le constat que certains collaborateurs ou membres du régime déchu, ont été maintenus à leur poste ou ont été appelés à assumer des responsabilités sous cette transition. Je ne connais pas de haut responsable du CDP qui occupe un poste de responsabilités dans la transition.

Il s'agit tout simplement d'arguments stéréotypés diffusés et entretenus à dessein, pour amener certains concitoyens à douter de l'engagement et de la bonne foi des militaires aux affaires. L'objectif final est de restaurer et refonder notre pays et non un quelconque régime.

Comment se porte le président Compaoré ?

Le président Compaoré se porte comme quelqu'un de son âge. Sans doute avec de petits bobos mais en bonne santé.

Avez-vous échangé avec Blaise Compaoré sur son retour au bercail ?

L'objet de notre voyage n'était pas le retour du président Blaise Compaoré au pays mais plutôt l'unité au sein de notre parti. Nous n'avons pas évoqué la question de son retour au pays. Mais je sais qu'il souhaite revenir dans son pays.

Que répondez-vous à ceux qui pensent que la situation sécuritaire est allée de mal en pis depuis l'avènement des militaires au pouvoir ?

Ont-ils la certitude que sans l'accession des militaires au pouvoir, la situation n'allait pas être pire que ce que nous vivons ? Il est vrai que l'attente est grande en matière de lutte contre l'insécurité et le retour des déplacés internes, mais nous pensons que ceux qui sont au front sont les premières cibles et par conséquent, les premières victimes. Pensez-vous qu'un chef militaire a de la joie à perdre des hommes ? Non.

Les plus affligés sont d'abord les commandants d'unités et le commandement. Ils se battent pour que la digue ne cède pas. Mobilisons-nous pour les soutenir afin que d'ici là, la courbe s'inverse et dorénavant, que ce soient nos hommes qui triomphent de front en front. Nous devons nous inspirer des Ukrainiens qui, malgré la force de frappe de l'adversaire, restent mobilisés derrière leur armée.

Quelle solution préconisez-vous pour venir à bout du terrorisme ?

Nul ne peut rester insensible à la douleur et aux cris de détresse de son peuple. Plusieurs solutions ont été proposées, surtout par les militaires qui sont les professionnels de la guerre et de la lutte anti-terroriste. Que chacun apporte sa pierre et cela contribuera résolument à faire avancer les choses. Si nous avons un appel à lancer, c'est de demander l'union sacrée des Burkinabè autour des objectifs de la transition et des pouvoirs à venir, jusqu'à la victoire finale.

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.