Maroc: Déclinez votre politique anticorruption, si vous en avez une

Transparency Maroc vient d'adresser un mémorandum à l'intention du chef du gouvernement et qui sonne plutôt comme un réquisitoire l'interpellant sur sa politique anti-corruption.

D'emblée, Transparency Maroc donne le ton : "Nous nous attendons à ce que votre gouvernement clarifie ses positions et décline sa politique anticorruption, si vous en avez une". Et de le mitrailler d'une série de questions : "Quelles en sont vos priorités? Comment comptez-vous réactiver la mise en œuvre de la stratégie nationale de lutte contre la corruption ? Quelle serait votre politique en matière de conflit d'intérêts et d'enrichissement illicite? Comment comptez-vous renforcer les ressources de l'instance de probité, de prévention et de lutte contre la corruption (INPPLC) afin d'en assurer l'indépendance et l'efficacité ? Comment rendre réellement effective la loi sur l'accès à l'information? Comment protéger les dénonciateurs de la corruption au vu de la vacuité de la loi 37- 10 promulguée en 2011 ? Et quelles sont vos propositions pour rendre la loi actuelle de déclaration du patrimoine efficiente ?".

Ahmed Bernoussi, secrétaire général de Transparency Maroc, a souligné lors d'une conférence de presse organisée à Rabat pour présenter ce mémorandum que son organisation a "fait le choix du plaidoyer dans le cadre de l'exercice de son rôle que lui confère la Constitution en la matière en tant que composante active de la société civile". Il a sévèrement critiqué le gouvernement qui avait décidé le retrait du circuit législatif du projet de loi relatif à l'incrimination de l'enrichissement illicite, ainsi que le projet de loi n°03.19 relatif à l'occupation temporaire du domaine étatique.

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Et de lancer cette diatribe : "Il semble, à travers de nombreux indicateurs négatifs, que le gouvernement n'est pas sérieux dans sa lutte contre la corruption et l'économie de rente". Ahmed Bernoussi a également fustigé les déclarations "provocatrices" du ministre de la Justice qui avait affirmé que les associations de défense des deniers publics ne peuvent porter plainte contre des élus.

Le ministre avait même souligné lors de la séance des questions orales à la Chambre des conseillers le 19 avril dernier, que le Code de procédure pénale sera modifié pour que le ministère de l'Intérieur devienne l'unique partie habilitée à porter plainte contre les élus dans les affaires de dilapidation de deniers publics. Pour Ahmed Bernoussi, cette position est intenable, car elle s'inscrit en faux contre "la Constitution, les lois, le système judiciaire et les conventions internationales ratifiées par le Maroc".

Par ailleurs, Ahmed Bernoussi a affirmé que la plainte déposée par Transparency Maroc et l'Association marocaine des droits humains (AMDH), en décembre 2021, auprès du Ministère public portant sur les accords et marchés conclus par le ministère de la Santé pendant la période de la crise sanitaire liée au Covid-19, a été classée sans suite, car le parquet a estimé qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments pour déclencher des poursuites. Il a également insisté sur la nécessité de promulguer une loi qui mettrait un terme aux conflits d'intérêts et préviendrait les fuites illégales qui nuisent à la concurrence, soulignant l'inefficacité du Conseil de la concurrence dans le traitement de la question des prix des carburants.

Pour sa part, le juriste et membre du bureau exécutif de Transparency Maroc, Abdelaziz Nouidi, a indiqué dans son allocution que le Comité national de lutte contre la corruption issu de la stratégie nationale de 2015 ne s'est réuni que deux fois depuis son installation, alors qu'il devrait tenir deux réunions par an, soulignant que son organisation "cherche à convaincre et à faire des plaidoyers, mais en l'absence d'interaction positive avec les propositions de Transparency Maroc, celle-ci pourrait recourir à d'autres moyens pour faire pression sur les parties bénéficiant des situations de corruption".

Il y a lieu de souligner que le mémorandum de Transparency Maroc avance quelques priorités urgentes dont notamment la préparation et la promulgation de la loi de régulation des conflits d'intérêts et des lobbys pour éviter l'exploitation des fuites portant atteinte à la concurrence loyale et la bonne gouvernance en application de l'article 36 de la Constitution de 2011, la réhabilitation du Conseil de la concurrence en limitant les ingérences dans ses attributions constitutionnelles et la mise en place des structures de l'INPPLC via la désignation des membres de son conseil en collaboration avec les instances constitutionnelles dédiées pour la doter de cadres compétents et intègres et des ressources financières nécessaires pour s'acquitter de ses attributions avec efficacité et indépendance ainsi que l'incrimination de l'enrichissement illicite en conformité avec les normes et les bonnes pratiques reconnues à l'échelle internationale, sachant que le projet de loi retiré du Parlement était en discussion depuis six ans.

Transparency Maroc considère comme priorité urgente la révision de la loi de déclaration du patrimoine en y incluant l'accès à l'information y afférente non seulement aux instances de suivi et de contrôle, mais aussi pour toute personne intéressée ; et la révision de la loi n° 37-10, promulguée en 2011, relative à la protection des dénonciateurs de la corruption via la protection du parcours professionnel des employés des secteurs public et privé pour les inciter à dénoncer les actes suspects auxquels ils sont exposés sans crainte pour leur situation et leur avenir ou encore assurer l'engagement de toutes les administrations, des établissements publics et des collectivités territoriales à appliquer dans les meilleurs délais et qualités requises les dispositions de la loi 31-13 d'accès à l'information notamment les exigences de publication proactive.

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